S’ENTRAINER EN CHIMIE ORGANIQUE : PROBLEME N° 2 Synthèse de l'entérobactine L'entérobactine (Figure (1)) est un sidérophore naturel issu de micro-organismes, capable de fixer le Fe(III) avec une constante d'affinité de plus de 1030. Ces molécules sont impliquées dans le transport du fer dans certaines bactéries et jouent un rôle important dans leur croissance. L'entérobactine est synthétisée en très faible quantité par ces micro-organismes. Plusieurs synthèses ont été proposées. Dans cette partie, nous étudierons une synthèse de l'entérobactine à partir de la S(-)-sérine (d'après Corey et al. Tetrahedron Lett. 1977 et Rastetter et al. J. Org. Chem. 1981). L'entérobactine est constituée d'une partie cyclique composée de trois sérines, et de trois fonctions catéchols (Figure (1)), liées au squelette par une liaison amide. Les fonctions catéchol sont les groupements capables de complexer le Fe(III), via les atomes d'oxygène. Figure 1 - Structure de l'entérobactine et du groupement catéchol. Stéréochimie La S(-)-sérine est l'acide (2S) 2-amino-3-hydroxypropanoïque . 1. Dessiner la S(-)-sérine en justifiant la configuration choisie. 2. Déterminer la configuration absolue des carbones asymétriques de l'entérobactine. On remarquera que l'entérobactine présente un axe de symétrie d'ordre 3. Qu'est-ce que cela signifie? En déduire combien de stéréoisomères elle possède. Formes de la S(-)-sérine 3. Donner le nom des différents groupes fonctionnels de la S(-)-sérine. 4. Les pKA de la S(-)-sérine donnés dans la littérature sont de 2,2 et 9,15 : En déduire un axe de prédominance des différentes formes réalistes de la S(-)-sérine. Préciser quelle sera la forme prédominante en présence de carbonate de sodium Na2CO3 et en présence d'hydrogénocarbonate de sodium NaHCO3 . On donne pKA(H2CO3) = 6,2 et 10,3. Principe d'activation de la fonction électrophile de la S(-)-sérine On réalise la réaction de dimérisation de la S(-)-sérine en présence de DCC (dicyclohexylcarbodiimide) afin d'activer la fonction acide carboxylique de la S(-)-sérine (Figure (2)). Figure 2 - Structures du DCC (dicyclohexylcarbodiimide) et du HO-Bt (1-hydroxybenzotriazole). 5. Indiquer le site électrophile du DCC. Proposer un mécanisme de la réaction d'un acide carboxylique RCOOH avec le DCC, sachant que la première étape est une réaction acido-basique qui permet d'activer le DCC. 6. Cet acide carboxylique "activé" peut réagir avec des fonctions nucléophiles telles qu'un alcool (R12 OH) ou une amine (R -NH2). Pour chaque cas, indiquer la structure du produit final obtenu. Détailler le mécanisme réactionnel dans le cas de l'alcool. 7. Le 1-hydroxybenzotriazole (HO-Bt, Figure (2)) peut réagir plus rapidement avec l'acide carboxylique "activé" de la question (6.). Donner la structure de l'ester formé. 8. Cet ester réagit à son tour plus rapidement avec l'alcool que l'acide carboxylique "activé" de la question (6.). Que peut-on dire du rôle de HO-Bt ? Première voie de synthèse Cette première voie de synthèse consiste à greffer un groupement catéchol sur la S(-)-sérine pour former le monomère de l'entérobactine, puis à former le trimère cyclique. On prépare deux synthons : la molécule D (Figure (3)) à partir du composé A où la fonction alcool est protégée par le groupe benzyle (Bn = CH2-C6H5) et la molécule F (Figure (4)) à partir du composé B où l'amine est protégée. Na2CO3 Figure 3 - Schéma de synthèse de la molécule D. 10. L'acylation de A avec C pour donner le composé D se fait directement dans l'eau en milieu Na2CO3. Indiquer le rôle de Na2CO3. Proposer un mécanisme de formation de D en précisant la structure de ce dernier. Comment peut-on justifier la nucléophilie prédominante d'un groupe par rapport à l'autre? Figure 4 - Schéma de synthèse des molécules E et F. 11. La fonction carboxylate de B réagit sur le para-Br-C6H4-CO-CH2-Br pour donner la molécule B'. Donner la nature du mécanisme impliqué. Proposer un mécanisme pour cette réaction en justifiant l'ordre de la réaction 12. Proposer un mécanisme de la déprotection de la fonction amine de B', en présence de l'acide HBr et d'eau. En déduire la structure de E à la fin de cette étape. 13. Quel est le rôle de Et3N ? Que devient E dans ce milieu? Justifier la chimiosélectivité lors de la formation de F. Préciser F. Le couplage de D et F, en présence de DCC et HO-Bt, conduit à deux produits diastéréoisomères : le dimère S,S et le dimère R,S (Figure (5)). En effet, lors de la première étape entre le composé D ( sous sa forme acide) et le DCC , il se produit une racémisation, en formant une azlactone (Figure (6)). S,S R,S Figure 5 - Schéma de synthèse des dimères S,S et R,S. Figure 6 - Synthèse de l'azlactone. 14. Quelle est la relation entre les trois azlactones dessinées Figure (6) ? Proposer un mécanisme de formation de ces azlactones. 15. En déduire pourquoi une racémisation est observée lors du couplage. Deuxième voie de synthèse Pour éviter toute racémisation de la S(-)-sérine, une deuxième stratégie a été élaborée. Il s'agit cette fois de former dans un premier temps le squelette cyclique de l'entérobactine puis de greffer les catéchols. Avant le couplage, on procède à des étapes de protection : La S(-)-sérine réagit avec le chloroformiate de benzyle (noté Z-Cl) selon le schéma représenté en Figure (7). K2CO3 Figure 7 - Synthèse de la molécule 4. 16. En comparant la nucléophilie des groupes présents sur la S(-)-sérine dans ce milieu, déterminer la structure du composé 1, et proposer un mécanisme expliquant sa formation. 17. La deuxième étape est la protection de la fonction acide carboxylique de 1. En déduire 2. 18. Proposer un mécanisme pour la formation de 3, en précisant le rôle de l'acide para-toluènesulfonique (APTS). Donner la structure de 3. 19. La fonction ester de 3 est alors transformée en acide carboxylique pour donner 4, en présence de Zn et d'acide acétique 5 % dans de l'éther. Pourquoi n'utilise-t-on pas les conditions acides d'hydrolyse classique d'un ester ? 20. Lors de la transformation de 3 en 4, il se forme également de la para-bromoacétophénone (p-Br-C6H4CO-CH3) sous forme liquide. Indiquer une méthode simple pour séparer 4 de ce produit. On procède alors au couplage proprement dit : Le schéma représenté en Figure (8) décrit la formation d'un composé 7, précurseur de l'entérobactine. Figure 8 - Synthèse du composé 7. 21. Donner la structure de 5. 22. Proposer des conditions opératoires permettant l'obtention de 6 à partir de 5. 23. Donner la structure du composé 7 pour lequel les fonctions alcool et acide carboxylique ont été déprotégées. La Figure (9) décrit la transformation du précurseur 7 en entérobactine. Figure 9 - Transformation de 7 en entérobactine. 24. La cyclisation de 7 en 8 est une étape délicate (Figure (9)) réalisée en présence de DCC et HO-Bt et qui donne un très faible rendement. Expliquer. Quelle(s) condition(s) permet(tent) de favoriser la formation de 8 ? 25. Rappeler la réaction privilégiée permettant la fermeture de grands cycles de façon performante. Pourquoi n'est-elle pas envisageable ici ? En donner un exemple. ( aucun mécanisme n'est demandé) L'entérobactine est ensuite obtenue après déprotection des fonctions amine (9) et formation de liaisons amide avec les catéchols protégés (10). 26. Donner les réactifs nécessaires à la formation de 10. 27. Les conditions de déprotection des fonction alcool des groupes catéchol ( protégées par le groupe benzyle ) sont identiques aux conditions d'hydrogénation des alcènes. Rappeler le mécanisme d'hydrogénation d'un alcène à la surface du catalyseur. Par analogie, proposer un mécanisme de déprotection et en déduire le sous-produit libéré par cette déprotection. 28. Le produit final est un solide. Quelle technique d'analyse autre que la RMN permet de vérifier la pureté de l'entérobactine obtenue ? TSVP 29. L'analyse RMN 1H de l'entérobactine final, réalisée dans du diméthyl sulfoxyde deutéré, donne (résultats partiellement reproduits, dans une gamme de déplacements chimiques compris entre 0 et 10 ppm ) les déplacements chimiques suivants, exprimés en ppm par rapport au (CH3)4Si : Groupe Intégration (a) 3H (b) 3H (c) 3H (d) 3H (e) 3H (f) 3H (g) 3H δ(ppm) 9,06 7,34 6,98 6,73 4,94 4,66 4,41 Allure massif s Valeurs de J(Hz) dd dd dd 8,06 ; 4,19 10,8 ; 8,06 10,8 ; 4,19 ● Attribuer au mieux, compte tenu des données, ces signaux aux différents protons correspondants, en nommant les groupes sur la molécule d'entérobactine reproduite à l'identique de la figure 1, sur votre copie . ● Proposer les allures des massifs non renseignés en justifiant. ● Pourquoi les protons (e) et (g) ne sont-ils pas équivalents ? ● A très basse température ( -65°C), les massifs des protons (a) et (f) changent d'allure. Justifier, et prévoir leur allure à très basse température, en formulant une hypothèse. ● Certains protons n'apparaissent pas dans ces résultats. Proposer une justification. Données • Spectres RMN (Résonance Magnétique Nucléaire). Protons -CO-NH- (amide) -CH2-COOR (ester) -CH2-NH-COPh-H (groupe phényl) -COOH (acide) Déplacement chimique (ppm) 6,0 - 8,5 4,0 - 4,4 3,8 - 4,1 6,0 - 9,0 12 - 13 Dans la description des spectres de résonance magnétique nucléaire, les multiplicités des signaux sont données de la manière suivante : s : singulet ; d : doublet ; t : triplet ; q : quadruplet ; m : multiplet ou massif ; dd : doublet de doublets. Les constantes de couplages (J) sont données en Hz. Les intégrations relatives des signaux sont données dans les spectres sous la forme nH, n étant le nombre d'atomes d'hydrogène magnétiquement équivalents. Les constantes de couplage entre protons d'un groupe phényl sont supposées identiques.