Marketing bancaire
BANQUEstratégie n° 216 – juin 2004
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Un important danger émane du fait
que ces « outsiders », à partir de struc-
tures de coûts et de pratiques commer-
ciales différentes, peuvent se révéler par-
faitement imprévisibles et difficiles à
contrer par les institutions financières
traditionnelles sur certains produits ou
services. Le marketing doit anticiper les
risques afin de permettre aux directions
des banques de se donner le temps de
réfléchir à des actions de défense effi-
caces face à ces nouveaux entrants. Le
«benchmarking » ou analyse raisonnée
systématique de la concurrence, l’utili-
sation d’outils tels que Conversion Mo-
del diffusé par TNS-Sofrès permettant
d’analyser l’attrait des marques auprès
des différents segments de la clientèle et
en particulier des segments rentables,
deviendra le quotidien des analyses
marketing de demain. Les recherches
sur la concurrence constituent un in-
contournable complément des analyses
sur les clients. Il leur faudra rapidement
intégrer les systèmes de la GRC au
même titre que les informations sur la
clientèle.
Intégrer les nouvelles technologies et
rester humain. L’avènement des nou-
velles technologies, en particulier d’in-
ternet, bouleverse les approches du mar-
keting traditionnel. Le classique
«marketing-mix » reposant sur les
quatre P (product, place, price,
promotion) cher au « Pape » internatio-
nal de cette discipline, Philip Kotler
2
se
voit parfois bouleversé. Un « e-marke-
ting-mix » centré autour de nouvelles
variables que sont l’information, la tech-
nologie, les hommes, la logistique, est
en voie d’émerger
3
. À ce titre, trois défis
doivent être relevés:
•le premier consiste à équiper et for-
mer rapidement l’ensemble des person-
nels des réseaux à l’utilisation généralisée
des technologies. Les conseillers com-
merciaux de certaines importantes insti-
tutions financières françaises n’ont pas
encore la possibilité de communiquer
directement par e-mail avec leur clien-
tèle de professionnels ou patrimoniale.
Cette importante lacune semble devoir
être comblée d’urgence;
•un second défi vise à s’assurer que
les contacts technologiques avec les
clients ne se traduisent pas par une im-
portante déshumanisation des relations.
Les internautes ne doivent pas être
confondus avec des « cyberfanas ». Ils
souhaitent dans leur grande majorité
l’utilisation de ce média en complément
plutôt qu’une substitution de la relation
avec les collaborateurs du réseau. Une
importante refonte du fonctionnement
actuel de nombreux centres d’appels, en
ce qui concerne la relation client, appa-
raît indispensable;
•un troisième défi s’intéresse à une
meilleure harmonisation des canaux
technologiques avec l’ensemble de la dis-
tribution physique dans le cadre de la
stratégie multicanaux. Elle doit se substi-
tuer aux stratégies d’empilage de canaux
et de concurrence sauvage à l’intérieur
d’une même enseigne, qui ont parfois été
la pratique dans certaines institutions.
Améliorer la pertinence des
actions marketing
Un nombre non négligeable de diri-
geants et collaborateurs fait remarquer
qu’au cours de la dernière décennie, le
marketing s’est essentiellement intéressé
au marché des particuliers. Pour l’ave-
nir, une meilleure orientation vers celui
des entreprises et des professionnels ap-
paraît souhaitable. Elle se traduit par un
volume accru d’études et de recherches
destinées à mieux connaître et segmen-
ter ces marchés au-delà des critères clas-
siques habituellement utilisés par l’en-
semble des institutions. Des analyses
comportementales de cette clientèle
commencent à s’élaborer. Les recherches
s’intéressent aussi, comme cela se pra-
tique dans le monde industriel, à l’ana-
lyse des processus de décision complexes
qui conduisent, dans l’entreprise, à la sé-
lection d’une enseigne bancaire. La re-
cherche marketing contribuera égale-
ment à améliorer le risque par la
découverte en amont de segments spéci-
fiques répondant à cet impératif.
Au-delà des études, une importante
réflexion sur la communication à mener
avec ces publics et sur les budgets à y
consacrer fera l’objet d’une réelle atten-
tion. La pratique qui a jusqu’ici orienté
la quasi-totalité des budgets de commu-
nication vers la clientèle des particuliers
mérite une réflexion. Le développement
spectaculaire d’internet auprès de la
clientèle des professionnels et des entre-
prises obligera les banques à reconcevoir
la globalité de leur approche de la com-
munication et à réfléchir sur de nou-
velles donnes.
Conclusion
La création, dans les banques, d’une
culture interne orientée délibérément
vers le sens du client, des collaborateurs,
des partenaires… ne se fera pas facile-
ment.
Le développement du souci d’inté-
grer les technologies et de créer davan-
tage de réactivité à tous les échelons est
loin d’être aisé. La finalisation des pro-
jets stratégiques réclamera volonté et
persévérance.
Le marketing ne peut efficacement
contribuer à ces tâches que si son pou-
voir de persuasion et de coordination est
augmenté. Sa place auprès du comité de
direction, comme cela se pratique déjà
dans de nombreux secteurs industriels,
devient une nécessité. Dans cette posi-
tion, il pourra apporter un éclairage ac-
cepté par les décideurs. À ce niveau, il
acquerra la crédibilité nécessaire pour
coordonner efficacement les groupes
pluridisciplinaires chargés de proposer
des solutions pertinentes aux projets
stratégiques orientés vers le développe-
ment. Il sera enfin à même de contri-
buer à réduire les délais entre l’innova-
tion et la commercialisation en
organisant une meilleure harmonisation
des départements en charge de l’infor-
matique, des réseaux et, bien entendu,
de sa propre fonction. ●
1 Enquête réalisée par l’auteur et Elodie Trouillaud
entre janvier 2000 et janvier 2004 dans le cadre de
l’élaboration de l’ouvrage sur le marketing cité p. 2.
L’enquête a porté sur l’interview en face à face ou
téléphonique de 250 dirigeants, collaborateurs
marketing et des réseaux de banques européennes.
2 Ph. Kotler, B. Dubois, D. Manceau, Marketing
management, 11eédition Pearson Education.
3 M. Badoc, B. Lavayssière, E. Copin, e-marketing
de la banque et de l’assurance,
Éditions d’Organisation, 2eédition.
« Pour l’avenir, une meilleure orientation du marketing vers le
marché des entreprises et des professionnels apparaît souhaitable. »
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