l`heure de la prise de conscience | L`Hebdo-07avril2014

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Mis en ligne le 07.04.2014 à 20:07
Dounia Bouzar: «Il y a dérive sectaire quand il y a rupture scolaire, rupture amicale, rupture parentale,
perte d’identité.»
© Didier Goupy
La Rédaction
Alors qu’en France, même des adolescents s’enrôlent dans le «djihad» syrien,
l’anthropologue Dounia Bouzar crée un centre de lutte contre cette radicalisation
mortifère à l’œuvre chez certains musulmans.
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C’est une approche à revoir entièrement, toute une éducation à faire ou à refaire. Non, ce
n’est pas «comme ça et personne n’y peut rien ». Oui, la notion de secte vaut aussi pour
l’islam. Oui, il faut traiter le problème des dérives sectaires frappant cette religion. C’est la
tâche à laquelle s’astreint l’anthropologue française Dounia Bouzar. Cette ancienne
éducatrice à la Protection judicaire de la jeunesse met en ce moment sur pied un
Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI), destiné à
empêcher les enchaînements fatals. Les motivations des individus partis faire le djihad
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en Syrie, renseignent en effet sur l’endoctrinement de type indéniablement sectaire que
certains ont reçu, principalement par le truchement d’Internet. L’enjeu, on le voit, touche
aussi au vocabulaire. Bien nommer les choses, c’est ôter – un peu – aux malheurs du
monde, pourrait-on dire en retournant la phrase célèbre d’Albert Camus.
«Je tape sur les effets du discours, je ne rentre pas dans les aspects théologiques»,
explique Dounia Bouzar, qui se place sur le terrain pragmatique du droit et non sur celui du
jugement de valeur, piégeux en pareille matière. Une course contre la montre est engagée:
environ 400 Français, musulmans «de naissance» ou convertis, de jeunes hommes pour
la plupart mais aussi des filles, sont allés combattre en Syrie dans des katibas salafistes
ou en sont revenus, quand ils ne sont pas morts «en mission».
Dounia Bouzar, dont le présent engagement est salué par le juge antiterroriste Marc
Trévidic, lequel n’entre en action qu’une fois l’infraction constatée, veut, elle, intervenir en
amont, avant le basculement dans le djihad armé. «Il faut taper en cas d’entrave aux droits
de l’homme et aux droits de l’enfant», dit-elle. Et d’énumérer: «Il y a dérive sectaire
quand il y a rupture scolaire, rupture amicale, rupture parentale, perte d’identité.
Quand on cherche à broyer les souvenirs d’un individu, quand on exige de lui qu’il
déchire les photos de famille.» Bref, les éléments permettant de qualifier socialement et
juridiquement les comportements sectaires, ceux, en l’occurrence, liés à l’islam, ne
manquent visiblement pas.
Avec le concours de travailleurs sociaux, Dounia Bouzar installe dans plusieurs villes
de France des «permanences» auxquelles des parents démunis face à la
radicalisation de leur(s) enfant(s) pourront s’adresser. Un «centre d’analyse de la
pratique», réunissant des parents, des professeurs, des policiers et des éducateurs, fera
une fois par mois le point sur l’action de prévention. Parallèlement à la mise en place de ce
dispositif de terrain, Dounia Bouzar, de concert avec des professionnels, élabore un
documentaire destiné, là aussi, à enrayer les dérives en question, sur le mode
volontairement «choc» des clips de prévention contre les accidents de la route. Un site
internet (www. cpdsi.fr) est en construction, avec la collaboration d’une ancienne
experte de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les
dérives sectaires) et d’un ex-chef négociateur du RAID, le groupe d’intervention de la
police nationale en cas de prise d’otages.
La démarche entreprise par l’anthropologue obéit, on s’en doute, à un besoin. «Après la
parution, au début de l’année, de mon livre Désamorcer l’islam radical. Ces dérives
sectaires qui défigurent l’islam (Les éditions de l’atelier, 221 p., ndlr), des parents, des
mamans surtout, totalement désemparés, m’ont appelée, raconte-t-elle. Certains m’ont dit:
"Vous êtes la première à dire ce que nos enfants vivent".» Contrairement à ce qu’on
pourrait penser, nombreux sont ces parents d’enfants fanatisés à s’être adressés
auparavant aux pouvoirs publics, en particulier à la police. Souvent en vain.
«Certains se sont vus répondre que leurs enfants étaient simplement plus musulmans
qu’eux et qu’il n’y avait pas grand-chose à faire», rapporte Dounia Bouzar, qui reproche à
l’Etat de n’avoir pas fait plus tôt ce qu’elle entreprend aujourd’hui.
Il semble toutefois que l’heure de la prise de conscience ait sonné sinon pour tous du
moins pour beaucoup. L’intéressée n’ignore pas que son action pourra heurter ceux parmi
les musulmans qui considèrent qu’il n’appartient à personne de s’immiscer dans le rapport
du fidèle à Dieu, quelle que soit la nature de ce lien. De même, certains réfutent la notion
de secte, qui serait selon eux un argument fallacieux servant à déconsidérer des pratiques
qui ne conviennent pas à l’«Occident laïque». Dounia Bouzar est en quelque sorte prise
dans une tenaille infernale: celle de l’extrême droite d’une part, de l’islamisme
radical de l’autre, qui tous deux «produisent de l’islamophobie», observe-t-elle. On
peut espérer que les acteurs de l’islam «mainstream», les animateurs de sites
communautaires notamment, se joindront à l’effort de cette femme courageuse.
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