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Nous avons vu en quoi consistait la politique de relance, et quels étaient ses effets, nous
allons désormais nous focaliser sur la deuxième politique conjoncturelle qu’il est possible d’adopter,
la politique de rigueur.
A la fin des années 1970, les politiques keynésiennes s’essoufflent et perdent de leur
efficacité ; la conjoncture économique bascule dans la stagflation, c’est à dire une situation avec
beaucoup de chômage et de l’inflation. C’est donc contraire à la courbe de Phillips, selon laquelle l’un
ou l’autre est toujours censé prendre le dessus. Ces politiques de « stop and go » sont alors
remplacées par des politiques libérales de rigueur, inspirées par une nouvelle école libérale, celles de
monétaristes dont la figure de proue est Milton Friedman. Ces politiques, qui voient le jour dans les
pays anglo-saxons avec l’avènement au pouvoir de Ronald Reagan aux Etats-Unis et Margareth
Thatcher au Royaume-Uni, sont dites des politiques de désinflation compétitive. Elle ont pour but la
lutte contre l’inflation (donc la désinflation) et le rétablissement des équilibres extérieurs. Pour cela,
on utilise principalement une politique monétaire restrictive qui va diminuer les taux d’intérêt du
crédit à l’économie, et donc diminuer la demande de crédit des agents économiques, pour freiner la
création monétaire et par la suite l’inflation. Si l’inflation diminue, les entreprises vont donc en plus
gagner en compétitivité, et pouvoir vendre davantage à l’étranger, ce qui va permettre de réduire le
déficit commercial.
Cependant, la politique monétaire n’agit pas seule ; elle est couplée à une politique
budgétaire restrictive de complément dans un policy mix. Celle-ci a pour but de réduire les dépenses
de l’Etat afin de réduire la demande globale et donc l’inflation. Pour un but final qui vise évidemment
la compétitivité, si importante pour pouvoir exporter ses produits. Les effets de cette politique,
utilisée à partir de 1983 en France, ont été importants et très rapides. Depuis les années 1980,
l’inflation a fortement diminué, passant à 3,6 % en 1989 et même à seulement 1,7 % en 2000. Malgré
tout, il est une nouvelle fois presqu’impossible d’atteindre tous les objectifs à la fois comme dans le
carré magique de Kaldor, donc comme le rappelle la courbe de Phillips, si l’inflation est faible, le
chômage est élevé, puisque les deux objectifs sont antagonistes. Ainsi, alors qu’il n’était que de 3,4 %
en 1975, le taux de chômeurs est passé à 8 % en 1989 puis à 10 % en 1999, avant de se stabiliser
dans les années 2000 (aux alentours de 9 % avec un pic à 10,2 % en 2012). Pour les autres pays
développés, les chiffres vont dans le même sens, la politique de rigueur étant jusque dans les années
2000 la politique de référence.
Mais la crise des subprimes a tout bouleversé, encore une fois. Alors que les politiques de
relance n’étaient presque plus utilisées, elles le sont redevenues en 2009 et 2010, ce qui a
considérablement augmenté le déficit et la dette. En 2011, de nombreux gouvernements ont ainsi
fait le choix de revenir à une politique de rigueur, mais cette fois avec des objectifs bien différents de
la politique de désinflation compétitive puisqu’il s’agissait là uniquement de réduire le déficit et la
dette, qui s’étaient envolés. C’est ce que nous explique d’ailleurs le document 3 : « Pris dans l’étau
d’une dette et d’un écart de production qui ne s’est pas refermé, la plupart des pays européens
combinent déficits structures et conjoncturels. La seules issue envisagée consiste en un resserrement
budgétaire. » Alors, en France par exemple, les effets sont, sans être incroyables, présents. La dette
se stabilise (représentant environ 90 % du PIB), et le déficit public diminue légèrement (-1,6 point
entre 2011 et 2012). Mais en contrepartie, le chômage repasse au dessus des 10 % en 2012, et
surtout, la croissance chute. Car ces politiques de rigueur, à court terme, freinent fortement la
demande, la croissance et l’emploi. En 2012, la croissance est donc de presque 0 % (contre 1,6 % en
2011). En réalité, ces politiques, qui doivent être utilisées de manière contra-cyclique, le sont de