P.12
MALADIE THROMBO-EMBOLIQUE VEINEUSE
CHEST 2016
TRADUCTION ET COMMENTAIRES
F. Couturaud
A. Elias
JP. Galanaud
G. Le Gal
G. Pernod
Guide de pratique
NUMÉRO 35
www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016
La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016 12 - 13
PREAMBULE
Grégoire Le Gal : Tel le guide Michelin pour les
gastronomes ou celui du routard pour les voyageurs,
chaque nouvelle édition du guide de pratique
clinique de l’ACCP ne manque pas de soulever
passions, incompréhensions voire polémiques chez
les médecins impliqués dans la prise en charge des
patients atteints de thrombose. Ceci s’explique sans
doute en grande partie par notre tendance à mettre
au même niveau toutes les recommandations qui y
figurent. Il faut toutefois souligner que le terme “Guide
de pratique” serait sans doute plus approprié que
“Recommandations” pour traduire “Clinical practice
guidelines”. Il y a finalement dans ce texte plus de
“suggestions” (grade 2) que de “recommandations”
(grade 1). Il faut aussi rappeler que le grade n’est
pas exclusivement basé sur le niveau de preuve des
données disponibles. Il est un jugement sur le fait
que de suivre une recommandation donnée aura plus
d’effets bénéfiques que d’effets indésirables. Outre le
niveau des preuves disponibles (essais cliniques, …),
l’importance de l’écart entre risques et bénéfices, la
variabilité dans les valeurs et préférences des patients,
et les implications médico-économiques sont aussi
prises en compte. La lettre A, B ou C qui accompagne
le grade reflète la qualité des données disponibles.
Le tableau ci-dessous résume la signification et
l’implication des différents grades.
Enfin, il ne faut pas vouloir faire dire à ce guide plus
qu’il ne peut en dire : les auteurs rappellent que tout
ce qui n’est pas 1A indique qu’une autre interprétation
des données disponibles ou une autre pratique clinique
peuvent être raisonnables et appropriées, et que même
les recommandations de grade 1A ne s’appliqueront
pas à tous les patients en toutes circonstances. Il n’y a
du reste aucune recommandation 1A dans le chapitre
présenté ici.
Maladie
trombo-embolique veineuse
CHEST 2016
Traduction et Commentaires
Kearon C, Akl EA, Ornelas J, Blaivas A, Jimenez D, Bounameaux H, Huisman M, King CS, Morris TA, Sood N,
Stevens SM, Vintch JR, Wells P, Woller SC, Moores L. Antithrombotic Therapy for VTE Disease :
CHEST Guideline and Expert Panel Report. Chest. 2016 Feb;149(2):315-52
Francis COUTURAUD ¹ ([email protected])
Antoine ELIAS ² ([email protected])
Jean-Philippe GALANAUD ³ ([email protected])
Grégoire LE GAL 4 ([email protected])
Gilles PERNOD 5 ([email protected])
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CHOIX ET DUREE DU TRAITEMENT
ANTICOAGULANT
Francis Couturaud : les quelques modifications du
dernier ACCP sont importantes avec quelques points
clefs même si le grade de recommandation est
faible : (1) le positionnement des AOD en première
intention pour les 3 premiers mois de traitement ; (2)
la possibilité de prolonger le traitement avec l’AOD
utilisé initialement
1. Chez les patients ayant une TVP des MI ou une
EP sans cancer, nous suggérons (3 premiers mois) le
dabigatran, le rivaroxaban, l’apixaban ou l’edoxaban
plutôt que les anti-vitamines K (grade 2B).
2. Chez les patients ayant une TVP des MI ou une EP
sans cancer, non traités par un AOD, nous suggérons
les AVK plutôt que les HBPM (grade 2C).
3. Chez les patients ayant une TVP des MI ou une
EP avec cancer, nous suggérons (3 premiers mois)
les HBPM plutôt que les AVK, le dabigatran, le
rivaroxaban, l’apixaban ou l’edoxaban (tous grade 2C).
Gilles Pernod : le choix est donné à l’utilisation de tous
les anticoagulants. Les AOD sont proposés en 1ère
intention, mais avec un grade faible.
Pour le cancer, les HBPM restent toujours de 1ère
intention, mais le grade accordé est faible. Cela tient
au fait que les données reposent essentiellement sur
une seule étude (CLOT).
4. Chez les patients ayant une TVP des MI ou une EP
qui sont sous anticoagulants, nous suggérons qu’il
n’est pas nécessaire de changer de traitement après
les 3 premiers mois (grade 2C).
Francis Couturaud : cette recommandation est faible
et ne tient pas compte de la dose de traitement. Si le
patient est sous AVK initialement, il reste donc sous
AVK avec un objectif d’INR compris entre 2 et 3 ; si le
patient est sous rivaroxaban, il reste à 20 mg.
En revanche, un patient sous apixaban initialement
(5 mg deux fois par jour) va réduire, au-delà de 3 à 6
mois, à 2,5 mg deux fois par jour : ce changement de
dose est basé sur une seule étude, l’étude “AMPLIFY-
EXTENSION” qui s’adressait à des patients ayant un
risque modéré à faible de récidiver : certes 80% des
patients avaient des épisodes non provoqués, souvent
non sévères, quasiment pas d’épisodes thrombo-
emboliques initiaux récidivants ou associés à des
Bénéfices clairement
supérieurs aux risques
ou vice versa
S’applique à la plupart des patients
dans la plupart des cas
S’applique à la plupart des patients
dans la plupart des cas
S’applique à la plupart des patients
dans de nombreux cas
La meilleure conduite à tenir pourrait varier
en fonction des circonstances, des valeurs
du patient ou de la société
D’autres alternatives pourraient être
tout aussi raisonnables.
La meilleure conduite à tenir pourrait varier
en fonction des circonstances, des valeurs
du patient ou de la société
Il est très improbable que de futures études
changent la confiance dans l’estimation
de l’effet
Des études de plus grande qualité pourraient
avoir un impact important sur la confiance
dans l’estimation de l’effet
Des études de plus grande qualité auront
probablement un impact important sur
l’estimation de l’effet
Des études de plus grande qualité
auront probablement un impact
important sur l’estimation de l’effet
Il est très improbable que
des études futures changent la confiance
dans l’estimation de l’effet
Il est très improbable que
des études futures changent la confiance
dans l’estimation de l’effet
Bénéfices clairement
supérieurs aux risques
ou vice versa
Bénéfices clairement
supérieurs aux risques
ou vice versa
Incertitude sur
l’estimation des bénéfices
et risques
Rapport bénéfice
risque étroit
Rapport bénéfice
risque étroit
1A
1B
1C
2C
2A
2B
A : Plusieurs essais sans limitations importantes, ou données d’études d’observation exceptionnellement fortes
B : Essais avec d’importantes limitations, ou données d’études d’observation très fortes
C : Données concernant un élément majeur de la balance bénéfice risque issues d’essais ou d’études
d’observation avec importantes limitations, ou données indirectes seulement.
La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016 14 - 15
facteurs persistants. En outre, les patients ayant une
thrombophilie biologique n’étaient pas inclus.
Les principaux résultats de cette étude est que le
rapport bénéfice-risque est favorable en prolongeant
l’apixaban à 2,5 mg deux fois par jour par rapport
au placebo et le rapport bénéfice-risque est à peine
en faveur du bras apixaban 5 mg deux fois par jour
comparé au placebo. En revanche, aucune différence
n’est observée dans le groupe demi-dose et le
groupe pleine dose en termes de récidives thrombo-
emboliques et d’hémorragies (or l’étude n’a pas été
calibrée pour cette démonstration).
En d’autres termes, pour des patients à haut risque
de récidive ou de récidive sévère (ex : embolie
pulmonaire non provoquée à risque intermédiaire
élevé, récidivante ou associée à un facteur de risque
persistant tel qu’une maladie inflammatoire), il n’a pas
été démontré qu’une demi-dose d’apixaban était aussi
efficace et plus sûre qu’une dose pleine.
5. Chez les patients ayant une TVP proximale des
MI ou une EP provoquée par une chirurgie, nous
recommandons un traitement anticoagulant d’une
durée de 3 mois plutôt qu’un traitement plus court
(grade 1B) ou qu’un traitement limité plus long (6, 12
ou 24 mois) (grade 1B) ou qu’un traitement prolongé
(grade 1B).
Pas de date d’arrêt planifiée pour le traitement prolongé.
6. Chez les patients ayant une TVP proximale des MI ou
une EP provoquée par un facteur de risque transitoire
non chirurgical, nous recommandons un traitement
anticoagulant d’une durée de 3 mois plutôt qu’un
traitement plus court (grade 1B) ou qu’un traitement
limité plus long (6, 12 ou 24 mois) (grade 1B).
Nous suggérons un traitement de 3 mois plutôt qu’un
traitement prolongé en cas de risque hémorragique
faible ou modéré (grade 2B), et nous recommandons un
traitement de 3 mois plutôt qu’un traitement prolongé
en cas de risque hémorragique élevé (grade 1B).
En cas de traitement prolongé, l’indication doit en être
réévaluée périodiquement (annuellement).
Francis Couturaud : un point important est ce que l’on
entend par MTEV provoquée, les facteurs provoquants
majeurs sont constitués par la chirurgie (facteur
transitoire majeur) et les facteurs provoquants non
majeurs sont non chirurgicaux (estrogènes, grossesse,
traumatisme des membres inférieurs, trajet en avion
de plus de 8 heures). En l’absence de ces facteurs
et en l’absence de cancer, la MTEV est considérée
comme non provoquée. Ainsi, des facteurs comme
l’immobilisation prolongée en médecine ne sont plus
considérés comme provoquants. Enfin, la remarque en
italique est importante : quand bien même le patient
demeure sous traitement anticoagulant au long cours,
une évaluation des bénéfices risques annuelle doit
être réalisée, susceptible de conduire à un arrêt de
traitement en cas, par exemple, de risque hémorragique
devenu élevé. Ces patients, souvent âgés, sont aussi
à haut risque de développer d’autres pathologies
nécessitant un avis spécialisé sur le maniement des
traitements (notamment péri-opératoire).
8. Chez les patients ayant une TVP non provoquée
des MI (distale isolée ou proximale) ou une EP, nous
recommandons un traitement anticoagulant d’une
durée de 3 mois plutôt qu’un traitement plus court
(grade 1B) et nous recommandons un traitement de
3 mois plutôt qu’un traitement limité plus long (6, 12
ou 24 mois) (grade 1B).
9. Chez les patients avec un 1er épisode de MTEV non
provoqué (TVP proximale des MI ou EP) et qui ont un
risque hémorragique faible ou modéré, nous suggérons
un traitement prolongé plutôt qu’un traitement
de 3 mois (grade 2B) ; pour les patients qui ont un
risque hémorragique élevé, nous recommandons un
traitement de 3 mois plutôt qu’un traitement prolongé
(grade 1B).
Un dosage des D-dimères réalisé un mois après l’arrêt
du traitement anticoagulant peut influencer la décision
de poursuivre ou d’arrêter le traitement.
Francis Couturaud : la remarque sur les D-dimères
est très imprécise car aucun groupe de patient
potentiellement éligible à un dosage de D-dimères
n’est défini. Un des résultats importants est que des
D-dimères négatifs (dosés un mois après l’arrêt de
traitement anticoagulant) ne permettent pas, à eux
seuls, d’identifier des patients à faible risque de
récidive thrombo-embolique chez qui le traitement
pourrait être stoppé (incidence annuelle d’une
récidive de 4,5 à 11% dans les essais prospectifs).
Si les D-dimères sont positifs, cela n’apporte rien
car les patients ayant une MTEV non provoquée sont
candidats à un traitement anticoagulant prolongé
non limité et le seul paramètre susceptible de contre-
indiquer un traitement au-delà de 3 mois est le
risque hémorragique. Ainsi, le dosage des D-dimères
n’apporte pas d’information utile.
10. Chez les patients avec un 2ème épisode de MTEV
non provoqué (TVP proximale des MI ou EP) et qui ont
un risque hémorragique faible, nous recommandons
un traitement prolongé plutôt qu’un traitement de 3
mois (grade 1B) ; pour les patients qui ont un risque
hémorragique modéré, nous suggérons traitement
prolongé plutôt qu’un traitement de 3 mois (grade
2B); pour les patients qui ont un risque hémorragique
élevé, nous suggérons un traitement de 3 mois plutôt
qu’un traitement prolongé (grade 2B).
Score de KEARON
AGE > 65 ANS
AGE > 75 ANS
ANTÉCÉDENT D’HÉMORRAGIE
CANCER
CANCER MÉTASTATIQUE
INSUFFISANCE RÉNALE
INSUFFISANCE HÉPATIQUE
THROMBOCYTOPÉNIE
ANTÉCÉDENT D’AVC
DIABÈTE
ANÉMIE
ANTIAGRÉGANTS PLAQUETTAIRES
CONTRÔLE ANTICOAGULATION DE MAUVAISE QUALITÉ
COMORBIDITÉS, INCAPACITÉ FONCTIONNELLE
CHIRURGIE RÉCENTE
CHUTES FRÉQUENTES
ALCOOL
Risque hémorragique absolu estimé (%)
FAIBLE (0 FDR)
0.6
1.0
1.6
0.3
0.5
0.8
DÉRÉ (1 FDR)
1.2
2.0
3.2
0.6
1.0
1.6
ELEVÉ (≥ 2 FRD)
4.8
8
12.8
≥ 2.5
≥ 4.0
≥ 6.5
ANTICOAGULATION 0 À 3 MOIS
RISQUE DE BASE
RISQUE MAJORÉ
RISQUE TOTAL
ANTICOAGULATION > 3 MOIS
RISQUE DE BASE
RISQUE MAJORÉ
RISQUE TOTAL
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