Théories et critiques des sciences de la culture en
Europe
Projet agréé comme programme de formation-recherche du CIERA
Responsables
Andrea ALLERKAMP, Professeure des Universités, Université de Poitiers, membre du
Groupe de recherche sur la culture de Weimar
Gérard RAULET, Professeur des Universités, Université de Paris IV, membre du Groupe de
recherche sur la culture de Weimar
Thématique
En revendiquant une identité disciplinaire avec ses propres options théoriques, ses questions
et méthodes, ainsi que son objet de recherche,1 les « sciences de la culture » ont fini par
s’établir un peu partout en Europe – à l’exception de la France où la tradition des sciences de
l’Homme, l’organisation majoritairement monodisciplinaire des départements et UFR
universitaires mais certainement aussi le modèle de l’État-nation handicapent leur
épanouissement.
Depuis une vingtaine d’années, on peut certes parler d’une nouvelle
internationalisation en sciences humaines. Mais contrairement à la flexibilité plus grande du
modèle humboldtien qui laisse à la recherche une autonomie plus grande par rapport à
l’enseignement, les structures universitaires françaises font obstacle à toute tentative de
décloisonner les disciplines. En outre, les « sciences de la culture » ne sont pas un phénomène
limité à l’institution universitaire et scientifique mais la manifestation d’une restructuration du
savoir différencié moderne et une véritable révolution épistémique dont les implications
remettent en question les conceptions héritées de la société et du politique – ainsi que le
révèle avec véhémence leur variante anglo-saxonne, les Cultural Studies. En ce sens notre
projet aborde un aspect et un enjeu majeurs de la formation non seulement d’un espace
culturel et universitaire mais d’une culture politique européenne.
L'irruption des sciences de la culture dans le paysage épistémologique remet
radicalement en question les notions d'identité et de territoires, elle remet en question l’étude
des « civilisations étrangères » (Auslandskunde / Kulturkunde / « civilisation ») et même le
« comparatisme » ou l’« imagologie », qui - par définition – continuent de présupposer
l'identification de territoires nationaux ou disciplinaires. Ce projet s'inscrit à ce titre dans l'axe
Identités, frontières et intégration européenne mais il le subvertit et peut aussi revendiquer à
bon droit son inscription dans la poursuite de l'axe antérieur des projets de formation-
recherche du CIERA sur les Approches réflexives des disciplines des sciences humaines et
sociales.2
1 Cf. Hartmut Böhme: « Stufen der Reflexion: Die Kulturwissenschaft in der Kultur », in:
Handbuch der Kulturwissenschaften. Paradigmen und Disziplinen, Stuttgart; Weimar 2004, vol.
2, pp. 1-15.
2 Ce projet s’inscrit dans les réflexions développées par le Groupe de recherche sur la culture de
Weimar (Fondation MSH & UMR 8138 IRICE – CNRS/Paris I/Paris IV) sur l’histoire des disciplines. Au
cours des dernières années ont été réalisés les séminaires et programmes de recherche suivants :
Nous nous proposons de procéder à un premier bilan de ce qui nous semble être bien
plus qu’une ancienne étiquette à laquelle on a rendu son éclat3 et constituer bel et bien une
tentative de réponse offensive à la mutation et à la recomposition des paradigmes scientifiques
et culturels depuis les années 80. Déjà, les interrogations transversales de l’histoire de la
culture (Kulturgeschichte) allaient bien au-delà de l’héritage que leur avaient légué les
disciplines universitaires établies (comme la philologie ancienne, qui n’est pas seulement à
l’origine de la Literaturwissenschaft, mais a aussi posé les jalons des Kulturwissenschaften) et
les renouvellements dont ces dernières ont pu tirer profit - les théories de la modernité, la
réflexion épistémologique sur toutes les formes symboliques des cultures ou encore
l’anthropologie. L’histoire de la culture se distingue clairement d’une histoire sociale, d’une
histoire des mentalités ou d’une histoire des idées qui restent souvent attachées à une seule
discipline et à son mode d’approche historique. La différenciation fonctionnaliste des sciences
a radicalement modifié cette configuration des disciplines. C’est à partir du moment où les
disciplines particulières se sont fonctionnalisées qu’est né aussi l’intérêt pour l’approche
interdisciplinaire des Kulturwissenschaften. La prise en compte des contextes d’application
dans lesquels se jouent les transformations internes des différentes sciences a induit en outre
une évolution qui dépasse les fossés institutionnels entre sciences humaines et sciences
sociales, entre le social, le politique et l’art (la littérature et sa critique, l’esthétique au sens
large du terme). On peut même avancer l’hypothèse que s’esquisse ainsi une réponse
scientifique aux données nouvelles de l’auto-construction et de l’auto-représentation des
sociétés européennes.
Programme de travail
En collaboration étroite avec notre partenaire étranger, le Sonderforschungsbereich 644
Transformationen der Antike, qui réunit dix disciplines différentes à vocation culturaliste4,
nous souhaitons instaurer un débat entre chercheurs français et allemands sur les théories et
objets des sciences de la culture. Notre but est avant tout de créer un lien entre les
De la Nationalökonomie à la sociologie de la culture. Max Weber (séminaire de 3e cycle de
G. Raulet ; ENS LSH et Groupe Weimar, 2001/2002)
La naissance de la science politique (séminaire de 3e cycle de G. Raulet ; ENS LSH et Groupe
Weimar, 2002/2003)
La naissance de la science politique moderne sous la République de Weimar (Groupe
Weimar ; responsable : Manfred Gangl ; programme de formation-recherche du CIERA,
2004/2006)
Théories et philosophies de l’histoire en France et en Allemagne dans l’entre-deux-guerres
(projet de recherche du Groupe Weimar et de l’UMR IRICE commencé en 2004 ; séminaire
de master et postdoc 2004/2005 de G. Raulet)
L’anthropologie philosophique (projet de recherche Groupe Weimar / Université de Dresde
/ Université de Lausanne / Université Charles de Prague commencé en 2004)
Il donne également suite aux réflexions développées par la section 10 du Congrès de l'IVG, à
laquelle plusieurs membres de groupe Weimar ont participé (Andrea Allerkamp, Anne Chalard-
Fillaudeau, Marion Picker, Gérard Raulet).
3 Georg Bollenbeck: « Die Kulturwissenschaften – mehr als ein modisches Label? » In: Merkur 3
(1997), pp. 259-265.
4 Cf. la version abrégée du concept Transformationen der Antike: http://www.sfb-
antike.de/Konzept.html
interrogations théoriques et des objets de recherche précis à partir desquels la réflexion
générale sur le phénomène des « sciences de la culture » pourra être formulée concrètement.
Cette réflexion générale sera structurée selon deux grands axes d’orientation, l’un temporel,
l’autre spatial :
1. Transformations – Les Kulturwissenschaften de 1900 à aujourd’hui. Évolutions
historiques et processus de transformation. Théories, paradigmes, typologies, critiques,
objets.
2. Topographies – Territoires déterritorialisés des disciplines et matières, globalisation
des sciences analysant les représentations et pratiques culturelles, concepts et topoi des
méthodes culturalistes (vie / bios, culture / civilisation, centre / périphérie…).
Une première journée d’études reviendra d’abord sur les Kulturwissenschaften et leurs
questions épistémologiques autour de 1900 en Allemagne ; une deuxième journée d’études
thématisera l’effondrement des grands paradigmes depuis les années 80 ainsi que les
continuités et ruptures par rapport aux premières Kulturwissenschaften ; le colloque final
analysera les topoi et problèmes du tournant culturaliste et proposera un forum de discussion
sur ses conséquences scientifiques, sociales et politiques.
Première Journée d’études
Les Kulturwissenschaften autour de 1900. Dispositifs, concepts, méthodes
Responsable (s)
Gérard Raulet, Andrea Allerkamp,
Du vendredi 20 avril 2006 au samedi 21 avril 2006
14-18 heures ; 10-12 heures
Maison de Sciences de l’Homme, 54 bd Raspail, 75006 Paris
Les sciences de la culture portent sur un concept de la culture délibérément large qui
semble peu précis mais significatif pour l’Histoire des sciences en Europe. Depuis
1900, il sert à détacher les sciences humaines de la tradition philologique et
herméneutique des sciences de l’esprit (Wilhelm Dilthey). Ces larges débats des
premières sciences de la culture en Allemagne résultent d’une crise de l’historisme
(Ernst Troeltsch) et d’une réaction contre le positivisme. Ils marquent l’arrière-plan
d’une époque charnière de la science moderne qui va de 1880 à 1930. En revenant
sur ces débats, on approfondira les liens entre le concept de la culture et les théories
et/ou pratiques dans les différentes disciplines tout en considérant le rapport
antinomique entre nature et culture. Le projet veut mettre à jour l’actualité de ces
questions épistémologiques.
Contact et inscription :
Andrea Allerkamp, [email protected], Gérard Raulet, [email protected]
2e Journée d’études
Kulturwissenschaften, Cultural Studies, sciences de la culture
Pluralisations et Transformations
Tournant technologique, sciences des médias
L’anthropologie philosophique/ l’anthropologie historique
Culture et/ou texte. L’objet en question
Postmodernité : Postcolonialisme, postnationalisme, posthistoire
Lieu
Centre universitaire Malesherbes, Université Paris IV-Sorbonne et/ou Maison de Sciences de
l’Homme
Date
novembre 2007
Colloque
La déterritorialisation des territoires. Dimensions scientifiques, sociales et
politiques des sciences de la culture.
Interdisciplinarité (champs, notions, histoire/s du savoir)
Méthodes et métaphores (correpondances, constellations, mapping, mise en réseau)
Traductions, Transferts, Translations (vie / bios, culture / civilisation, histoire /
sédimentation)
Territoires déterritorialisés (métropoles / périphéries, internationalisme / régionalisme,
localisation / délocalisation)
Lieu
Maison Heinrich Heine
Date
mars 2008
Séminaire
La (ré)orientation culturaliste de la germanistique :
État des lieux et analyses comparées (Allemagne, Autriche, France)
Depuis les années 1980, le tournant culturaliste a donné lieu à des évolutions
considérables dans la germanistique allemande et autrichienne. Il a suscité des
réorientations théoriques et pratiques au sein de celle-ci et a transformé le paysage
institutionnel comme en témoigne l’apparition de départements et de cursus dédiés
aux « Kulturwissenschaft(en) » émanant souvent du sein de la germanistique.
Cette journée d'étude a pour objectif d'explorer, à partir d'exemples concrets, les
apports possibles, souhaitables, déjà effectifs ou à venir des sciences de la culture à
la germanistique. Dans la mesure où ces sciences ne disposent pas en France de la
même assise institutionnelle qu’en Allemagne et en Autriche, on s’interrogera dans
une perspective comparatiste sur les évolutions connues ici et là par la
germanistique sous l’effet de la nouvelle donne épistémologique.
1 rencontre par mois d’octobre 2006 à juin 2007 (9x3h)
1 journée d’étude de 9h
Séminaire : octobre 2006 à juin 2007
Journée d’étude : Samedi 3 février 2007
Lieu :
Séminaire : Université de Paris X-Nanterre, UFR de Langues, Salle F 357
Journée d’étude : Université de Paris X-Nanterre, Salle Max Weber
Organisé par le Cercle de lecture « La Germanistique comme “science de la culture”? » :
Contact et inscription :
Hildegard Haberl ([email protected])
Anne Chalard-Fillaudeau ([email protected])
Le cercle de lecture soutenu par le Centre de Recherches sur le Monde Germanique de
l'Université de Paris X-Nanterre se réunit mensuellement à l'Université de Paris X ou Paris
VIII. Il est organisé et animé par:
Stefanie BUCHENAU, docteur en Etudes Germaniques, MCF à l’Université de Paris VIII
Hélène BOULARD, doctorante en Etudes Germaniques, ATER à l’Université de Paris
X-Nanterre
Anne CHALARD-FILLAUDEAU, docteur en Etudes Germaniques, MCF à
l’Université de Paris VIII
Hildegard HABERL, doctorante, co-tutelle EHESS (Paris) / Institut d'Etudes
Romanes à l'Université de Vienne (Autriche), lectrice à l’Université de Paris X-
Nanterre
Verena HOLLER, docteur en Etudes Germaniques, ATER à l’Université de Paris X-
Nanterre,
Susanne LENZ-MICHAUD, docteur en Etudes Germaniques
Mathilde ROUSSAT, doctorante en Etudes Germaniques, co-tutelle Université de
Paris X-Nanterre/Humboldt-Universität zu Berlin, ATER à l’Université de Paris X-
Nanterre
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