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Münsterberg, Spearman, Titchener, etc.) ayant essaimé en Europe et aux Etats-
Unis, un vaste mouvement de psychologie expérimentale s'est rapidement
constitué. Et à ce mouvement se sont associées diverses démarches ayant
émergé dans d'autres contextes; celle de Charcot et de Ribot notamment qui,
dans une perspective plus médicale et pragmatique, se sont centrés sur l'étude
clinique des phénomènes pathologiques, en ce qu'ils constituent une
expérimentation naturelle permettant d'analyser et de comprendre les
processus en jeu dans les phénomènes psychologiques dits normaux.
A ce courant expérimental, clairement adossé au positivisme7, s'est
cependant d'emblée opposé un courant antagoniste, fondé sur les travaux du
philosophe Brentano (1874), et qui s'est présenté sous le label de psychologie
empirique ou encore de psychologie descriptive.
Pour Brentano, la conscience et les phénomènes psychiques ne sont
attestables que sous la forme d'un "vécu intérieur" du sujet, vécu à la fois
indubitale (cf. le cogito cartésien) et immédiatement accessible. Ils ne peuvent
dès lors être utilement étudiés ni dans leurs rapports aux processus
psychophysiologiques inférieurs, ni en tant que construits socio-historiques,
mais ils doivent au contraire faire l'objet d'une démarche de description
synchronique8 de tout ce qui est effectivement (ou "empiriquement") ressenti
ou vécu. Et alors que la psychologie expérimentale se centrait sur les contenus
7 S'ils n'explicitaient pas tous leur adhésion au positivisme, les tenants de la psychologie expérimentale
souscrivaient néanmoins de fait à une position selon laquelle: a) les faits psychiques "existent", au même
titre que les faits physiques; b) leur organisation relève des lois d'un monde "positif"; c) comme toute
science, la psychologie constitue une démarche de connaissance autonome eu égard à ce monde, visant à
découvrir et à formuler les lois objectives régissant les phénomènes psychiques. Les descendants de
Brentano affichaient par contre clairement leur anti-positivisme, en affirmant que les faits psychiques ne
relèvent pas des lois positives du monde, dans la mesure où ils ne sont accessibles qu'au travers du "vécu
immédiat" des sujets, qui se trouvent par ailleurs être aussi les sujets de la connaissance (scientifique).
8 Brentano admettait cependant qu'à côté de cette psychologie descriptive, pouvait exister une
psychologie causale, centrée sur l'explication génétique des phénomènes psychiques, mais cette
"ouverture" n'a été de fait exploitée ni par lui-même, ni par ses successeurs.