la difficulté est de se rendre accessible au plus grand nombre. Il y a un écart naturellement présent
entre langage philosophique, langage poétique et langage ordinaire.
6/ Parole philosophique, parole poétique
La parole est vivante, en générale en première personne, elle est portée par une voix. On se
demande ce que c’est que parler. Peut-on dire que le poète parle ? Qu’est-ce que la parole pour le
philosophe ? A ces définitions de la parole correspondent des idéaux. On cherche à dire ce que doit
être idéalement la parole. Au XVIIème siècle, l’art de parler est l’art de la grammaire, de bien parler. La
Grammaire de Port-Royal date de 1660 et écrite par Arnauld et Lancelot. La Logique de Port-Royal
est écrite par Arnauld et Nicole. Ce sont deux ouvrages qu’il faut connaitre. « Parler est expliquer ses
pensées par des signes que des hommes ont inventé à ce dessein. » Il y a l’idée que sans parole la
pensée reste inexplicable. Ce détour par le signe est nécessaire à la communication, notamment de
corps à corps. Ces signes sont des supports qui signifient nos pensées. Les mots sont les signes des
idées. On ne peut imaginer le langage sans idées. Les idées sont ce que signifient nos paroles.
L’expérience, les idées et les images sont des conditions de la signification. Pour Locke il y a bien une
différence entre l’usage civil et l’usage philosophique (Essai sur l’entendement humain, 1683). La
philosophie doit pour lui clarifier le langage ordinaire et permettre de se mettre d’accord sur l’idée
que chacun soit signifier par le mot. Il faut un usage rigoureux, un usage de la logique. La parole
poétique semble suivre d’autres fins. La parole poétique n’apparait pas comme un usage plus
rigoureux du langage ordinaire mais plutôt comme un échec du langage.
Cf. Philippe Jacottet dans Chants d’en bas.
« J’aurai beau répété « sang » du haut en bas
De la page, elle n’en sera pas tâchée,
Ni moi blessé ».
Il y a une sorte de légèreté du langage qui est le paradoxe initial de tout poète.
« Tout ce qu’on voit, tout ce qu’on aura vu depuis l’enfance, précipité au fond de nous, brassé peut-
être déformé (...) tout cela qui remonte en paroles, tellement allégé, affiné, on imagine à sa suite
guère même la mort ».
Il y a une recherche du véritable sujet de la parole.
Estéban, p. 49 : « Je dis je mais c’est l’autre que moi qui parle ». (Conjoncture du corps et du jardin)
C’est dans le poème lui-même que réside la parole poétique. Le poème n’est pas le souffle qui
précède le chant mais le résultat de ce qui est écrit lu et prononcé.
Dire que le poème est l’expression d’un ensemble complexe de perceptions suppose un lien étroit
entre le mot et le sentiment. La poésie est un lieu privilégié pour s’interroger sur ce qu’est la
sensibilité. La poésie est essentiellement un art du langage. Il faut toujours prendre en compte les
liens qui unissent mot et émotion. Au-delà de ce constat d’un échec de la langue, on trouve un
retour aux paradoxes du langage. La parole poétique cherche à aller au-delà d’un ensemble de
signes. Les signes construisent, évoquent. Tout langage emprisonne le sujet. Guérir des signes est le
projet poétique tel qu’Estéban le formule. Le langage produit des idées générales, des images, la
parole poétique ne cherche pas à aller au-delà.
7/ Théorie classique de la signification et raison poétique des modernes