
La violence au cours des soins
de violence ne sont pas accidentelles mais inhérentes à une notion qui polarise la diversité conflictuelle des
évaluations sociales. Il faut souligner de nouveau avec insistance qu'au sein d'une même société politique, les
mêmes faits ne sont pas appréhendés ni jugés selon les mêmes critères. L'usage d'un concept comme celui de
violence suppose la référence à des normes qui peuvent n'être pas partagées par tous". Ce même auteur fait
ensuite un détour par l'étymologie pour nous montrer que " violence " vient du mot latin violentia qui signifie violence,
caractère violent ou farouche, force ; le verbe violare en est voisin, ces deux termes étant apparentés au mot latin
vis. Ce dernier mot signifie force, puissance, violence, mais aussi, dans un sens plus profond " la ressource d'un
corps pour exercer sa force, et donc la puissance, la valeur, la force vitale ". Selon Yves Michaud, toujours, vis
correspond au grec bia qui veut dire " la force vitale, la force du corps, la vigueur et, en conséquence, l'emploi de la
force, la violence ". " Au cœur de la notion de violence, il y a ainsi l'idée d'une force, d'une puissance naturelle dont
l'exercice contre quelque chose ou contre quelqu'un fait le caractère violent ".
Il est important ensuite d'évoquer l'approche juridique qui utilise le droit pour apporter une précision : " (l'approche
juridique) considère la violence comme une atteinte à la norme de l'intégrité de la personne humaine et, quand la
norme évolue, l'évaluation juridique change (...) Se dégagent ainsi deux composantes de la notion de violence : un
élément de force physique identifiable à ses effets et un autre, plus immatériel, d'atteinte à un ordre normatif, un
élément de transgression ". Comme atteinte physique, la violence peut paraà®tre facile à identifier à condition,
toutefois, de tenir compte du facteur aggravant d'une plus grande vulnérabilité de la victime. En revanche la violence,
en tant qu'elle est transgression ou violation de normes, est beaucoup plus difficile à cerner, d'autant que le risque
est grand de l'étalonner par rapport à des critères personnels, ce qui rend illusoire toute tentative d'une définition
objective. Par ailleurs la violence peut être issue d'un "chaos" au sens o๠ce dernier reflète une désorganisation
dans le temps ou dans l'espace. Pour Y. Michaud, imprévisibilité, chaos et violence ont partie liée. Pour ce même
auteur, " la question à l'arrière-plan est celle des contours exacts de la personne ". Et il conclut : " la violence est
définie et appréhendée en fonction de valeurs qui constituent le sacré du groupe qui en parle ".
Hélène Frappat [4], à l'aide de nombreux textes choisis et présentés, illustre de façon particulièrement riche les
nombreuses facettes du concept de violence et explore également des notions limitrophes telles que puissance et
pouvoir. Elle note, elle aussi, les limites d'une définition : " On voit à quel point la définition de la violence comporte
des enjeux problématiques, dont témoignent aussi bien les confusions du langage philosophique que les
approximations du langage courant. "
Y. Michaud [3] constate que ces tentatives de définitions correspondent à " deux orientations sémantiques
principales : d'un côté, le terme "violence" désigne des faits et des actions, tout ce que nous avons l'habitude
d'appeler des violences ; d'un autre côté, il désigne une manière d'être de la force, du sentiment ou d'un élément
naturel, qu'il s'agisse d'une passion ou de la nature ".
Nous nous proposons de poursuivre cette revue sélective de la littérature en nous guidant sur ces deux orientations :
Les violences physiques entre les personnes ou au cours des soins s'apparentant à la violence " des faits et des
actions " ; La violence en tant que " manière d'être " de la médecine et du soin. 2. Violence des faits
2.1. Violences entre des personnes ; violences physiques
Le " temps du constat " doit débuter, si ce n'est par un inventaire détaillé, tout du moins par une évocation des
violences subies. C'est ce à quoi s'attachent certains auteurs en explorant différents domaines du soin. On peut
ainsi retrouver plusieurs illustrations cliniques de violences dans le numéro d'Ethica Clinica [1] précédemment cité. Si
certaines descriptions de maltraitance sont particulièrement violentes, elles appellent en contrepoint des propositions
concrètes de prévention. Denise Badeau [5] fait le choix de laisser parler la personne âgée maltraitée. Il s'ensuit une
longue liste d'interpellations sur le mode du tutoiement : " Tu me fais mal quand tu te moques de mes pertes de
mémoire, etc... " Ces articles, dont la lecture est parfois difficile à soutenir, font "toucher du doigt" la tragique réalité
de la maltraitance. Et ce n'est que secondairement que pourront être évoqués les mécanismes conduisant à ces
enchaà®nements de violence. A partir de l'expérience de terrain d'une équipe de soins, Brigitte Van Bunnen [1] nous
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