d’années elle aura l’occasion d’exercer ses propres méthodes, considérées comme peu académiques,
et de démontrer leur efficacité.
La voie de l’anthropologie est arrivée par hasard : c’est son responsable à la PJJ, avec qui les
rapports n’étaient pas forcément toujours bons, qui a fait la démarche de l’inscrire à l’université en
science de l’éducation. Ses professeurs, au courant de son expérience professionnelle, lui
conseillent de rédiger des rapports (sur la violence, etc.) qui lui permettront d’obtenir une
équivalence et de passer directement en maîtrise. Le choix du DEA se porte sur le management
urbain : c’est l’un des seuls cursus à être compatible avec une vie de famille. En effet, ce cursus
offre la possibilité de suivre des cours par correspondance le week-end. C’est un moment de vie très
difficile : beaucoup de travail et peu de sommeil.
Jean-Paul Martin, maître de conférences à l’université de Lille III, fait publier le premier
livre de Dounia Bouzar. On lui conseille alors de faire une thèse en anthropologie compte tenu de
son parcours de vie. C’est l’ethnologue Pierre Bonte, aujourd’hui décédé, qui est son directeur de
thèse. La genèse de son mémoire prend sa source dans l’assassinat d’un jeune d’une banlieue
Lilloise. Ce dernier a été tué par un policier d’une balle dans le dos lors d’un vol de véhicule.
Martine Aubry, alors maire de la ville de Lille, a décrété qu’il devait y avoir une cérémonie laïque
puisque le jeune était français, tandis que le consulat d’Algérie souhaitait une cérémonie
musulmane en Algérie. Ce fût un véritable tollé dans les banlieues de Lille : le jeune était français et
musulman, donc une sépulture en France dans le carré musulman du cimetière de Lille sud était la
seule solution valable. Un autre évènement aura une influence sur madame Bouzar, il provient d’un
adolescent dont elle s’occupe qui la surnomme Dounia, mélange des prénoms Dominique et
Amina7. Ainsi, le sujet de thèse de doctorat devient L’importance de l’expérience citoyenne dans le
parcours des musulmans nés en France sensibles au discours de l’islam politique8.
Afin de mieux appréhender la suite de cet entretien, il est nécessaire d’apporter une
précision supplémentaire. Bien que personnelle, elle est très utile pour comprendre le travail hors
norme de madame Bouzar et de son équipe. D’ailleurs, il semble exister une anthropologie
académique qui peut s’apprendre dans des livres ou à l’université et une anthropologie de terrain
qui ne peut s’apprendre qu’au contact direct du terrain étudié. Son équipe, justement, a changé
7 Dominique est le prénom de naissance de madame Bouzar. Amina est le prénom que son père aurait aimé lui
donner.
8http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=123262127&COOKIE=U10178,Klecteurweb,D2.1,Ee0792955-
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Entretien avec Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux 3/11
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