VI. Les céramiques diélectriques linéaires et leurs applications

MATERIAUX CERAMIQUES MICROTECHNIQUE VI.1
VI. Les céramiques diélectriques linéaires et leurs applications
1. Introduction
Le sujet du chapitre précédent concernait les céramiques conductrices et semiconductrices, c’est-à-dire les
céramiques possédant des porteurs de charges mobiles. Ici, on va traiter des céramiques qui ne contiennent
que des charges liées, ou seulement très peu de charges mobiles. Ces matériaux ont une bande d’énergie
interdite large. Ils sont isolants et peuvent être employés comme isolateurs électriques (le plus souvent aussi
des isolateurs thermiques).
Tous les porteurs de charges réagissent au champ électrique. Si elles sont mobiles, le champ provoque un
mouvement dans la direction du champ (ou dans le sens opposé, ceci dépendant du signe de la charge), et
si elles sont liés, le champ provoque leur polarisation, induisant l’apparition de dipôles. Les dipôles sont
formés à cause du léger déplacement des charges positives dans la direction du champ, et de celui des
charges négatives (électrons et ions) dans le sens opposé au champ électrique, ce qui résulte en une
charge lié à la surface du diélectrique.
Cette polarisation a une importante conséquence : Pour contrebalancer la polarisation, la surface du
matériau métallique proche du côté positif du dipôle accumule des charges négatives et la surface
métallique proche du côté négatif du dipôle accumule des charges positives. Ainsi, le stockage des charges
est possible, ce qui signifie que l’on crée un condensateur. Les condensateurs sont des composants
importants dans la plupart des circuits électriques.
L’importance de la polarisation sous l’influence d’un champ électrique varie d’un isolant à un autre. C’est une
propriété spécifique du matériau. La polarisation de certains matériaux est proportionnellement linéaire au
champ appliqué, alors que d’autres matériaux possèdent une réponse non-linéaire. Les premiers sont
nommés diélectriques linéaires et les seconds nommés diélectriques non-linéaires.
En premier lieu, nous verrons les propriétés les plus importantes des diélectriques : la constante
diélectrique, la perte diélectrique et la résistance au claquage des matériaux diélectriques, et nous
étudierons des exemples importants d’applications pour les diélectriques linéaires. Quant aux diélectriques
non-linéaires, ils seront abordés dans le prochain chapitre.
Figure 1. Condensateur sans diélectrique : 2 plaques métalliques identiques séparées par une distance t. Une
source de tension charge le condensateur à une tension U.
2. Le condensateur
Le condensateur est un dispositif pour stocker des charges électriques (fig. 1). Dans le cas le plus simple, il
est constitué de deux plaques métalliques identiques (surface A) centrés et parallèles à une distance t.
Quand on applique une source de tension (U), une charge Q s’installe dans les électrodes à l’interface vers
l’autre électrode. La polarité est positive du coté de la tension positive et négative de l’autre coté. La
capacité C du condensateur est le quotient C=Q/U. L’unité de capacité électrique est le Farad (F=C/V
(coulomb par volt)). A l’intérieur d’un tel condensateur, le champ électrique est homogène part aux bords
des plaques métalliques) et vaut E=U/t. On introduit un champ de déplacement électrique
D=
!
0E
,
!
0=8.85"10#12 F/m(=C/V/m)
est une constante universelle nommée permittivité diélectrique du vide
(= vacuum), quand l’espace entre les électrodes est vide de matière. D est rien d’autre que la densité de
MATERIAUX CERAMIQUES MICROTECHNIQUE VI.2
charges dans les électrodes, i.e. D=Q/A (possède donc l’unité C/m2). Avec ces relations on peut déduire la
capacité :
C0=
!
0
A
t
.
t
A
E
+
-
V
Q0 = C0 V
C0 =
ε
0 A/t
Q = k C0 V
Figure 2: Les charges s’accumulent sur deux plaques métalliques séparées : (a) vide entre les plaques (b) matériau
diélectrique entre les plaques.
3. Propriétés électriques des matériaux diélectriques
3.1 Constante diélectrique
Dans la suite, on va discute de l’introduction d’un matériau diélectrique entre les plaques d’un condensateur.
On fait la différence entre la capacité sans diélectrique C0, la charge sans diélectrique Q0 (Fig. 2a) et les
valeurs avec un diélectrique C et Q. En écrivant la charge
EAV
t
A
VCQ 0000
εε
===
(1)
La charge totale sur la surface divisée par la surface donne la densité de charge, ou le déplacement
diélectrique D [C/m2] (comme défini en haut)
D0 = Q0
A
=
!
0E
[C/m2]
Quand un isolant est inséré entre les plaques métalliques, l’isolant se polarise sous l’influence du champ
appliqué, à cause des charges liées aux surfaces traversées par le champ
. Parfois, on parle de dipôles à
l’intérieur du diélectrique (strictement parlé c’est souvent pas vrai). Pour compenser ces charges de
polarisation, des charges de signe opposé s’accumulent à la surface des plaques métalliques (électrodes)
(Figure b). Ces charges sont des charges libres du métal et doivent être fournies par une source extérieure.
Grace à la polarisation du diélectrique il y en a beaucoup plus que Q0. Le rapport entre les charges
accumulées avec l’isolant Qtot = Q0+Qd et celles sans l’isolant est nommé la constante diélectrique k (ou
parfois
ε
r) de l’isolant. La permittivité de l’isolant est notée
ε
est égale à k
ε
o en [F/m].
La capacité du condensateur avec le diélectrique est donc : C = k C0 = k
ε
0 A/t [F].
Le champ Dtot est aussi une somme de deux contributions :
Dtot = Qtot
A
= k
!
0E = Q0
A
+ Qd
A
=
!
0E + P
(2)
Le champ P est nommé polarisation. De l’équation (2), on obtient donc pour P :
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P =
!
0(k"1)E ou P =
#!
0E
(3)
χ
représente la susceptibilité diélectrique du matériau.
De l’équation (3), on constate que la constante diélectrique et la susceptibilité expriment la facilité avec
laquelle un matériau devient polarisé sous un champ électrique externe appliqué.
3.2 Pertes diélectriques
Nous considérons maintenant le comportement en fonction du temps. Ceci est important car les
diélectriques sont le plus souvent utilisés dans des circuits avec du courant alternatif (AC). Dans le cas idéal,
toute l’énergie stockée dans un condensateur peut être récupérée. C’est pourquoi on peut obtenir des
résonateurs LC, ceci en mettant une bobine d’inductance L en parallèle avec un condensateur (C). L’énergie
oscille entre la forme électrostatique dans le condensateur, et la forme magnétique dans la bobine (tout à fait
équivalent au résonateur ressort - masse qu’on a traité dans le chapitre sur la mécanique, ou les deux
formes d’énergie sont canique et cinétique). Mais il y a toujours des pertes. Dans la bobine c’est la
résistance électrique du fil, dans le condensateur c’est la perte diélectrique, parfois liée avec une fuite
électrique à travers le diélectrique.
Quand une tension sinusoïdale de fréquence angulaire
!
=2
"
f
est appliquée sur un condensateur fait d’un
matériau diélectrique idéal, la polarisation est en phase avec la tension appliquée. Toutefois, dans chaque
matériau réel, il y a de la ‘friction’, de la viscosité, donc des mécanismes de dissipation d’énergie. La
polarisation est donc décalée (ou retardée) d’un certain temps
!t
, donnant lieu à un déphasage de
!
="
#
$t
par rapport à la tension appliquée. Cet angle s’appelle angle de perte. La nature des mécanismes
de pertes d’énergie sera discutée plus tard. Si le champ sinusoïdal appliqué est exprimé comme dans
l’équation (4), le placement sera exprimé comme dans l’équation (5), et la permittividiélectrique, qui est
le rapport entre les deux, sera exprimée dans l’équation (6)
E = E0ei
!
t
(4)
D = D0ei(
!
t"
#
)
(5)
!
= D0
E0
e"i
#
(6)
Y=i
!
C=i
!
C'"iC''
( )
=
!
C'(tan
#
+i)
Figure 3 : La capacité complexe comme admittance.
On constate que la permittivité diélectrique d’un matériau non idéal est un nombre complexe (équation 7). Le
rapport entre la partie imaginaire de la permittivité diélectrique et sa partie réelle est noml’angle de perte,
ou tgδ:
!
= "
!
#i""
!
(7)
Admittance Y
Im(Y)
Re(Y)= conductance
δ
ωC'
ωC
ωC’’
MATERIAUX CERAMIQUES MICROTECHNIQUE VI.4
!!
"
!
"
= !!
k
!
k
= tg
#
(8)
L’admittance Y est en générale écrit : Y=g+ib, ou g est la conductance, et b la susceptance. Un
condensateur réelle n’est donc pas une susceptance pure (b=
ω
C’), mais contient aussi une conductance
g=
ω
C’tanδ (fig. 3). La partie elle g peut aussi contenir une certain conductance de fuite g0, alors
g=
ω
C’tanδ
+
g0 . Notez que la fuite possède un comportement en fréquence tout différent.
La constante diélectrique et la tangente de l’angle de pertes de certains diélectriques à 100 kHz sont
données dans le tableau 1 pour quelques cas typiques. En règle générale on observe que les matériaux
avec des constantes diélectriques plus grandes possèdent aussi de plus grandes pertes.
Tableau 1: Constante diélectrique et tangente de pertes de certains matériaux à 100 kHz.
k
tg
δ
Polypropylène
2.1
0.00025
Verre SiO2 pur
4.0
0.0002
Verre sodo-calcique
4-6
0.01
Porcelaine haute tension
5.5-7.5
0.0002-0.004
Al2O3 (99.96%)
9.4
0.0002
MgO
9.83
0.0003
TiO2
110
0.002
*BaTiO3
1000
0.02
Remarque : Les valeurs données ont une précision limitée sachant qu’elles dépendent de la pureté et de la
microstructure desramiques. *BaTiO3 est un diélectrique nonlinéaire et sera exposé dans le chapitre 7.
3.3 Mécanismes de polarisation
Dans la section 2.1, la polarisation du matériau diélectrique, soumis à un champ électrique, a été supposée
comme étant à l’origine du comportement diélectrique, et la susceptibilité diélectrique a été définie par le
rapport entre le champ appliqué et la polarisation résultante (Equation (3)). A présent, nous allons discuter
de l’origine microscopique de la polarisation.
Le matériau est polarisé si les centres des charges positives q et négatives -q ne coïncident plus, et sont
séparés l’un de l’autre d’une distance d. Quand on peut identifier une unité qui est électriquement neutre,
comme un atome, une molécule, etc., la séparation des charges de cette unité cause la création d’un dipôle
de cette unité, avec valeur µ=q d [Cm]. La polarisation, qui a été définie précédemment comme le rapport
des charges liées par uni de surface, peut aussi être définie comme la densité de dipôles dans le
matériau : P=N µ [C/m2| (où N est la concentration des unités, donc de dipôles [m-3]).
Le champ que chaque dipôle ressent n’est pas uniquement le champ électrique extérieur E appliqué, mais
également le champ qui est exercé sur ce dipôle par les dipôles qui l’entourent. On le nomme ‘’champ local’’
E’ qui est relié d’une manière complexe (que l’on ne présentera pas ici) au champ extérieur et à la structure
cristalline du matériau. Il est possible maintenant de relier le dipôle µ au champ local E’ en définissant la
polarisabiliα [m2C/V] du matériau comme:
µ=
α
E’ (9)
MATERIAUX CERAMIQUES MICROTECHNIQUE VI.5
La polarisabilité est une mesure de l’importance de la polarisation du matériau sous un champ extérieur
appliqué. De cette façon, la relation entre la constante diélectrique, qui est une propriété macroscopique
facilement mesurable, et la polarisabilité dans le matériau peut être déterminée en combinant (3) et (9) :
P =
!
0(k"1)E = N
µ
= N
#
$
E
(10)
Il y a quatre types de mécanismes majeurs dans un matériau qui peuvent conduire à une polarisation:
polarisation électronique, polarisation ionique, polarisation d’orientation et polarisation par charges d’espace.
Ceci est illustré schématiquement dans la fig. 4.
champ E
polarisation électronique
polarisation ionique
polarisation par
orientation des dipôles
polarisation par
charges dʼespace
Figure 4 : Illustration schématique des mécanismes
de polarisation
Polarisation électronique (αe):, présente dans tous les
matériaux, jusqu'à la fréquence visible (1015 Hz)
Polarisation ionique (αi): importante dans les
matériauxla liaison ionique est significative,
(<1011-1013 Hz).
Polarisation dipolaire (ou d'orientation) (αd): présente
dans les matériaux où des moments dipolaires
permanents existent (<109-1010 Hz).
Polarisation des charges d’espace (ou d'interface)
(αs), dans les matériaux possédant des interfaces, ou
des impuretés (< 1kHz).
Sous l’influence d’un champ externe appliqué, les électrons seront légèrement placés par rapport au
noyau positif. Ainsi, des dipôles sont créés. La relation entre le champ électrique appliqué et le moment
dipolaire créé donne la polarisabilité électronique (αe) du matériau. Sachant que les électrons sont très
légers, ils vont répondre en phase au champ électrique jusqu’à de très hautes fréquences, même au-delà du
domaine visible (1015 Hz). A environ 1016 Hz, qui est la fréquence naturelle de vibration des électrons autour
du noyau, un phénomène de résonance va intervenir fréquence de plasma »). Au-dessus de cette
fréquence, le nuage d’électrons ne suivra plus le champ alternatif, et la polarisation électronique ne
contribuera pas à la permittivité (c’est pourquoi l’or est jaune pour donner un exemple).
• Dans les matériaux ioniques, les ions chargés négativement et positivement vont bouger dans des
directions opposées sous l’application d’un champ électrique externe. Le moment dipolaire résultant
représente la polarisabilité ionique (αi) du matériau. Ce type de polarisation va intervenir jusqu’à la région
des infrarouges 1011 - 1014 Hz. A ces fréquences, un phénomène de résonance phonon optiques ») va
intervenir à cause de la vibration naturelle des ions dans le cristal. Les ions ne répondent plus à un champ
alternatif d’une fréquence plus élevée.
• Certains matériaux, l’eau par exemple, possèdent des dipôles permanents qui existent même en l’absence
d’un champ électrique extérieur. Un champ électrique externe peut provoquer la rotation de ces dipôles pour
les aligner avec le champ. La capacité des dipôles permanents d’être alignés est reliée à la polarisabilité
dipolaire et d’orientation (αd) des matériaux. Comme le temps d’alignement du dipôle permanent est lent
(habituellement aux alentours de 109 - 1010 Hz), la polarisabilité dipolaire va contribuer à l’ensemble de la
polarisabili seulement jusqu’au domaine des micro-ondes. A une fréquence légèrement supérieure, les
dipôles seront en retard par rapport au champ électrique et seront finalement incapables de répondre. Ce
phénomène est nommé mécanisme de relaxation.
Dans les diélectriques réels, spécialement dans les verres et les céramiques, il y a des charges libres,
habituellement associées à des impuretés, ou causées par un désordre structurel, ou reliées à la
microstructure, comme les joints de grains. Ces charges libres peuvent suivre un champ externe qui oscille.
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