descendant vers un port naturel. Au sommet, où se trouvait le château romain, un cloître fut édifié
qui, en souvenir, s'appela Santa Maria di Castelletto. Enceinte de remparts, la ville devint un
important port de commerce. Ayant largement distancé ou battu ses concurrentes, Amalfi et Pise,
Gênes établit des comptoirs dans tout le Levant et jusque sur la mer Noire. Les Génois,
richissimes, engoncés dans leur étroite ceinture de murailles, se firent alors construire des palais
de six à huit étages, ce qui, aux XIIe et XIIIe siècles, faisait de la ville le Manhattan de l'Europe.
Et parce que les grandes familles étaient surtout celles d'armateurs, l'utile rejoignit le futile,
chacun ayant à cœur, afind'apercevoir le retour des bateaux, de construire une tour plus haute que
celle des voisins. En témoignage de ce riche passé: la promenade couverte de la façade portuaire,
la Sottoripa aux étals qui sentent les épices et le poisson.
Devenue une république patricienne, Gênes fut alors le théâtre de dures luttes de pouvoir, d'abord
entre grandes familles, puis entre familles patriciennes et familles plébéiennes. L'épisode de
Simon Boccanegra, que Verdi sut magnifiquement mettre en scène, rappelle la violence de ces
luttes qui aboutirent, en 1339, à la mise en place d'un système politique compliqué – dominé par
un doge viager – qui remplaçait un système encore plus complexe de capitaines de la ville. De
cette époque, il reste le vieux palais capitanal et la tour qui en était la prison, les églises Saint-Cyr
et Saint-Étienne, ainsi que la superbe cathédrale gothique Saint-Laurent. De cette époque datent
aussi les châteaux forts que les grandes familles se faisaient construire dans leurs fiefs de la
montagne, sur le versant méditerranéen de l'Apennin ligure qui ne connaît jamais des hivers aussi
rigoureux que le versant piémontais et que réchauffe très vite un printemps précoce.
Des relations tumultueuses avec la France
Pendant près de deux cents ans, la ville connut un sort agité, suscitant les appétits des rois de
France Charles VI, Charles VIII, Louis XII et François Ier, ou des ducs de Milan, Visconti ou
Sforza. Ces troubles intérieurs firent que sa domination fut remise en cause par de nouvelles
puissances maritimes, les Catalans de Barcelone, Perpignan et Majorque, et, surtout, la république
de Venise. Quand Gênes perdit Famagouste de Chypre, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même,
détenant cependant toujours la ville de Galata qui faisait face à Constantinople. Mais, de la
domination française, elle avait gagné une institution, la banque de Saint-Georges, mise en place
par son gouverneur, le maréchal de Boucicaud. En effet, pour se maintenir, la République
contractait depuis toujours des emprunts auprès des particuliers. Tous les créanciers furent alors
regroupés dans cet établissement, à l'origine de toutes les banques du monde. Gênes avait
peut-être cessé d'être la reine des mers, elle allait devenir, jusqu'au début du XIXe siècle, la plus
importante place bancaire d'Europe.
La richesse de Gênes ne laissait pas indifférents les puissants du moment; ainsi, au XVIe siècle,
dans la lutte qui opposait François Ier à Charles Quint, la ville, conduite par un prestigieux chef de
guerre, Andrea Doria, se souleva contre les Français au cri de San Giorgio e Libertà. Grâce aux
Doria, dont les palais constituent à eux seuls un quartier et dont les sépultures emplissent à elles
seules l'abbaye de San Fruttuoso, isolée face à la mer, ce soulèvement de 1528 se traduisit par un
important changement politique. Gênes devint une république aristocratique, où la noblesse
ancienne s'accroissait de gens méritants, tous étant à la fois actionnaires de la banque
Saint-Georges et membres des Conseils. L'histoire de la ville ne cessa pourtant pas d'être troublée.
En 1684, la Superbe – laquelle avait attiré Van Dyck qui y laissa de nombreuses œuvres – subit de
la part de Louis XIV un bombardement qui, toutes proportions gardées, avait le même but que
celui d'Hiroshima: étudier les effets d'une nouvelle arme, la bombe explosive. La quasi-totalité de
la ville disparut à cette occasion. Cette catastrophe fut cependant une chance inouïe pour
l'architecture et l'urbanisme. Au XVIIIe siècle, les vieilles familles nobles habillèrent leurs palais
médiévaux de façades baroques. Mais l'exiguïté des rues n'était plus de mode et une nouvelle voie
fut tracée. Cette strada nuova fit l'admiration de l'Europe par la richesse de ses palais et de leur
décoration, auxquelles répondirent celles des églises où s'alliaient le style jésuitique et le baroque
austro-italien. Le doge lui même se fit édifier un somptueux palais sur les ruines du vieux palais
capitanal.
En 1748, Gênes connut un dernier sursaut contre l'occupant autrichien, dans une révolte menée par