ISSN 0013-7006 5es Journées de neurologie et de psychiatrie de Saujon Royan 2012 24 novembre 2012 Rédacteurs en chef H. Lôo, J.-P Olié, R. Gaillard Correspondance : H. Lôo, hôpital Sainte-Anne, 108, rue de la Santé, 75014 Paris. E-mail : [email protected] Comité de rédaction T. d’Amato, D. Bailly, E. Corruble, D. Gourion, A. Danion-Grillat, B. Giros, P. Gorwood, M. Hamon, M.-C. Hardy-Baylé, R. Jouvent, J.-P. Kahn, M.-O. Krebs, P.-M. Llorca, B. Millet, M. Petit, M.-F. Poirier, P. Robert, D. Sauvage, D. Sechter, J.-L. Senon, C. Spadone, F. Thibaut, J.-M. Vanelle Comité de patronage J. Angst (Zurich), C. Ballus (Barcelone), S. Brion (Paris), J. Costa é Silva (Rio de Janeiro), M. Escande (Toulouse), D. Ginestet (Paris), J. Guyotat (Lyon), G. Le Fur (Paris), T. Lempérière (Paris), J.-P. Lépine (Paris), J. Mendlewicz (Bruxelles), A. Okasha (Le Caire), R. Ropert (Paris), G. Sarwer-Foner (Michigan), M. Schou (Copenhague), J.-C. Scotto (Marseille) Comité de lecture international J.-F. 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Villeneuve (Beauport) L’Encéphale est répertoriée dans les bases : Current contents, Medline, EMbase (Excerpta Medica), Pascal (INSIT/CNRS), Excerpta Psychiatria, Neuroscience Citation IndexTM, Index Medicus, SCOPUS®, Research Alert®, SantéPsy/Ascodocpsy L’Encéphale (ISSN 0013-7006) 2013 (volume 39) Un an ; 6 numéros, 2 hors-série, des numéros thématiques. Voir tarifs sur le site http://www.elsevier-masson.fr/revue/539 Adresser commande et paiement à Elsevier Masson SAS, Service Abonnements, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex : paiement par chèque, carte de crédit (CB, MasterCard, EuroCard ou Visa : indiquer le nº, la date d’expiration de la carte, le cryptogramme et signer) ou par virement : La Banque postale, Centre de Paris, nº RIB 20041 00001 1904540H020 95. Les abonnements sont mis en service dans un délai de 4 semaines après réception du paiement. Ils partent du premier numéro de l’année. 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Dubois ............................................................................................ 6 La dépression en médecine générale, une approche spécifique P.-L. Druais ............................................................................................................ 10 Avancées thérapeutiques dans la dépression résistante N. Jaafari ............................................................................................................. 15 Nouveautés thérapeutiques dans le traitement du trouble bipolaire : l’asénapine F. Mouaffak ........................................................................................................... 18 Cannabis et schizophrénie J. Costentin ........................................................................................................... 22 L’Encéphale (2013) 39, 1-2 5es Journées de neurologie et de psychiatrie de Saujon Royan 2012 Pour sa 5e édition, les journées psychiatriques de Saujon Royan ont bénécié d’un programme dense et riche. Après une soirée inaugurale, ouverte au grand public et consacrée aux « Avancées neurobiologiques sur le cerveau », présentée par Jean-Didier Vincent et Bruno Dubois devant 800 personnes, ce sont 15 universitaires, de 11 facultés différentes, qui ont animé la journée de formation qui s’est déroulée le 24 novembre 2012 et qui a réuni 300 médecins : 36 % de généralistes, 39 % de psychiatres et 25 % d’autres spécialités médicales. Ces journées de formation consacrées à la psychiatrie et à la neurologie, sous la présidence de Jean-Pierre Olié, ont été ouvertes par l’intervention du directeur de l’ARS Poitou-Charentes, M. François-Emmanuel Blanc, qui a mis en valeur le lien original tissé entre la clinique de Saujon et le corps universitaire et hospitalier de Poitou-Charentes. Il a encouragé la poursuite des relations professionnelles entre secteurs public et privé. Le Dr Olivier Drevon, président de l’Union nationale des cliniques psychiatriques privées, s’est félicité du dynamisme des cliniques privées et des liens noués tant avec l’université qu’avec les acteurs de santé régionaux. La matinée, coprésidée par Bruno Dubois (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), a été consacrée à la motivation et ses troubles. La motivation se dénit comme un processus qui pousse à l’action. Richard Lévy (Hôpital Saint-Antoine, Paris) a rappelé que 2 types de mécanismes sous-tendent préfrontal, répond à un système plus complexe intervenant sur les prises de décision ou encore l’autoanalyse et permet une planication de l’action (région dorsolatérale du cortex préfrontal). David Belin (LNEC, INSERM U 1084, Université de Poitiers) a présenté le problème de l’addiction en le positionnant dans le cadre anatomique des boucles striatocorticales. Dans l’addiction, les processus qui commandent la planication de l’action fusionnent avec certains systèmes réexes de telle sorte que le comportement du patient peut, dans certains cas, lui échapper ; le contrôle des pulsions peut donc court-circuiter les processus explicites. Les boucles striatales permettent ainsi un lien entre les affects et les comportements motivationnels sans passage systématique par le cortex. La pulsion chez l’addict peut ainsi répondre à un système réexe (par shunt cortical) qui pourrait être la traduction anatomique du déni. Bruno Dubois a évoqué les liens existants entre démence frontotemporale (DFT) et perte de motivation. La DFT est un trouble lié à la dégénérescence du lobe frontal avec 2 principales conséquences : une altération des fonctions cognitives dites « exécutives » par atteinte de la partie dorsolatérale du cortex préfrontal ; un trouble du comportement par atteinte de la partie orbitofrontale, se traduisant en particulier au plan clinique par une indifférence, une inertie et d’importants désordres d’ordre alimentaire ou comportemental. Il importe d’évoquer ce diagnostic devant une apathie sans dimension dépressive associée. 2 dépressif est associé à un dysfonctionnement du cortex préfrontal et des ganglions de la base. Les traitements tricycliques auraient une action supérieure aux autres antidépresseurs sur le ralentissement psychomoteur, de même que les électro-convulsivo-thérapies. Manuel Bouvard (CH Charles-Perrens, Bordeaux) a évoqué les liens entre TDAH et bipolarité. La relation TDAHbipolarité peut être rapprochée de celle entre cognition et émotion ou encore entre dimension motivationnelle et émotionnelle. Les facteurs de confusion entre ces 2 pathologies sont en particulier l’agitation, le trouble de l’attention ou l’impulsivité. Le TDAH est une incapacité à attendre (avec persistance d’un certain degré de contrôle), alors que le trouble bipolaire se traduit par une sorte d’explosivité (sans possibilité de contrôle). Certains auteurs considèrent que l’association d’un TDAH à un symptôme thymique est, par dénition, un trouble bipolaire : ceci concerne près de 90 % des cas et pose le problème d’une augmentation, discutable, des diagnostics de trouble bipolaire avec utilisation au long cours de traitements thymorégulateurs. L’après-midi a d’abord été dédiée aux troubles liés au stress. Ont été présentés par Dominique Servant (Hôpital Fontan, CHRU, Lille) les nouvelles approches des thérapies cognitives et comportementales (TCC), de gestion du stress ainsi que certains modèles d’éducation thérapeutique mis en place en station thermale ces dernières années, dont un pour assurer le sevrage de benzodiazépines (Patrick Carpentier, CHU, Grenoble). Puis, un débat a été initié sur la place des benzodiazépines en pratique clinique par Michel Bourin (Université O. Dubois et al. de Nantes) : doit-on continuer de les prescrire en 2012 ? Comment assurer le sevrage ? Jean Costentin (Université de Rouen) a présenté les liens entre utilisation de cannabis et développement de la schizophrénie. La seconde partie de l’après-midi a été consacrée à la question de la gestion de la maladie mentale à travers le regard et l’expérience des spécialistes de médecine générale. Pierre-Louis Druais (Paris), président du Collège de médecine générale, a présenté les spécicités de l’approche psychothérapique en médecine générale et José Gomes (professeur de médecine générale, Université de Poitiers), l’utilisation des thérapies cognitives et comportementales. L’enquête de satisfaction a révélé que 96 % des congressistes ont été satisfaits du programme et des interventions. Nous remercions tous ceux qui ont contribué à ce succès, les intervenants et congressistes, la clinique de Saujon et l’AFMER (Association de FMC et EPP des médecins du Pays royannais), ainsi que les partenaires institutionnels (les laboratoires Lundbeck, Euthérapie, Astra Zeneca, Lilly et Brystol Meyer Squibb, le Conseil général de Charente-Maritime, les mairies de Saujon et Royan). Nous sommes heureux de pouvoir éditer un certain nombre des interventions de ces 5es Journées et remercions les conférenciers qui ont bien voulu transmettre la transcription de leur intervention. Le Comité d’organisation Dr Olivier Dubois (psychiatre, Clinique de Saujon) Dr Bernard Frèche (médecin généraliste, Royan) Dr Nemat Jaafari (psychiatre, MCU-PH, Université de Poitiers) L’Encéphale (2013) 39, 3-5 Nouvelles approches et nouvelles méthodes de gestion du stress D. Servant Consultation spécialisée sur le stress et l’anxiété, CHU de Lille, hôpital Fontan, Rue Verhaeghe, 59037 Lille Cedex, France De plus en plus de patients vus en médecine générale ou consultant des psychiatres et psychologues présentent une symptomatologie anxieuse marquée, réactionnelle à des événements et situations stressants. Une étude récente, en médecine générale, révèle que les patients répondants aux critères diagnostiques de trouble de l’adaptation avec anxiété (TAA) incriminent à l’origine de leur trouble, en premier lieu, le travail. Viennent ensuite la famille, la vie sentimentale et la santé. Chez ces patients, le niveau d’anxiété et de ruminations mentales est comparable à celui retrouvé dans l’anxiété généralisée [1]. Le TAA correspond donc à un authentique problème de santé important, compte tenu de sa fréquence et des risques de complication (pathologies somatiques et psychiques). Le stress apparaît comme un mal-être de civilisation lié en partie aux exigences de la société et aux ressources individuelles et collectives insufsantes pour tolérer les passages difciles de l’existence. Quelles réponses pouvons-nous proposer à ces patients en souffrance qui tique et d’accompagnement psychologique. C’est une démarche active qui tend à mobiliser le sujet pour dépasser une souffrance mais aussi pour mettre en place de nouvelles attitudes utiles lorsqu’il sera confronté à de nouvelles situations stressantes. C’est aussi une réexion et une approche que l’on pourrait qualier d’« humaniste » pour le patient mais également pour le thérapeute qui s’engage lui aussi dans l’alliance thérapeutique qu’il propose. Les nouvelles approches des TCC, associées à des techniques psychocorporelles et de gestion des émotions, s’inscrivent dans cette démarche et apparaissent comme une proposition utile pour ces patients dont le risque de complication vers des troubles affectifs est élevé [2]. Les modèles actuels et leurs conséquences thérapeutiques La réponse au stress à la fois physiologique et psychologique est bien connue [3]. Les recherches actuelles tentent de mieux évaluer certaines dimensions de la réaction au stress qui représentent de nouvelles cibles thérapeutiques. Les tableaux rencontrés en clinique sur le plan 4 D. Servant montre que la baisse du tonus parasympathique serait responsable de la difculté à revenir à l’état basal [4]. Le modèle sympathique a été davantage étudié par des mesures physiologiques et biologiques. Les avancées technologiques permettent de mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) qui apparaît comme un marqueur du tonus parasympathique permettant de suivre la réactivité physiologique au stress et d’agir sur elle par des techniques comme le biofeedback de VFC [5]. Les ruminations envahissantes, peu efcientes face au stress, apparaissent comme un élément crucial, une inefcace tentative de régulation des émotions. Elles correspondent à une forme d’évitement comparable à l’évitement comportemental qui empêche une certaine habituation aux émotions et, loin de les soulager, les entretient [6]. L’approche cognitive ne se limite pas à la modication des pensées et des schémas abordant aussi la fonctionnalité de ces pensées, pour tenter de les réorienter vers des activités mentales davantage centrées sur l’ici et maintenant et les recherches de solutions actives. Les émotions sont au cœur de nombreuses recherches en psychologie et dans le domaine psychothérapeutique [7]. Dans les états de réaction au stress, les émotions négatives ne sont pas accessibles au raisonnement : elles paraissent échapper au contrôle. Les émotions positives peuvent être stimulées par des approches thérapeutiques qui s’intègrent dans le courant de la 3e vague des TCC et de la psychologie positive. sur soi-même, d’anticiper des conséquences négatives du stress, n’apparaît pas fonctionnel. Il s’agit de mettre en évidence que, bien que légitimes, certaines ruminations ne servent pas à grand-chose. Pourquoi dans ce cas ne pas s’engager autrement que par le raisonnement qui présente parfois des limites dans des situations à problèmes ou du stress de l’existence sur lesquels il n’est pas possible d’agir immédiatement ? Travailler son mental Plusieurs exercices sont proposés comme le contrôle respiratoire et la cohérence cardiaque avec l’utilisation d’un appareil de biofeedback de variabilité de fréquence cardiaque qui permettent au sujet d’utiliser la respiration comme ancrage et gestion des pics anxieux, l’exploration des sensations, la maîtrise de la fréquence respiratoire, la centration, l’attention portée à la respiration et l’induction d’une sensation de calme et de lâcher-prise. Le modèle cognitif de Beck, qui repose sur la théorie des schémas, postule que le sujet anxieux présente des biais d’interprétations de son environnement qui le conduisent à maximaliser le danger et à amplier les menaces à venir [8]. Ceci se traduit par des pensées répétitives, circulaires, qui font partie du tableau clinique de TAA. Dans le cas d’une anxiété réactionnelle à un stress actuel et réel, il est légitime de ruminer et de se soucier des conséquences. Le problème est de savoir si ces ruminations sont fonctionnelles ou non et si elles ne jouent pas un rôle dans l’évolution du trouble. Plus que de chercher à changer ses pensées à tout prix, on va tenter d’analyser à la fois le contenu et le rôle Relaxation et méditation : un moyen de gérer les émotions La relaxation est intégrée à tous les programmes de gestion du stress. Elle apparaît comme la technique la plus accessible. Mais la relaxation fait référence à de nombreuses méthodes dont certaines sont utilisées depuis très longtemps (yoga, sophrologie, relaxation musculaire ou training autogène de Schultz, hypnose, etc.). Une approche récente appelée « nouvelle relaxation » est une démarche intégrative qui a consisté à identier les techniques principales, à en préciser les indications notamment dans la gestion du stress et de l’anxiété et à protocoliser l’entraînement indispensable aux effets thérapeutiques [10]. Différentes techniques proposées Relaxation par la respiration Relaxation musculaire La relaxation musculaire reste une méthode utile tant pour réduire la tension musculaire associée à l’anxiété que pour induire secondairement un état de relâchement global. Les protocoles sont aujourd’hui simpliés. Ils utili- Nouvelles approches et nouvelles méthodes de gestion du stress cédé, le sujet peut s’exposer à beaucoup de situations stressantes abordées par visualisation de façon graduée et conduire progressivement à une habituation de situations stressantes auxquelles le sujet sera confronté. Enn la visualisation permet de générer des émotions positives et de trouver à la fois un mode de coping face à l’anxiété et une activation d’expériences bénéques dans la résolution de situations de stress. Lutter ou accepter Beaucoup de situations de stress sont en lien avec un décalage entre attentes et réalité. La confrontation à certaines situations met à mal le système de valeurs et de croyances du sujet, et s’oppose à une démarche de recherche de bien-être. La notion d’acceptation apporte, dans des situations où le patient est littéralement enlisé dans une lutte stérile, une autre approche pour améliorer l’état affectif qui résulte de la confrontation au stress [2]. Dans la démarche de gestion du stress, l’analyse fonctionnelle ne se limite pas à l’évaluation des symptômes ; elle aborde aussi le stress dans ses valeurs, les ressources du patient, les attentes et va l’amener à s’engager dans des attitudes, des pensées et des actions qui l’écartent d’une lutte génératrice de souffrance [9]. L’acceptation de beaucoup de situations stressantes, sur lesquelles on ne peut agir, paraît comme une attitude utile même si elle n’est pas un mode de fonctionnement du sujet habitué à lutter, à rééchir et à planier. L’apport de la méditation dite « de pleine conscience » est un des moyens de parvenir à cette démarche. Paradoxalement, cette approche est la plus ancienne. Elle est très inspirée des techniques zen et bouddhiste dont la plus récemment intégrée au domaine médical est connue sous la dénomination de Mindfulness. Des programmes structurés ont montré un intérêt dans la réduction du stress [11] et l’association de la pleine conscience dans les programmes de gestion du stress semble complémentaire des techniques plus classiques comme la résolution de problèmes, ou la thérapie cognitive ou la relaxation [9]. Conclusion Les techniques de gestion du stress correspondent à un ensemble de techniques accessibles à tout praticien qui 5 souhaite se former et les appliquer. Différentes approches récentes ont élargi l’arsenal thérapeutique pour répondre à des prols différents de patients. Ces nouvelles pratiques axées sur les thérapies cognitivo-émotionnelles méritent d’être validées scientiquement, tant dans une approche préventive que curative. Un protocole en 7 séances a été élaboré et fait l’objet d’études collaboratives notamment d’un projet commun entre la consultation pour stress et anxiété du CHU de Lille et de l’École thermale du stress de Saujon. Liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Servant D, Pelissolo A, Chancharme L, et al. Le Trouble de l’adaptation avec Anxiété (TAA). Caractéristiques cliniques et psychométriques chez des patients consultant en médecine générale. Encéphale (sous presse). [2] Behar E, DiMarco ID, Hekler EB, et al. Current theoretical models of generalized anxiety disorders (GAD): conceptual review and treatment implications. J Anxiety Disord 2009;23:1011-23. [3] Lôo P, Lôo H, Galinowski A. Le stress permanent. Réactionadaptation de l’organisme aux aléas existentiels. 3e éd., Masson, Paris, 2003. [4] Thayer JF, Lane RD. A model of neurovisceral integration in emotion regulation and dysregulation. J Affect Disord 2000;61:201-16. [5] Servant D, Logier R, Mouster Y, et al. La variabilité de la fréquence cardiaque. Intérêt en psychiatrie. Encéphale 2009;35:423-8. [6] Borkovec TD, Ruscio AM. Psychotherapy for generalized anxiety disorder. J Clin Psychiatry 2001;62(Suppl. 11):37-42. [7] Barlow DH, Lehman CL. Advance in the psychosocial treatment of anxiety disorders. Arch Gen Pychiatry 1996;53:727-35. [8] Beck AT, Emery G. Anxiety disorders and phobias: a cognitive perspective. Basic Book, New York, 1985. [9] Servant D. Gestion du stress et de l’anxiété. Elsevier Masson, Paris, 2012. [10] Servant D. La relaxation. Nouvelles approches, nouvelles pratiques. Elsevier Masson, Paris, 2009. [11] Kabat-Zinn J, Massio AO, Kristeller J, et al. Effectiveness of meditation based stress reduction programme in the treatment of anxiety disorders. Am J Psychiatry 1992;149:936-43. L’Encéphale (2013) 39, 6-9 Éducation thérapeutique du patient en médecine thermale P. Carpentiera, O. Duboisb,* aProfesseur bDirecteur de Médecine vasculaire au CHU de Grenoble et président de la Société française de médecine thermale médical des Thermes de Saujon et secrétaire général de la Société française de médecine thermale Le but de l’éducation thérapeutique est de permettre au patient atteint de maladie chronique d’améliorer ses comportements de santé, de l’aider à s’adapter à ses handicaps et de le rendre actif dans la prise en charge de sa maladie, le tout dans l’optique d’améliorer son état de santé et sa qualité de vie [1]. L’agrément des programmes d’éducation thérapeutique par les ARS requiert que ces programmes soient structurés, comportent des ateliers de groupes mais aussi des entretiens éducatifs individuels, soient mis en œuvre de façon pluridisciplinaire par des professionnels de santé formés à l’éducation thérapeutique avec un volet d’évaluation [2]. La cure thermale : un environnement idéal pour les actions d’éducation thérapeutique La cure thermale représente une opportunité exceptionnelle pour le développement de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) [3] : • elle rassemble en un même lieu et un même temps un grand nombre de patients atteints d’affections chro- pratique thermale pour son caractère humain et global, donc culturellement prêts à s’investir dans l’éducation thérapeutique, à laquelle ils doivent cependant se former spéciquement ; • l’organisation de l’établissement thermal et la sensibilisation de tous les agents thermaux, au-delà des professionnels de santé, contribuent à créer un environnement favorable à cette ETP ; • enn, l’expérience des soins thermaux constitue, dans bon nombre de pathologies, un outil pédagogique permettant de faciliter la compréhension des messages éducatifs, de favoriser leur mémorisation et de renforcer la motivation à modier les comportements de santé qui leur sont attachés. Sur cette base, différents programmes d’éducation thérapeutique spéciquement thermaux ont été développés et expérimentés, notamment grâce à l’Association française de recherche thermale (AFRETh). Certains sont déjà validés par des agréments ARS : « Veinothermes » pour les patients atteints d’insufsance veineuse sévère ; « En thermes de santé et de rondeurs » pour l’obésité et le surpoids ; « École de l’asthme ». D’autres sont en cours de développement : « Fibr’Eaux » pour les patients bro- Éducation thérapeutique du patient en médecine thermale 7 par la faculté de médecine de Grenoble. Elles proposent une sensibilisation pour l’ensemble du personnel thermal, une formation pratique pour les professionnels de santé et un niveau de formation-action, couplé avec la conception d’un programme spécique. des participants quant à leur rôle dans la prise en charge de leur maladie. En outre, l’interaction de ces séances avec les soins thermaux est mise à prot : c’est ainsi que la connaissance du fonctionnement de la pompe veineuse du mollet, dans le retour veineux des membres inférieurs, facilite la participation active du patient au « couloir de marche en eau profonde », alors que, dans l’autre sens, la perception des effets de la pression de l’eau sur les téguments des membres inférieurs, lors des différentes balnéations, aide le patient à comprendre l’intérêt de la contention élastique et, bien sûr, la répétition des soins facilite sa mémorisation. Ces ateliers sont complétés par une consultation d’éducation thérapeutique en tête à tête, qui permet de valider les acquis du patient, de choisir avec lui les objectifs concrets d’amélioration de ses comportements de santé, qu’il pourra mettre en œuvre au retour de cure dans sa vie quotidienne, et d’évaluer avec lui les points sur lesquels il pourra s’appuyer, et les difcultés qu’il risque de rencontrer pour que ce choix d’objectifs soit réaliste et efcace. Enn, un entretien téléphonique à 3 mois, réalisé par le même éducateur de santé permet d’évaluer si les objectifs choisis ont été atteints, le cas échéant, d’en choisir d’autres, et sinon, d’analyser les raisons de l’échec total ou partiel pour remotiver le patient à la conquête de ces mêmes objectifs, ou d’autres mieux adaptés à la situation. L’expérimentation initiale de ce programme, chez 150 patients dans les 3 stations de La Léchère, Barbotanles-Thermes et Argeles-Gazost, a permis de vérier sa faisabilité avec un très haut niveau de satisfaction des acteurs comme des patients, dont 97 % pensaient à l’issue du séjour que cela allait les aider « à mieux vivre avec leur maladie », et 97 % qu’ils allaient « être plus actifs dans la prise en charge de leur santé au quotidien ». Environ 60 % des objectifs de comportement étaient totalement atteints à 3 mois, et 86 % des patients avaient atteint au moins un objectif. Cela allait de pair avec une amélioration de la qualité de vie (échelle CIVIQ2 spécique de l’insufsance veineuse) signicative à 3 mois qui se maintenait à 9 mois. Ce programme est actuellement agréé dans les 3 stations qui l’ont expérimenté et utilisable dans toutes les stations à orientation phlébologique à condition qu’elles « Veinothermes », premier programme d’éducation thérapeutique accrédité en milieu thermal Le programme « Veinothermes » [4] s’adresse aux quelques 40 000 patients atteints d’insufsance veineuse chronique qui bénécient chaque année en France d’une cure thermale spécique de leur pathologie, et en particulier aux plus sévères d’entre eux, qui présentent des troubles trophiques cutanés préulcéreux. Il s’agit donc d’un programme qui s’attaque à un redoutable problème de santé publique du fait du caractère invalidant de la pathologie et du coût de sa prise en charge estimé à plus de 1 milliard d’euros annuellement en France, mais aussi d’une pathologie dont le pronostic dépend en grande partie des comportements du patient en matière d’activité physique, d’alimentation et de compliance à la contention élastique, pierre angulaire du traitement. Le programme « Veinothermes » a été conçu et expérimenté grâce à un nancement de l’AFRETh. Sa conception a eu lieu au cours de l’hiver 2008-2009 par un groupe de travail multiprofessionnel formé de 15 participants représentant l’ensemble des stations thermales ayant un agrément en phlébologie, animé par le Dr Brigitte Sandrin du Centre régional d’éducation thérapeutique LanguedocRoussillon et l’équipe de Médecine vasculaire du CHU de Grenoble (Dr Bernadette Satger, Pr Patrick Carpentier). Les ateliers et outils pédagogiques ont été validés par un groupe de patients atteints d’insufsance veineuse chronique. L’expérimentation a été réalisée auprès de 150 patients dans les stations de La Léchère, Barbotanles-Thermes et Argeles-Gazost, après que les équipes soignantes de ces stations ont reçu la formation appropriée. Ce programme d’éducation thérapeutique a été agréé par l’ARS Rhône-Alpes le 12 janvier 2011. Ce programme est intégré à la cure thermale et prescrit par le médecin thermal qui suit le patient, en même temps que les soins thermaux, lors de la première visite. 8 thérapie cognitive et comportementale validé par un groupe d’experts associé à une étude avec suivi de cohorte. Il s’agissait de patients consommateurs chroniques de benzodiazépines (> 6 mois), en échec antérieur de sevrage et motivés par l’arrêt de leur consommation. Quatre centres thermaux ont participé à la mise en place de ce protocole d’éducation psychothérapique. Pour rappel, 20 % des consultations de médecins généralistes aboutissent à la prescription de benzodiazépines [5]. Environ 10 % des Français en sont des consommateurs réguliers. La France est ainsi, d’après l’ANSM, le 2e plus important consommateur européen de benzodiazépines, à la fois utilisées comme anxiolytique et comme hypnotique [6]. La surconsommation de benzodiazépines est donc un problème bien identié de santé publique [7-9]. La médecine ambulatoire, de par son fonctionnement en cabinet, a des difcultés à assurer la prise en charge d’un sevrage aux benzodiazépines qui nécessite une réactivité et une complémentarité d’actions thérapeutiques. La prise en charge d’un tel problème ne justie généralement pas un séjour en milieu hospitalier, trop lourd et régressant pour ces patients. Ces dernières années, l’efcacité du service médical rendu par le thermalisme a été démontrée dans le cadre de l’étude STOP-TAG [10-12]. Cette étude a mis en évidence une supériorité signicative de la crénothérapie dans l’anxiété généralisée comparée à un médicament de référence, la paroxétine. Cette étude contrôlée en double aveugle a été validée au plan méthodologique par la HAS (Haute autorité de santé) en 2006. Suite à cette étude, un protocole psychoéducatif ayant pour but d’accompagner le sevrage de benzodiazépines de patients surconsommateurs chroniques a été mis en place. Ce protocole a été validé par un groupe d’experts1. L’objectif a été de proposer, dans le cadre de séjours de 3 semaines en cure thermale à des sujets présentant un trouble anxieux, l’arrêt progressif des benzodiazépines. La cure, du fait de son activité anxiolytique démontrée [10-12] et de l’existence d’un certain nombre d’acteurs de soin de proximité, peut en quelque sorte servir de « traitement substitutif » chez ces patients consommateurs chroniques de benzodiazépines depuis plus de 3 mois, stables thérapeutiquement et ayant préalablement tenté d’arrêter leur traitement sans y réussir. Ces patients, motivés par l’arrêt P. Carpentier, O. Dubois psychoéducatif ont été assurés par un psychologue spécialisé en thérapie cognitive et comportementale, sous la forme d’une formation spécique de 72 heures. Quatre stations thermales psychiatriques françaises se sont engagées dans la formation à ce programme d’éducation thérapeutique (Bagnères-de-Bigorre, Néris-les-Bains, Saujon, Ussat-lesBains). À l’issue de cet enseignement, un kit spécique reprenant l’ensemble des programmes d’enseignement spéciques a été remis à chaque station, servant de référence et de guide pour l’ensemble des psychologues et formateurs. Outre ses effets anxiolytiques démontrés, la cure thermale et la crénothérapie présentent plusieurs atouts complémentaires : • la possibilité de réunir en un lieu spécique pendant une durée de 3 semaines des groupes de patients présentant des pathologies comparables ; • la présence sur place d’une équipe paramédicale, ellemême encadrée par des médecins généralement psychiatres exerçant en station thermale ou à proximité de celle-ci formés à la prise en charge des troubles anxieux ; • l’existence d’une ou plusieurs personnes formées à l’éducation thérapeutique, ce qui assure un niveau de compétence et de sécurité pour le patient. Les patients sont réunis en groupe de 6 à 12 personnes présentant un TAG avec éventuellement une comorbidité dépressive. Le programme psychoéducatif fait l’objet de l’association de 4 modalités thérapeutiques différentes, toutes complémentaires, dans l’objectif d’assurer à la fois l’anxiolyse du patient et la réduction de la consommation des benzodiazépines : • soins crénothérapiques le matin, à raison de 4 soins par jour (forfait thermal prescrit de manière conventionnelle par le médecin thermal) ; • suivi médical visant à accompagner le programme de réduction de la consommation de benzodiazépines. Le rythme et les règles de prescription relatifs à ce sevrage ont fait l’objet d’un protocole préétabli, servant de référence aux médecins thermaux. Un programme de poursuite de la réduction thérapeutique à l’issue de la prise en charge est proposé lors de la consultation médicale, bilan de n de cure ; • deux entretiens psychothérapeutiques individuels étaient réalisés par le psychologue en cours de séjour : – un entretien motivationnel, en début de prise en charge, Éducation thérapeutique du patient en médecine thermale 9 – comment vaincre la dépendance aux anxiolytiques ? – quelles sont les alternatives thérapeutiques au médicament ? À l’issue de la cure, une consultation d’éducation thérapeutique avec le psychologue vise à évaluer les bénéces de la prise en charge et à xer les objectifs de post-cure en termes de gestion de l’anxiété et des troubles du sommeil, à travers les exercices enseignés dans le cadre de la formation psychoéducative. En n de cure, le médecin thermal xe un programme de poursuite de la réduction thérapeutique. Quand la cure thermale prend n, un suivi clinique et thérapeutique est assuré pendant les 6 mois qui suivent cette prise en charge pour accompagner le patient dans son objectif d’arrêt de la consommation. Une correspondance est adressée au médecin traitant pour l’informer de l’évolution du patient et de l’objectif de poursuite du sevrage. Soixante-dix patients ont participé à ce protocole dans le cadre des 4 stations thermales françaises à orientation psychosomatique. Les évaluations ont consisté en une échelle HAD, un questionnaire de dépression de Beck, une échelle ECAB, une échelle analogique d’évaluation du sommeil et divers questionnaires de consommation médicamenteuse. À côté du critère principal, on retient comme critères secondaires la consommation de benzodiazépines à J15, J30, J60, J90 et J180, l’évolution de l’état anxieux au cours de ces différents temps, de l’état dépressif, de la perception du sommeil et du sentiment de dépendance. Quatre-vingt-quatorze pour cent des patients ont été satisfaits de la prise en charge et 93 % ont estimé ce programme efcace pour traiter leur consommation. Ce protocole a été formalisé par une étude de suivi de cohorte sur 6 mois (Tableau 1). En conclusion, ce protocole a permis de vérier la faisabilité pour les stations thermales de mettre en place une telle modalité de prise en charge de patients présentant une consommation excessive et chronique de médicaments anxiolytiques. Les résultats permettront de savoir s’il y a un intérêt médical à poursuivre cette expérimentation. D’ores et déjà, devant les taux de satisfaction élevés, certaines stations à orientation psychosomatique continuent à organiser un accompagnement structuré, soit dans le cadre de groupes, soit dans le cadre de suivi individuel de patients présentant une consommation excessive et chronique de benzodiazépines. Les stations thermales se penchent sur d’autres programmes d’éducation thérapeutique pouvant utilement servir à la santé des personnes séjournant en cure thermale. Certains de ces modèles intéressent particulièrement la santé mentale : la gestion du stress, la gestion de la douleur chronique, notamment dans le cadre des douleurs de type bromyalgique ou encore chez les patients présentant des troubles des conduites alimentaires avec surpoids. Liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] [2] [3] [4] [5] Tableau 1 Étude de suivi de cohorte sur 6 mois 70 patients Femmes Moyenne d’âge Évaluation à Taux de satisfaction [6] 79 % 54 ans 9 mois J15, J30, J60, J90 et J180 94 % [7] [8] Sandrin-Berthon B, Carpentier P, Quéré I, Satger B. Associer des patients à la conception d’un programme d’éducation thérapeutique. Santé publique 2007;19:313-22. Quéré I, Carpentier P, Sandrin-Berthon B. 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Comparaison des données d’uti- L’Encéphale (2013) 39, 10-14 La dépression en médecine générale, une approche spécique P.-L. Druais Professeur de Médecine générale, UFR Paris-Ile-de-France ouest, Président du Collège de la médecine générale « La dépression est une pathologie fréquente, dans laquelle le médecin généraliste est le premier recours, le point d’entrée dans le système de soin. » Premier recours… : être présent pour le patient quel que soit le motif qui l’amène à consulter. Premier recours et souvent seul recours du patient qui identie la médecine à son médecin de famille, celui qui le connaît depuis si longtemps, qui connaît les parents, les amis, les voisins. Une relation forte, une relation construite au l du temps, le très long temps de la médecine générale. Une relation mise à l’épreuve sur des années par une multiplicité de situations de soin, d’écoute, d’aide, d’accompagnement. Alors, on se tourne vers « son » docteur qui saura bien, encore une fois, trouver la solution. Et il la trouve, si on en croit les chiffres : 80 % de dépressions quotidiennement prises en charge par le médecin généraliste. Mais quels sont ses outils ? Où et comment les a-t-il acquis ? tivement aux tricycliques. Les IMAO ne sont quasiment jamais utilisés [1]. À noter que, pendant longtemps, on a considéré que les médecins généralistes prescrivaient trop souvent des antidépresseurs à des patients non dépressifs… sans explorer la raison de ces pratiques de terrain, nées de la fréquentation quotidienne de tous les types de souffrance. Les recommandations françaises de 2006, sur « Le bon usage des médicaments antidépresseurs dans le traitement de la dépression et de l’anxiété » [2], ont légitimé et recommandé les conduites pragmatiques de prescription d’antidépresseurs, initiées par les médecins généralistes, face aux phénomènes masqués ou anxieux auxquels ils étaient confrontés. Face à des dépressions résistantes ou récurrentes, si l’augmentation des doses de l’antidépresseur ou le changement de molécule n’ont pas été efcaces, le médecin généraliste cone volontiers le patient au psychiatre : il n’a pas la pratique d’associer plusieurs antidépresseurs ou d’adjoindre neuroleptiques ou thymorégulateurs. Les traitements psychotropes Lorsqu’il le juge nécessaire, le médecin généraliste utilise classiquement les antidépresseurs à sa disposition. Les prises en charge psychothérapeutiques La dépression en médecine générale, une approche spécique Les psychothérapies structurées On les distingue des « attitudes psychothérapeutiques », inhérentes à la fonction de médecin généraliste, aussi appelées « psychothérapies de soutien ». « Pour qu’il y ait psychothérapie, il faut que le médecin soit conscient de la nature des moyens psychologiques mis en œuvre, et qu’il exerce un contrôle sur leur déroulement et leurs effets. Le contrôle implique donc une action rééchie et la référence à une théorie psychologique, garantie de la cohérence de l’approche » [4]. Différentes thérapies peuvent être associées an de réaliser une prise en charge multifocale, agissant à différents niveaux de fonctionnement du sujet. Le travail sur le terrain conrme chaque jour que de nombreuses dépressions modérées sont accessibles à une prise en charge psychothérapeutique. D’autant que de nombreux patients sont réticents à la prise de psychotropes, soit par crainte d’accoutumance et/ou de dépendance, soit par crainte des effets secondaires, soit, le plus souvent, par conviction, mêlée de culpabilité, que leur « passage à vide » est un signe de faiblesse qu’ils doivent surmonter sans aide médicamenteuse. Conviction qui n’est qu’un des symptômes de la maladie… Dans ce contexte, les médecins généralistes adressent leurs patients nécessitant une psychothérapie structurée à des correspondants, psychothérapeutes non-médecins ou psychiatres. Ici, nous devons aborder quelques difcultés. Le problème démographique : la répartition des correspondants « psys » est largement inégale géographiquement, et globalement le nombre de psychiatres est insufsant pour couvrir les besoins de la population. Majoritairement, les médecins ont peu le choix des correspondants et s’adressent au thérapeute auquel ils ont accès, sans pouvoir toujours choisir en fonction d’un projet thérapeutique lié à un mode de prise en charge. Enn la formation ne permet pas au médecin d’avoir sufsamment la compréhension des caractéristiques et des indications des différentes psychothérapies an d’afner l’adressage. La prise en charge psychologique du patient dépressif par le médecin généraliste 11 patient a d’autres demandes, celles-ci risquent de passer en priorité et masquer le principal motif de consultation… d’autant plus que le patient va avoir du mal à aborder ce sujet difcile. Le temps de l’accompagnement Une fois le diagnostic posé, les recommandations ofcielles semblent baliser le terrain de la prise en charge. La littérature détaille essentiellement des solutions médicamenteuses mais n’explicite pas le soutien psychologique qui est pourtant préconisé. La HAS précise toutefois que les psychothérapies cognitivo-comportementales, les thérapies de soutien et les thérapies interpersonnelles « ont fait l’objet d’études contrôlées dans les dépressions d’intensité légère à modérée. Les psychothérapies d’inspiration analytique, instituées au mieux à distance de la phase aiguë, constituent, pour certains patients, un recours utile ». Malheureusement, aucune recommandation ne précise quel accompagnement psychologique peut être réalisé par le médecin généraliste. La place du médecin généraliste dans la prise en charge du patient dépressif Une position privilégiée Par rapport aux autres spécialistes, le médecin généraliste a une position privilégiée : • Soit, il connaît déjà le patient, son vécu, son environnement, ses éventuels conits personnels ou professionnels… Cela lui permet de voir les choses de façon plus globale, de percevoir aussi les choses que le patient ne dit pas, mais qu’une écoute attentive au l des consultations lui aura fait comprendre dans le cadre d’une relation de conance déjà établie. Le patient va donc se coner plus facilement et plus spontanément. • Soit, le médecin ne connaît pas le patient, et c’est le début d’une longue histoire. Le médecin est dans la position de soigner non pas une dépression mais un patient qui souffre de dépression. Potentiellement, il aura aussi à soigner les autres problèmes du patient. Il est donc implicite entre le patient et le médecin que le médecin « entre » 12 • Attentes ainsi que besoins du patient. • Représentations de santé, croyances, préjugés… • Préférences et sens que le patient accorde à la vie. • Émotions et affects. • Nature du patient, caractéristiques biomédicales. • Temps : capacité du patient à évoluer dans la durée. • Être : personnalité du patient. La communication Le médecin généraliste communique « naturellement » avec son patient en utilisant les outils habituels de la communication, qu’il va adapter à sa fonction. L’écoute active C’est la première étape du dialogue. « Écouter quelqu’un, c’est écouter le silence » [6]. Il s’agit de prêter attention à ce que dit le patient, mais aussi à ce qu’il ne dit pas, à ce qu’il dit à moitié, et tout ce que les mots signient pour lui. Il faut saisir les moments de silence et les comprendre [7]. Cet exercice difcile est implicite pour le médecin qui connaît depuis plusieurs années le patient et son entourage. C’est l’histoire partagée du patient avec son médecin qui intervient dans la consultation [8]. L’écoute active va permettre au patient de percevoir une « attitude facilitatrice, impliquée et compréhensive » [7]. Le patient, mis en position de s’exprimer, peut aussi s’écouter, s’approprier ses propres réexions et cheminer en même temps qu’il verbalise les choses. Le non-verbal Percevoir le non-verbal du patient, c’est observer ses gestes, ses mimiques, son agitation ou son calme plus ou moins approprié. En retour, l’attitude physique du médecin fait également passer des messages. Par sa posture, ses gestes, les expressions de son visage, le regard, etc., le médecin fait passer les différentes dimensions du discours. La gestion de l’espace C’est un des éléments du non-verbal. Les relations sociales sont régies par la distance que l’on instaure entre son interlocuteur et soi-même. C’est cette gestion de l’espace P.-L. Druais clinique. Charge à lui de gérer correctement cette intimité pour mettre le patient en conance, sans le braquer par une intervention non souhaitée [6]. Le médecin généraliste, un psychothérapeute ? Une rencontre Dans le cadre d’une maladie dépressive, la première consultation a pour but d’évaluer les symptômes, an de poser un diagnostic et d’évaluer le degré de gravité. Mais cette consultation permet aussi une véritable rencontre avec le patient [6]. Un projet thérapeutique À l’issue, une sorte de contrat s’établit entre le patient et son médecin. Il s’agit d’abord d’un projet à court terme : « il y a actuellement une pathologie, nous allons ensemble essayer de vous soigner ». Il peut exister des projets intermédiaires, comme des objectifs de consultation, une hiérarchisation des problèmes à régler. En médecine générale, il y a aussi un projet à plus long terme : le suivi du patient sur plusieurs années, et souvent même celui du reste de la famille. Dans cette continuité s’instaure un projet thérapeutique qui va dépasser la gestion de la consultation présente, qui va conrmer l’importance de la relation de soin établie, pour permettre une évolution du patient plus approfondie que celle limitée à un problème précis. Il s’agit de l’aider à accéder à l’espace d’autonomisation, ce que l’on ne peut imaginer dans le cadre d’une prise en charge ponctuelle. Un accompagnement psychologique Le médecin généraliste a une fonction spécique, il possède des outils propres à sa fonction. Il est donc en mesure de développer une thérapeutique, souvent appelée « psychothérapie de soutien du médecin généraliste ». Voici un extrait du rapport « Itinéraire des déprimés », dirigé par le Pr Parquet en février 2001 : • en dehors des thérapies structurées, il existe une théra- La dépression en médecine générale, une approche spécique ment de la dépression et cet accompagnement améliore l’observance médicamenteuse. La psychothérapie de soutien est implicite au rôle de médecin généraliste : sa formation et son expérience professionnelle le préparent à cela. Une revue de la littérature faite en 2000 en Angleterre [10] a recherché le noyau commun de toutes les psychothérapies. Elle a dégagé les éléments suivants : • l’établissement d’une relation thérapeutique positive basée sur une écoute active, une empathie authentique et un médecin concerné par la problématique ; • le développement d’une compréhension partagée de la problématique du patient ; • la promotion d’un changement comportemental, affectif ou émotionnel. Comme le rappelle Balint, le médecin engagé dans une démarche de psychothérapie « ne doit pas jouer au psychiatre » [11]. Mais il dispose d’un éventail très large de relations possibles, bien plus que dans toute autre branche médicale. « Dans le doute, ne vous hâtez pas, mais écoutez » (Balint). Les techniques spéciques en médecine générale Le médecin généraliste peut utiliser ces techniques dans la continuité, aussi bien au cours du suivi de ses patients dans le temps que lors des différentes phases de la consultation, en tenant compte de la famille et du milieu socioprofessionnel [7]. La directivité C’est une technique utile pour rassurer les patients qui se sentent maintenus dans un cadre protecteur. Elle est parfois nécessaire pour des personnalités immatures. Elle est souvent utile en début de prise en charge, lorsque le patient, à cause de sa maladie dépressive, régresse dans un espace primaire de dépendance. Les Anglo-Saxons utilisent le terme de counselling, que l’on peut traduire par « conseils directifs » ou « guidance ». Il s’agit en réalité de thérapies brèves [12] dérivées des psychothérapies structurées, nécessitant une formation courte, et réalisable par les médecins généralistes [13]. La stratégie de délivrance du conseil en médecine générale fait maintenant l’objet d’une standardisation des pratiques comme tout autre acte de soin [14]. 13 La suggestion Il s’agit d’une afrmation qui est médicale mais qui prend aussi une dimension « magique » du fait du transfert effectué. C’est l’effet « médecin/médicament », effet placebo par excellence décrit par Balint. Il faut bien sûr encore une fois s’adapter à la suggestibilité du patient, bien plus importante dans l’espace primaire. Elle peut aider à diminuer des plaintes somatiques fonctionnelles, ou à renforcer l’efcacité d’une prescription pharmaceutique. La reformulation Il s’agit d’exprimer le « ressenti » du patient, ses sentiments, son état d’esprit plutôt que le résumé des faits évoqués. Il faut le faire sous la forme d’un constat, en employant des expressions équivalentes à celles du patient. Il ne faut pas y ajouter d’expressions d’accord ou de désaccord et donc laisser au patient la responsabilité de ce qui est dit. Pour le médecin, cela permet de créer un climat de conance et d’acceptation, de s’assurer qu’il a bien compris le point de vue du patient et de le clarier si besoin est. Une fois ses propos reformulés par le médecin, le patient va trouver l’occasion de se réexprimer, développer ses idées, réduire l’écart entre ce qu’il a dit et ce qu’il veut dire, abandonner une éventuelle attitude défensive et ainsi arriver à se prendre progressivement en charge [6]. La réassurance Le médecin peut alors remettre les éléments dans leur contexte et aider le patient à prendre du recul face à la situation. Parfois, c’est par l’examen clinique que la réassurance est possible, le médecin montrant ainsi que le patient ne va pas si mal sur le plan somatique, tout en prenant ses plaintes au sérieux. Ce rapport au corps conjointement à l’expression psychologique est un privilège de la fonction de soin du médecin généraliste. La restauration de la conance en soi Le patient étant encadré, rassuré, va pouvoir reprendre conance en lui. Il s’agit du « renforcement du moi », décrit par Freud. Le médecin généraliste va accompagner le patient dans un changement comportemental et social, nécessaire à 14 taire du mal-être du patient et se retrouve investi du rôle de condent, de référent ou de « gure bienveillante », image maternante ou paternaliste décrite par Winnicott. Cette image est un réconfort ponctuellement lors d’un suivi d’une dépression, mais peut aussi rester une image récurrente, au l des années, véritable point de repère pour le patient qui sait qu’il peut à tout moment retrouver un espace d’expression libre et d’écoute empathique. Une formation spécique ? Nous avons décrit une partie des éléments utilisés, consciemment ou non, dans la prise en charge des patients dépressifs. L’« attitude psychothérapeutique » décrite par Balint [16] se construit, comme le reste du métier de médecin généraliste. Car si l’impact du médecin généraliste peut être positif, il peut aussi être négatif si l’on n’en maîtrise pas tous les enjeux. Selon Balint, la formation du médecin implique un « changement limité, bien que considérable, de la personnalité du médecin » [11]. Notons bien qu’il ne s’agit pas ni de « jouer au psychiatre », ni d’inventer des psychothérapies structurées spéciques. Il s’agit de prendre conscience de ce que l’on peut avoir comme impact sur le patient, et de s’en aider pour le bien de celui-ci, en maîtrisant les effets négatifs que cela peut avoir. P.-L. Druais générale, UFR Paris-Ile-de-France ouest, publié dans le manuel Les états dépressifs sous la direction de Michel Goudemand, édité par Médecine Sciences Publications, Lavoisier, en 2010. Liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] État des lieux Les données disponibles dans la littérature concernant l’accompagnement psychologique des patients déprimés en médecine générale sont relativement pauvres. Une étude récente [17], enquêtant sur les pratiques de prise en charge psychologique des patients dépressifs par les médecins généralistes, montre une nette homogénéité des pratiques, même s’ils n’ont pas forcément conscience des outils qu’ils utilisent. Ils effectuent au nal une prise en charge adaptée, personnalisée et complète des patients déprimés, même s’ils n’ont pas les mots pour la décrire. L’absence de cette compétence d’explicitation, qui n’entrave en rien la qualité de la prise en charge, semble responsable de la dévalorisation, imposée ou ressentie, à laquelle ils doivent parfois faire face. Ce travail est issu d’un article réalisé en collaboration [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] Ligori S. Utilisation des IRS en médecine générale. Thèse, Paris, 2002. AFSSAPS. Bon usage des médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles dépressifs et des troubles anxieux de l’adulte, 2006. Guyotat J. Psychothérapies médicales. Tome 1. Aspects théoriques, techniques et de formation. Paris, Masson, 1978, 226 p. Brusset B. Les psychothérapies. Col Que sais-je ? PUF 2003. Berland Y. Mission « démographie des professionnels de santé ». Paris. 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Jaafari INSERM U 1084, Experimental and Clinical Neurosciences Laboratory, Team Psychobiology of Compulsive Disorders, Poitiers, F-86022, France CIC INSERM U 802, Poitiers, F-86022, France Université de Poitiers, F-86022, France CHU Poitiers, France Unité de recherche clinique intersectorielle en psychiatrie du Centre hospitalier Henri-Laborit, France L’Organisation mondiale de la santé (OMS) rapporte que la dépression touche environ 121 millions de personnes dans le monde. L’OMS prédit que d’ici 2020, la dépression sera la première cause de handicap au niveau mondial. La prévalence vie entière de la dépression est de 5 à 15 % [1]. Des épisodes ultérieurs surviendront chez 50 % des patients ayant fait un premier épisode dépressif. La complication majeure d’une dépression est le passage à l’acte suicidaire. Le nombre de morts par suicide en France est de l’ordre de 12 000 par an, le nombre de tentatives serait 10 fois supérieur. La dépression multiplie par 30 le risque suicidaire et le décès par suicide survient dans 15 % des cas [2]. Le DSM-IV-TR dénit l’épisode dépressif majeur (EDM) par la présence d’au moins 5 symptômes sur 9, durant une période d’au moins 15 jours, parmi lesquels les 2 principaux concernent la tristesse de l’humeur et la perte d’intérêt ou de plaisir [3]. Fava et al., en 2003, ont estimé que 20 % de ces épisodes dépressifs se chronicisent (c’est- 2 antidépresseurs appartenant à 2 classes différentes prescrits à durée et à posologie efcaces. La notion de dépression résistante implique donc obligatoirement la notion d’intervention thérapeutique. Elle implique également d’écarter, par un bilan médical rigoureux, les facteurs de comorbidité médicale et/ou psychiatrique (troubles anxieux, troubles psychotiques, troubles de la personnalité, abus et dépendance aux substances, etc.) susceptibles de favoriser l’absence de réponse thérapeutique à un antidépresseur. L’objectif du traitement dans l’EDM est la rémission, dénie comme la quasi-absence de symptômes dépressifs ; or elle n’est pas fréquemment obtenue. En réalité, un des problèmes rencontrés dans la littérature est l’utilisation des différences de dénitions et d’outils d’évaluation de la réponse thérapeutique. Frank et al. ont proposé des dénitions des différentes modalités évolutives de l’EDM et des notions de réponse, de rémission, de rechute, de guérison et de récurrence [5]. La rémission partielle est 16 une amélioration d’une qualité sufsante pour que l’individu soit considéré comme asymptomatique. La guérison est une rémission complète pendant une durée sufsante (en théorie, 6mois). Une rechute dépressive se caractérise par la réapparition d’une symptomatologie dépressive après rémission symptomatique dans un délai de 6 mois. Un épisode dépressif survenant au-delà de cette période est une récurrence et correspond donc à un nouvel épisode dépressif après guérison. La notion de dépression résistante ne peut être retenue que si les différentes phases de traitement ont été bien conduites. Les 3 phases de prise en charge d’un patient dans le traitement des épisodes dépressifs majeurs sont [3] : 1) traitement d’attaque : cette phase a pour objectif d’induire une rémission symptomatique an que les patients ne répondent plus aux critères diagnostiques de l’EDM ; 2) traitement de consolidation : à cette phase, l’objectif est de consolider la rémission et d’empêcher la rechute, c’est-à-dire la réapparition du même épisode ; cette phase de traitement dure au minimum de 4 à 6 mois ; 3) traitement de maintenance : cette étape est réservée aux patients ayant déjà fait plusieurs EDM. En dépit d’un traitement bien conduit, 30 % des patients ne répondent pas à la médication antidépressive et nécessitent d’autres prises en charge. Thase et Rush ont proposé une classication dimensionnelle permettant de dénir plusieurs niveaux de résistance dénis en fonction du nombre d’essais d’antidépresseurs et de leur classe médicamenteuse [6]. Ces niveaux sont : • stade I : échec au moins d’un traitement adéquat par un antidépresseur d’une classe principale ; • stade II : résistance de stade I plus échec d’un traitement adéquat par un antidépresseur d’une classe différente de celle utilisée dans le stade I ; • stade III : résistance de stade II plus échec d’un traitement adéquat par antidépresseur tricyclique ; • stade IV : résistance de stade III plus échec d’un traitement adéquat par antidépresseur IMAO ; • stade V : résistance de stade IV plus échec d’une série d’ECT bilatérales. De nombreuses techniques de psychothérapies ont été utilisées dans le traitement de la dépression. Sagar et al., en 2009, rapportent que seules la thérapie cognitivocomportementale et la psychothérapie interpersonnelle ont N. Jaafari limitations et des effets secondaires de ces molécules. Ceci est très utile chez les patients qui ne répondent pas aux ISRS, aux ISRNA ou aux antidépresseurs tricycliques, ainsi que dans le traitement de la dépression atypique. Une étude récente a conclu que les IMAO, et particulièrement la phénelzine, demeurent le traitement de référence pour les dépressions résistantes [8]. La combinaison de 2 antidépresseurs de classes différentes pour traiter la dépression résistante est devenue une pratique courante. Rocha et al., en 2012, dans une revue systématique de la littérature, ont montré qu’une rémission totale est plus sûrement obtenue par l’association de 2 antidépresseurs que par l’utilisation d’un seul antidépresseur [9]. Ils considèrent que la meilleure association serait la combinaison de mirtazapine avec un ISRS. Ces auteurs proposent les associations suivantes : mirtazapine avec un ISRNA ; un ISRS avec le bupropion ; un antidépresseur tricyclique avec un ISRS ou le bupropion, ou la venlafaxine, ou la mirtazapine. L’association d’un antidépresseur avec un antipsychotique est une autre stratégie utile dans le traitement de la dépression résistante. L’utilisation d’un antipsychotique avec un effet antagoniste sur les récepteurs 5HT2a/5HT2c pourrait potentialiser l’efcacité des antidépresseurs. L’association la plus utilisée est la combinaison d’un ISRS avec un antipsychotique atypique [10]. La prise de poids et la sédation sont les effets indésirables fréquemment observés. D’autres associations médicamenteuses permettraient une potentialisation d’effet d’un antidépresseur, comme par exemple le lithium, la triiodothyronine et l’acide gras aminé oméga-3. La sismothérapie est un traitement efcace dans la dépression mélancolique avec une réponse thérapeutique comprise entre 80 et 90 %. Cependant, 30 à 40 % des dépressions résistantes (stade IV [6]) ne répondent pas à cette option thérapeutique et nécessitent une prise en charge par d’autres techniques thérapeutiques telles que la stimulation magnétique transcrânienne ou la stimulation cérébrale profonde [3]. Ces techniques basées sur le concept de la neuromodulation sont en cours d’évaluation. Dans la stimulation cérébrale profonde, les électrodes sont implantées dans le cerveau et contrôlées à l’aide d’un neurostimulateur placé sous la peau au niveau du thorax. Cette technique thérapeutique peu invasive, adaptable, réversible avec une faible morbidité, offre l’opportunité d’une approche thérapeutique novatrice, Avancées thérapeutiques dans la dépression résistante Liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] [2] [3] [4] Organisation mondiale de la santé 2012 : WHO. 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Mouaffak Service hospitalo-universitaire de santé mentale et de thérapeutique, faculté de médecine Paris-Descartes, université Paris-Descartes, Centre hospitalier Sainte-Anne, 7 rue Cabanis, 75674 Paris Cedex 14, France Introduction L’asénapine (Sycrest®) est un antipsychotique de deuxième génération (AP2G) qui vient s’ajouter à l’arsenal thérapeutique dans l’indication épisodes maniaques et mixtes dans le trouble bipolaire de type I (Rapport EMEA) [1]. Le trouble bipolaire de type I est une pathologie sévère et complexe qui touche 1 % de la population et se caractérise par la survenue d’épisodes dépressifs, mixtes et maniaques [2]. Depuis quelques années, les AP2G ont rejoint les thymorégulateurs (lithium, valproate de sodium) dans la prise en charge de cette maladie. Quelle place peut avoir l’asénapine par rapport à ces molécules ? Pour répondre à cette question, nous présentons une synthèse des données pharmacologiques et cliniques de tolérance et d’efcacité de ce nouveau produit. Pharmacologie Prol pharmacodynamique L’asénapine est un puissant antagoniste sur un cluster de récepteurs sérotoninergiques 5HT2a, 5HT2c, 5HT6, 5HT7c mais aussi dopaminergiques notamment D3, D2 et D4, adrénergiques alpha-2 et histaminergique surtout H1. L’afnité pour les récepteurs muscariniques est limitée [3]. L’afnité marquée pour les récepteurs sérotoninergiques rapproche l’asénapine de la clozapine, de la quetiapine et de l’olanzapine, molécules qui via leur action sur les récepteurs sérotoninergiques modulent la transmission dopaminergique [4]. L’antagonisme 5 HT1a combiné à l’antagonisme 5HT2a induit une augmentation de la libération de dopamine dans le cortex frontal du rat [5]. L’antagonisme de l’asénapine sur les récepteurs 5HT2C semble produire le même effet. La dynamisation de la transmission dopaminergique se traduit au niveau clinique par une amélioration des fonctions cognitives. L’action sur les récepteurs 5HT6 et 5HT7 pourrait être à l’origine d’une efcacité sur l’anxiété et la régulation de l’humeur [6]. Le blocage des récepteurs alpha-1 a été mis en rapport avec une amélioration des fonctions cognitives. L’antagonisme alpha-2 favorise la transmission noradrénergique, ce qui potentialise l’action procognitive, antidépressive et anxiolytique. L’absence d’antagonisme Nouveautés thérapeutiques dans le traitement du trouble bipolaire : l’asénapine 19 L’action antipsychotique optimale est associée à un taux d’occupation des récepteurs D2 de 65 à 80 % dans le striatum. Les études au PET scan ont montré qu’une concentration plasmatique à 2,2 ng/ml, qui correspond à une dose de 6 mg/j, est nécessaire pour réaliser une occupation à 75 % au moins des récepteurs D2. An d’obtenir un rapport efcacité/tolérance optimal, la posologie recommandée se situe entre 5 et 10 mg/j [8,9]. l’insu. Les patients sous olanzapine et asénapine ont été maintenus sous leurs traitements et les patients sous placebo ont reçu de l’asénapine et ont été inclus pour l’évaluation de la tolérance [12]. À 12 semaines, la non-infériorité de l’asénapine par rapport à l’olanzapine était démontrée dans la mesure où aucune différence signicative n’a été retrouvée dans l’évolution des scores à l’YMRS entre les 2 groupes. Pharmacocinétique Phase d’extension à 40 semaines Administrée par voie sublinguale, l’asénapine est rapidement absorbée avec un pic de concentration plasmatique entre 0,5 et 1,5 heure. La biodisponibilité est mesurée à 35 % après une prise de 5 mg. Elle chute à 2 % si le comprimé est avalé en raison d’un important effet de premier passage hépatique. L’absorption et la biodisponibilité sont également réduites en cas d’ingestion d’eau ou d’aliments dans les 10 minutes qui suivent la prise. L’asénapine possède un large volume de distribution et se lie fortement aux protéines plasmatiques (environ 95 %) [8]. Elle est initialement métabolisée par glucuronidation directe via l’UGT 1A4. L’oxydation est assurée par les isoenzymes du cytochrome P450 : CYP1A2 principalement, CYP3A4 et CYP2D6. Les métabolites, les N-glucuronide asénapine et N-desméthyl asénapine, sont inactifs. La demi-vie d’élimination est d’environ 24 heures [8]. Les voies hépatiques et rénales contribuent également à l’élimination de l’asénapine et de ses métabolites. Deux cent dix-huit patients ayant terminé la phase d’extension à 9 semaines sous olanzapine versus asénapine ont été inclus dans la phase d’extension de 40 semaines. L’analyse des données, au terme de l’étude, a montré l’absence de différence signicative (scores à l’YMRS) entre les 2 groupes. De même, les taux de rémission dans les 2 bras étaient comparables à 52 semaines [13]. Données cliniques dans le trouble bipolaire Études en monothérapie versus placebo Deux études, ARES 3A et 3B [10,11], ont comparé en double insu, pendant 3 mois, 3 groupes de patients souffrant d’un trouble bipolaire de l’humeur en phase maniaque ou mixte avec un score à la Young Mania Rating Scale (YMRS) 20. Neuf cent soixante-dix patients ont été randomisés pour recevoir de l’asénapine (10 mg, 2 fois par jour à J1, puis 5 à 10 mg, 2 fois par jour), olanzapine (15 mg/j à J1 puis 5 à 20 mg/j) ou placebo. Dès le deuxième jour de traitement, une amélioration Étude d’adjonction de l’asénapine à un thymorégulateur Les patients inclus dans cette étude, en phase maniaque ou mixte, étaient considérés comme non répondeurs au terme d’une séquence de traitement de 2 semaines au moins par thymorégulateur à dose sufsante [14]. Les patients ont été randomisés pour recevoir en plus du thymorégulateur de l’asénapine ou un placebo. À 3 comme à 12 semaines, l’amélioration du score à l’YMRS était signicativement supérieure dans le groupe asénapine + thymorégulateur. L’extension de cette étude à 40 semaines, dans le but d’évaluer la tolérance, n’a pas permis de retrouver une supériorité de l’association asénapine + thymorégulateur. Ce résultat est à nuancer car les effectifs à 52 semaines étaient de 13 patients dans chaque groupe. Analyse post-hoc L’analyse post-hoc des résultats des études ARES indique que l’amélioration des symptômes maniaques sous olanzapine ou asénapine est fortement corrélée aux taux de réponse et de rémission à 3 semaines [15]. Cette association est davantage marquée pour l’asénapine. Pour évaluer l’impact de l’asénapine sur la dimension 20 F. Mouaffak Tolérance [2] Les effets indésirables associés avec l’asénapine sont par ordre de fréquence : la sédation (9,1 %), la somnolence (8,4 %), l’akathisie (5,4 %), l’hypoesthésie orale (5 %) et la prise de poids (3,5 %) [9]. Bien tolérée au niveau neurologique, l’asénapine est associée à une incidence de 10 % de symptômes extrapyramidaux vs 4 % pour le placebo et 9,4 % pour l’olanzapine. L’incidence des dyskinésies tardives associées à l’asénapine est de 0,4 % vs 0,2 % chez les patients sous placebo [9]. Sur le plan métabolique, la prise pondérale, sous asénapine, est estimée en moyenne à 0,8 kg vs 3,5 kg sous olanzapine [13]. Le prol métabolique des patients traités par asénapine en monothérapie montre des différences marquées en faveur de l’asénapine versus olanzapine : les moyennes de cholestérolémie et de triglycéridémie sont 2 fois moins élevées dans le groupe asénapine par rapport au groupe olanzapine. L’incidence de l’hyperglycémie et du diabète est de 1 %. [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] Conclusion Les résultats des études cliniques sur l’efcacité et la tolérance de l’asénapine dans la prise en charge de la phase maniaque ou mixte du trouble bipolaire de l’humeur conrment l’intérêt suscité par son prol pharmacodynamique. L’asénapine constitue une option thérapeutique intéressante. Son action sur des récepteurs impliqués dans la régulation de l’humeur se traduit dans les études cliniques par un meilleur contrôle de la dimension dépressive. La tolérance métabolique constitue un avantage important par rapport aux autres AP2G. [14] Liens d’intérêts [15] [11] [12] [13] L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. [16] Références [1] EMEA. Assessment report Sycrest, 2010. Goodwin FK, Jamison KR. Manic-depressive illness: bipolar disorders and recurrent depression. Oxford University Press, USA, 2007. Shahid M, Walker GB, Zorn SH, Wong EH. 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Costentin Professeur émérite de pharmacologie ; directeur de l’Unité de neuropsychopharmacologie, CNRS (1984-2008) ; président de l’Association française de psychiatrie biologique (AFPB, 2000) ; directeur de l’Unité de neurobiologie clinique, CHU de Rouen (1999-2010) ; membre titulaire des Académies nationales de médecine et de pharmacie ; président du Centre national de prévention, d’études et de recherche sur les toxicomanies (CNPERT) On savait, dès 1845, grâce à Jacques-Joseph Moreau (de Tours) et son livre Du haschisch et de l’aliénation mentale, que le cannabis a des connivences avec les troubles psychotiques. Les problèmes sont devenus préoccupants avec la diffusion de cette drogue, l’accroissement de sa teneur en tétrahydrocannabinol (THC, son principe psychotrope majeur) et le rajeunissement des premiers usages. Cette situation a été désignée « pandémie cannabique ». Elle concerne particulièrement notre pays, puisque, nous sommes, parmi les 27 états membres de l’Union européenne, les plus gros consommateurs : avec 1 500 000 usagers réguliers et 600 000 usagers quotidiens (le plus souvent multiquotidiens). Outre sa toxicité somatique (cancérogenèse des sphères ORL et respiratoires, effet immunodépresseur, toxicité cardiovasculaire avec risque d’artérite, AVC, déclenchement d’infarctus, perturbations de la grossesse et troubles du développement psychomoteur de l’enfant, cancer du testicule, etc.), le THC a des effets psychiques délétères. Il engendre une dépendance psychique et physique ; perturbe la cognition ; induit anxiété, dépression, toxicomanies à d’autres drogues et, surtout, ce qui fera l’objet de notre exposé, a des relations avérées avec la schizophrénie. Les 2 alertes princeps à cet égard furent celle exprimée psychique de 50 000 conscrits suédois et qui constatèrent que ceux ayant fumé plus de 50 joints avant l’âge de la conscription avaient multiplié par 6 le risque de devenir schizophrène [2]. Cette cohorte, revisitée par Zammit et al. sur une plus longue période (15 ans), les t aboutir à des conclusions similaires, exprimant qu’une société sans cannabis compterait 13 % de schizophrènes de moins [3]. En France, sur les 650 000 cas de schizophrénie attendus (dont on ne connaît comme tels que 250 000), cela ferait près de 85 000 individus épargnés ! Depuis lors, des dizaines d’études épidémiologiques ont conrmé ces études séminales. Comment ne pas être surpris quand on sait que le THC induit intrinsèquement des délires, hallucinations, troubles de la perception, troubles de l’attention, décit de la mémoire de travail et de la mémoire épisodique qui sont consubstantiels à la schizophrénie [4] ! Il est montré une considérable surreprésentation de sujets dépendants au cannabis dans la population des schizophrènes, jusqu’à 60 % dans certaines études versus moins de 15 % dans la population générale. Les études ont montré que : • le premier épisode est souvent contemporain d’une consommation plus élevée de cannabis ; • la poursuite de la consommation de cannabis crée une 22 • l’agressivité est souvent reliée à la consommation de cannabis ; • l’antipsychotique perçu comme le plus efcace, la clozapine, était le seul à développer un antagonisme des récepteurs CB1 du cannabis… « Plus tôt l’essayer, c’est plus vite l’adopter et plus intensément se détériorer. » Ce raccourci exprime que la rencontre précoce avec la drogue accroît son pouvoir d’accrochage et que le cerveau de l’adolescent, en pleine maturation, peut mal vivre sa rencontre avec le THC. Dans l’étude d’Arsenault, 10 % des 1 000 sujets ayant commencé leur consommation de cannabis entre 12 et 15 ans étaient schizophrènes à 18 ans [5]. Évoquons les aspects mécanistiques de l’action du THC. Dans l’aire du tegmentum ventral (mésencéphale), la stimulation des récepteurs CB1 (récepteurs des endocannabinoïdes) accroît l’activité électrique des neurones dopaminergiques mésostriataux, ce qui perturbe le ltrage des stimuli, modiant leur tonalité et perturbant ainsi leur interprétation. De ce fait ,des stimuli normalement non signiants prennent une importance démesurée : « la tache rouge de l’extincteur se mue en un incendie dévastateur » ; c’est un des mécanismes des hallucinations. Cette stimulation des récepteurs CB1 accroît aussi l’activité électrique des neurones dopaminergiques mésolimbiques, suscitant les expressions positives de la schizophrénie (délire, hallucinations, agitation). La vulnérabilité que révèle le THC paraît procéder d’un trouble neurodéveloppemental (per gravidique, d’origine virale ?) affectant le système méso-cortical : elle est à l’origine d’une hypoactivité qui (par le jeu de boucles cortico-souscorticales, glutamatergiques) susciterait une hyperactivité des neurones mésolimbiques. Un facteur de vulnérabilité a été identié par la présence d’une enzyme impliquée dans le catabolisme de la dopamine, la catéchol-O-méthyltransférase (COMT) : la méthionine en position 158 étant remplacée par une valine. Caspi et al. ont montré que, comparés aux homozygotes Met-Met, les consommateurs de cannabis, hétérozygotes Val-Met ont un risque 2,5 fois plus élevé de développer une schizophrénie, et les homozygotes Val-Val, un risque multiplié par 10 [6]. La concentration de certains endocannabinoïdes est anormalement élevée dans le liquide céphalorachidien des schizophrènes [7]. J. Costentin Le système endocannabinoïde et ses médiateurs (anandamide, diarachidonoyl glycérol [DAG], noladin ether, N arachidonoyl dopamine [NADA], etc.) jouent un rôle important sur différents aspects de la maturation cérébrale (la prolifération des ramications cylindraxiles ou sprouting ; la synaptogenèse ; l’élagage des synapses non sollicitées par l’établissement d’une fonction ou pruning, etc.). Les récepteurs CB1 peuvent être désensibilisés lors de sollicitations produites par le THC qui, loin de mimer l’action des endocannabinoïdes, les caricature. Ils perturbent en particulier leurs rôles dans la maturation cérébrale, laquelle peut s’étendre jusqu’à l’âge de 20 ans [10,11]. Il appartient au monde médical, dût-il déranger les lobbies qui militent pour la légalisation du cannabis, d’exercer toute sa pédagogie pour empêcher nos adolescents de consommer cette drogue, pas douce du tout ! Liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. 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