paysages du larzac - Académie des Sciences et Lettres de Montpellier

Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, 1986, Jean Kilian
http://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/
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Séance du 3 février 1986, conférence n°1993, Bull. n°17, pp. 45-62
PAYSAGES
DU LARZAC
par
Jean Kilian
La présente communication,
donnée en 1986 à lAcadémie des
Sciences et Lettres de Montpellier,
était illustrée de projections:
cartes, croquis et photographies
originales de paysages
caractéristiques du Causse du
Larzac. En hommage à lauteur,
aujourdhui disparu, elle a été
numérisée et est présentée ici
accompagnée de reproductions
de tableaux quil a lui-même
réalisés. En effet, Jean Kilian était
tout à la fois cartographe,
géomorphologue et peintre
La reproduction des images est
interdite sans laval des ayants-
droit.
Au promeneur attentif et réceptif, le Causse du Larzac apparaît fort diversifié
et progressivement bien éloigné de l'idée du plateau monotone, désolé, uniforme tel
qu'il est souvent décrit.
Au cours de ses promenades, l'œil du promeneur perçoit, enregistre des
panoramas, des ensembles organisés de volumes, de lignes, de couleurs qui sont en
premier lieu reçus de façon subjective donc personnelle: impression d'harmonie, de
sérénité, de vigueur, de désolation, de grandeur...
Très rapidement, cependant, le besoin de comprendre succède à la réception
visuelle passive. Comment expliquer cette portion d'espace analysée visuellement
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Dictionnaire de la Géographie, PUF, Paris 1974.
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qui constitue la finition du paysage donnée par le Dictionnaire de la Géographie et
que nous adopterons ici. Cette définition confère donc au PAYSAGE une dimension
spatiale, une échelle d'appréhension. Cet exposé n'a d'autre ambition que de
constituer une aide à la découverte, à l'analyse et peut-être à la compréhension des
principaux paysages du Larzac.
Dans une première partie il sera exposé comment nous entendons le concept
de PAYSAGE au travers de la définition adoptée.
Dans une seconde partie nous situerons le Causse du Larzac dans ses
contextes géographique et géologique.
Dans une troisième partie, nous préciserons les caractéristiques du modèle
karstique.
Pour terminer, l'esquisse des principaux paysages du Larzac sera présentée
et commentée.
I. LE CONCEPT DE PAYSAGE
Le PAYSAGE tel que nous venons de le définir est d'abord perçu
VISUELLEMENT. Ce point est fondamental. Notre œil, en fait, enregistre des
ENSEMBLES qui se sont formés à partir d'interactions multiples entre plusieurs
composantes (ou éléments) dont les principales sont: le CLIMAT, le RELIEF, les
ROCHES, le COUVERT VÉGÉTAL. Notre approche consistera à accéder à la
connaissance de ces ensembles dans leur DESCRIPTION comme dans leur
FONCTIONNEMENT.
Il nous faut donc commencer à analyser le rôle que jouent ces composantes.
Le climat
Cette composante ne se voit pas, mais on en perçoit les effets constamment
et partout. Le climat est le
façonnier
naturel du paysage par l'action constante des
facteurs qui le composent: température, pression, vents, pluies. Les grandes
différences existant, par exemple, entre paysages tempérés et paysages tropicaux
sont directement liées aux facteurs climatiques; ceux-ci conditionnent l'altération des
roches, le modelage des formes de relief, la circulation des eaux, la nature du
couvert végétal, les activités agricoles. Il est au départ de toute transformation, de
toute évolution.
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Le relief
Il comprend toutes les inégalités de la surface terrestre ; c'est le facteur que
l'œil enregistre en premier; son influence est forte sur la perception globale du
paysage. On se sent très bien par exemple en montagne ou en plaine, selon la
sensibilité de l'être à l'élément dénivellation ou aux masses topographiques.
Les roches (ou matériau)
Elles constituent une composante dont l'influence est grande sur la
physionomie des paysages. Les roches se transforment sous l'action de l'eau et de
l'érosion et contribuent à donner à un ensemble topographique un modelé
caractéristique.
Le couvert végétal
Il est un facteur que l'œil enregistre avec autant d'acuité que le relief. Par
couvert végétal, il faut entendre ici la végétation naturelle avec ses formations
végétales (bois, pelouses, landes) et la transformation de ce milieu par l'homme
(agriculture, parcours, déboisements ... ) qui forme ce que l'on appelle couramment
l'occupation des terres.
Ces quatre composantes se combinent entre elles de façon permanente pour
former ces ensembles, ces ORGANISATIONS ou STRUCTURES que l'homme
perçoit à son échelle, comme des PAYSAGES. Ces combinaisons ne sont pas
figées. Tout le monde distingue pour un même espace naturel, un paysage
d'automne d'un paysage d'été; le facteur couvert végétal suffit ici, par ses
modifications saisonnières à imprimer des physionomies différentes. Ces
modifications peuvent avoir d'autres causes; un paysage forestier, toujours pour un
même espace naturel, peut évoluer en un paysage agricole ou de parcours.
D'autres facteurs comme l'ÉROSION, ensemble des processus qui
provoquent l'usure du relief (par exemple: départ, transit, accumulation de la terre
fine le long d'une pente) peut modifier très vite l'aspect visuel d'un paysage agraire.
A la notion d'organisation, de structure, s'ajoute donc celle de
FONCTIONNEMENT, d'ÉVOLUTION. Un PAYSAGE apparaît comme un
ENSEMBLE formé à partir de plusieurs composantes qui fonctionnent comme un
TOUT selon des règles qui lui sont propres. C'est donc un SYSTÈME.
C'est à la perception de ces systèmes naturels que sont les paysages que
nous nous sommes attaché dans cet exposé.
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II. LE CAUSSE DU LARZAC, SITUATION
Le Causse du Larzac fait partie d'un vaste ensemble de plateaux calcaires:
les
grands Causses
ou Causses majeurs. Ces plateaux sont limités par les massifs
primaires environnants : Rouergue, Aubrac, Margeride, Cévennes.
Ces Causses, séparés par des cours d'eau coulant dans des gorges très
profondes, sont au nombre de quatre : le Causse de SAUVETERRE au nord entre le
LOT et le TARN, le Causse MÉJEAN entre le TARN et la JONTE, le Causse NOIR
entre la JONTE et la DOURBIE et le Causse du LARZAC qui est le plus méridional.
C'est aussi le plus vaste : 1000 km2.
E.-A. MARTEL rappelle dans son livre
Les Causses Majeurs
(1) qu'on a donné
plusieurs étymologies du mot Larzac: les uns le font venir de Larga Saxa (grandes
roches), d'autres d'Arx, Arcis (forteresse, sommet), d'Arisdum, arisitum (pays aride),
d'Arsiat, Arsat (desséché, brûlé), d'autres enfin, de Larricum, Larriciatum (territoire
rocailleux, stérile). La question n'est pas résolue mais tout converge pour souligner
l'étymologie de pays rocailleux et desséché.
Le Larzac est limité au Nord par le TARN et la DOURBIE, au sud-est par le
chaînon calcaire plissé de la SÉRANNE ; au sud il se relie par d'importantes falaises
et par le plateau de l'ESCANDORGUE au Bas-Languedoc.
Les deux petits Causses «annexes» du LARZAC : le Causse de
CAMPESTRE et LUC et le Causse de BLANDAS situés au nord sont séparés du
Larzac par les gorges de la VIS et de la VlRENQUE. Le point culminant de ces deux
Causses annexes se situe à 955m, à la SERRE GOUTÈZE, au Nord du village LE
QUINTANEL.
Les altitudes du Causse du Larzac varient entre 912 m à l'Ouest (Mont
Cougouille) et 559 m dans la partie sud-orientale aux environs de Saint-Maurice de
Navacelles. Il s'allonge du Nord-Ouest vers le sud-est sur une longueur
approximative de 60 km et sa largeur moyenne se situe entre 20 et 25 km.
Du point de vue géologique, le Larzac est constitué par tous les étages
calcaires et dolomitiques du Jurassique moyen et supérieur (Dogger et Malm). Les
différents faciès de ces roches ont une grande influence sur les caractères des
paysages :
- Calcaires s'étendant surtout au sud-est, à l'Est du Causse, et
également vers le Nord (Nord de la Cavalerie).
- Dolomies (roches constituées de calcaire et magnésie) apparemment
surtout au Nord du Causse, au sud de l'Hospitalet sur le Plateau de Viala-du-Pas-de-
Jaux, à l'Est et au sud-est du Caylar vers le Plateau de Guilhaumard et de part et
d'autre du Pas de l'Escalette.
- D'autres roches apparaissent, réparties de façon inégale sur le
Causse: épanchements volcaniques de l'Escandorgue, argiles à chailles, marnes
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visibles sous les assises calcaires, sur les versants des corniches et des falaises.
Le Causse du Larzac a été divisé, fractionné en cinq grands ensembles ou
compartiments assez bien individualisés par cinq grandes failles transversales
presque parallèles, orientées grossièrement Est-Ouest: Failles de l'HOSPITALET DU
LARZAC, de la COUVERTOIRADE, de SAINT-MICHEL, de la VACQUERIE et de la
SÉRANNE. C'est le long de ces failles que se sont façonnées et creusées les vallées
du CERNON, de la SORGUE, de la LERGUE à l'Ouest du Causse et du DOURZON
et de la SORBS à l'Est ; c'est également le long de ces failles que s'allongent les
chaînons montagneux qui brisent l'apparente horizontalité du Causse: chaînons de la
SÉRANNE, de SAINT-MICHEL (Puechs Tude et Fulcran), Ride de L'HOSPITALET
du LARZAC.
III. L’EVOLUTION ET LE MODELE KARSTIQUE
Sous nos climats tempérés, les pays calcaires comme les Causses sont
affectés par une évolution toute spéciale dénommée évolution karstique. Le mot
KARST provient d'une région du Nord de la Yougoslavie, l'ISTRIE, formée de
plateaux calcaires au relief particulier, tout à fait original: cours d'eau encaissés dans
des cañons profonds, rivières souterraines réapparaissant par des résurgences,
grottes, cavités énormes ou avens, dépressions fermées sans écoulement apparent,
reliefs ruiniformes, falaises abruptes ...
Ce type de relief qui affecte les régions calcaires est à la prédominance de
processus qui conduisent à la dissolution du calcaire (qui est un carbonate de chaux)
par des eaux chargées de gaz carbonique (eaux de pluies et de ruissellement par
exemple). Ainsi les roches calcaires sont attaquées, rongées progressivement par
l'action de l'eau. Cette corrosion donne naissance à un ensemble de formes
caractéristiques appelé MODELÉ KARSTIQUE. Ce modelé a une propriété
fondamentale : on y rencontre aussi bien des FORMES DE SURFACE que des
FORMES SOUTERRAINES. Le Causse du LARZAC possède toutes les formes
propres au modelé karstique. Nous décrirons d'abord les FORMES DE SURFACE
que l'œil perçoit et enregistre d’abord.
Les lapiez (Iapies ou lapias) sont des cannelures ou des ciselures ou des
rainures affectant la surface des roches calcaires et dues à la dissolution du
carbonate de calcium par les eaux de ruissellement. Elles peuvent être recouvertes
par la terre (Karst couvert) ou apparaître en surface. Selon la nature ou le grain du
calcaire, le mécanisme du ruissellement, on peut rencontrer des lapiez à cannelures,
à rigoles, à arêtes, à pointes. Les dimensions de ces formes varient de 1 millimètre à
plusieurs mètres, les plus fréquents s'établissant autour du mètre.
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