Introduction
3
© 2006 – Presses de l’Université du Québec
Édifi ce Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca
Tiré de : Surdité et société, Daniel Daigle, Anne-Marie Parisot, ISBN 2-7605-1407-2 • D1407N
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
langue des signes utilisée par les personnes sourdes américaines comme
une langue à part entière. En 1965, en collaboration avec D. Casterline
et C. Croneberg, il écrit un ouvrage4 où il présente les personnes sourdes
comme membres d’une communauté linguistique. Les traits culturels qui
caractérisent celles-ci y sont décrits et la collectivité sourde y est définie
comme un groupe linguistique minoritaire. Ainsi, les personnes sourdes,
jusqu’alors présentées comme des individus isolés, porteurs d’une défi-
cience, deviennent les membres d’un groupe social possédant une langue
et une culture propres. Les problématiques liées au monde de la surdité
commencent alors à être perçues en termes sociologiques plutôt qu’en
termes médicaux. Ce nouveau paradigme va transformer le regard posé sur
la surdité et sur les personnes sourdes et l’image qui en émerge change les
rapports entre la collectivité entendante et la collectivité sourde, ce qui va
permettre l’éclosion de recherches où l’accent est mis sur la « différence »
plutôt que sur la « pathologie ».
Ce champ d’études, qui se développe dans un premier temps aux
États-Unis, va influencer la façon dont seront perçues les personnes sourdes
à travers le monde. Au Québec, le début des années 1980 est une période
charnière dans la prise en compte de la réalité linguistique et culturelle des
personnes sourdes, puisque le discours identitaire, axé sur la présence de
pratiques culturelles distinctes et d’une collectivité sourde, va rejoindre
un large éventail de personnes, notamment par l’entremise de personnes
sourdes et entendantes qui sont en contact avec un mouvement sourd
international et par une plus grande visibilité de la langue des signes
québécoise (LSQ). Les langues des signes vont alors sortir de l’anonymat.
Conséquemment, les milieux d’intervention et de recherche du Québec
vont commencer à prendre en compte la réalité linguistique et culturelle des
personnes sourdes, et les milieux académiques francophones vont, dans les
années 1980-1990, s’y intéresser. Avant les années 1980, la surdité québé-
coise était le fait des départements d’orthophonie-audiologie, de médecine,
de psychologie et d’éducation, et les sujets de recherche étaient axés sur les
aspects médicaux de la surdité. C’est tout d’abord l’intérêt d’étudiants aux
cycles avancés qui va permettre l’ouverture à ce champ de recherche, mais
la légitimité de travailler sur des aspects linguistiques et culturels de
la surdité a encore peu fait son chemin à cette époque. Vu le manque
de ressources à l’intérieur des universités, les étudiants québécois doivent
aller directement sur le terrain pour apprendre la LSQ. Ces premiers
4. W.C. Stokoe, D.C. Casterline et C.G. Croneberg (1965). A Dictionary of American
Sign Language on Linguistic Principles, Washington : Gallaudet College Press.