Gênes, une République par Richard Flahaut Depuis des millénaires

Gênes, une République par Richard Flahaut
Depuis des millénaires, Gênes est une porte de communication entre la Méditerranée et les grandes plaines européennes, entre le
nord et le sud de l'Europe et entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Les marchands phéniciens et étrusques firent un bon choix lorsqu’ils
établirent vers 700 av.J.-C. leur avant-poste le plus septentrional dans la baie du Mandraccio. Ancien port ligurien, Gênes fut conquise
par les Lombards au VIIe siècle et mise à sac à plusieurs reprises par les Sarazins au Xe siècle. À partir du XIe siècle, souvent en
concluant des alliances avec d’autres cités États, les Génois renforcèrent leurs relations commerciales, passèrent maitres et
précurseurs de la construction navale, de la navigation et de la cartographie, des techniques industrielles et bancaires et de la
rédaction de contrats qui permettaient des partenariats et des investissements dans des affaires commerciales lucratives. De 1100 à
1500, cette baie fut le coeur d’une République Maritime dont l’empire colonial s’étendait des Colonnes d’Hercule à la mer Noire et les
marchands génois étaient puissants dans toute l’Europe, de Byzance à Bruges. Aux XIIe et XIIIe siècles, Gênes devint l’une des plus
grandes villes d’Europe, avec une population de quelque 100 000 habitants vers l’an 1300. Au XVe siècle, elle connut un certain déclin
et fut souvent gouvernée soit par les Français soit pas Milan. Elle connut deux apogées, tout d'abord de 1284 à 1381, militairement et
politiquement puis de 1550 à 1630 environ, financièrement cette fois. Les Génois ont une part considérable dans l'histoire de la
navigation et du commerce au moyen âge. Ils sont marchands et guerriers aux croisades, habiles en même temps à se ménager le
trafic avec les infidèles de l'Égypte et de la Mauritanie. Ils disputent l'empire de la Méditerranée aux Pisans et aux Vénitiens. Leurs
colonies brillent d'un grand éclat : celle de Péra tour à tour protège et fait trembler les empereurs grecs de Constantinople ; Caffa
domine à l'extrémité de la mer Noire. C'est d'une association de mariniers, premier rudiment de son organisation républicaine, qu'on
voit naître une noblesse purement domestique et municipale, mais bientôt illustre. Dès le Moyen Âge, Gênes devint une Libero
Comune, densément peuplée entre la mer et les collines. Politiquement, Gênes se caractérisait par un système de Contrade consortili,
correspondant aux quartiers urbains, les Alberghi, c’est-à-dire divisés en zones d’influences par famille noble. La critique de ce
système conduit à l’adoption d’un système rival de Dogi perpetui, qui resta en vigueur jusqu’en 1528. Gênes était une coterie de
familles se faisant la guerre dans leur ville, chaque famille possédant sa place, ses palais et son église. La cathédrale San Lorenzo
possède une façade est décorée de bandes blanches et noires. Elle retient une châsse en argent doré avec les reliques de Saint-
Jean-Baptiste rapportées de Terre Sainte à l’époque des croisades et le vase en verre vert considéré par la tradition comme étant le
Saint-Graal de la Cène.
La République de Gênes comprenait, en son temps, la Ligurie actuelle, la Corse et des colonies au Moyen-Orient, en Grèce, et en
Afrique du Nord, du XIIIe siècle à la fin du XVe, la mer Noire est une mer génoise, Caffa en Crimée est la plus importante des colonies
avec 80 000 habitants, il faut ajouter que les Génois ont fondé des colonies loin sur le Danube et de plus, ils contrôlaient les grandes
routes terrestres dans le cas ou la route des Détroits aurait été fermée. Ils s’imposent ensuite comme de brillants financiers, et,
banquiers de la monarchie espagnole, ils dominent l’Europe au XVIIe siècle, baptisé « siècle des Génois ».
Au Moyen Âge, Gênes était l’une des Républiques maritimes italiennes avec Venise, Amalfi et Pise. Suite aux Croisades, elle devint
pour plusieurs siècles la plus puissante de ces républiques. Les Génois parcourent l’ensemble du monde connu afin d’y nouer des
relations commerciales. Aux XIIe et XIIIe siècles, Gênes connaît une période de prospérité et de montée en puissance grâce à son
grand commerce (soie, épices, or, pierres précieuses, alun). La vie des institutions de la « Commune » est dominée par les rivalités
entre ses quatre grandes familles, les Fieschi, Grimaldi, Doria et Spinola. Gênes entreprend à la fin du Xe siècle, avec Pise, de
chasser les maures de Corse et de Sardaigne. Gênes écrase la flotte de Pise (1284) lors de la bataille de la Meloria, la plus grande
bataille navale du Moyen Âge. Gênes récupère, outre le port de Livourne, les droits de Pise sur la Corse et sur la Sardaigne. La
Sardaigne est abandonnée en 1320 aux Aragonais. Sa puissante flotte affronte également la Venise à plusieurs reprises, sans
qu'aucune des deux rivales ne puisse dominer l'autre. Les croisades apportèrent à Gênes une immense prospérité en transportant les
troupes chrétiennes outre mer. Les marins génois prirent une part considérable dans la prise de Saint-Jean d'Acre en 1191. Le
commerce génois s'avéra florissant dans le Sud des royaumes latins. En 1259, par le traité de Nymphée, les Génois obtinrent du
basileus Michel VIII Paléologue des avantages commerciaux considérables et le quartier de Galata, de l'autre côté de la Corne d'or. La
mer Noire devint le domaine réservé des Génois. Ceux ci s'assurèrent le contrôle des routes terrestres et du Danube dans le cas
la route des détroits serait inaccessible. Cette domination sans partage malgré les tentatives de Venise et de l'empire grec de
Trébizonde s'acheva an 1481 quand la population de Caffa ouvrit la ville aux assiégeants ottomans. La République de Gênes eut au
XIVe siècle un véritable empire maritime en Méditerranée et mer Noire. Gênes, qui a ainsi triomphé de Pise et de Venise, est alors à
l'apogée de sa puissance militaire. Gênes bat à nouveau Venise le 8 septembre 1298 devant Curzola, bataille remportée par Lamba
Doria, frère d'Oberto Doria, vainqueur de Pise à la Meloria. Une médiation du pape et de Charles d'Anjou amène les deux cités à
signer la paix de Milan en 1299, faisant planer sur Gênes toujours en proie aux luttes entre factions, l'ombre des Visconti. La paix de
Turin de 1381 voyait Venise remise en possession de tous ses privilèges à Constantinople et se faisait même reconnaître le droit de
commercer librement en mer Noire. Mais tandis que Venise plaçait comme suprême bien, l'indépendance et l'union des citoyens,
Gênes s'offrit aux différentes puissances étrangères, Visconti, France, puis Espagne, déchirée de l'intérieur par les luttes fratricides
des différentes factions, patriciens contre plébéiens, guelfes contre gibelins, Adorno contre Fregoso ou Campofregoso. En 1339,
Simon Boccanegra avait été acclamé premier doge de Gênes. Le doge, élu à vie devait être plébéien et de la faction gibeline. Le
grand adversaire de la cité n'est plus Venise, au XVe siècle, mais l'Aragon qui lui dispute la Sardaigne (perdue dès 1320) et la Corse,
et plus largement, la domination de la Méditerranée occidentale. Andrea Doria (1468-1560), un amiral génois renommé qui avait servi
des papes et plusieurs rois européens, construisit une flotte dont la puissance surpassa les corsaires de la Méditerranée. En 1528, il
établit une nouvelle division sociale et une constitution aristocratique à Gênes qui perdura jusqu’en 1798. Sous la direction de Doria,
une alliance avec l’Espagne autorisa les financiers génois à contrôler le commerce napolitain et espagnol et à recevoir de l’or du
Nouveau Monde. Andrea Doria en 1528, force Adorno et Fregoso à changer de nom et transforme les institutions. Andrea Doria offre à
sa cité l'indépendance. Il proclame la formation d'un unique corps civique et veille à supprimer les luttes de faction. Désormais la
république est aristocratique. Est noble ou patricien, tout homme de 18 ans révolus dont la famille a exercé des charges politiques
avant la révolte populaire de 1506. 400 nobles sont tirés au sort et forment le grand conseil, renouvepar quart tous les ans. Le petit
conseil ou Sénat de 100 membres est formé par tirage au sort au sein du grand conseil. La seigneurie est formée du doge, de deux
procurateurs et des gouverneurs, tous élus pour deux ans. Le pouvoir prend une forme collégiale. Organe très puissant de contrôle
des institutions, le syndicato est composé entre autre de deux censeurs. Le doge est de rang royal, il lui est interdit de sortir de la cité
pendant son mandat de 2 ans non renouvelable avant 10 années. Or on élit généralement des hommes fort âgés et seul Giacomo
Maria Brignole sera élu deux fois, en 1779 et 1795, il sera le tout dernier doge de la République. En 1528, la commune de Gênes
disparaît et devient une république, sérénissime en 1596. Cette république oligarchique ou aristocratique est composée de 28
alberghi, factions qui rassemblent les grandes familles de la noblesse génoise en près de 800 patriciens, telles que les Doria, Grimaldi,
Fieschi, Spinola, Sauli, de Ferrari, Brignole Sale, Lomellino, Balbi, Durazzo, Giustiniani, Pareto. Les Génois sont les principaux
banquiers de la Couronne d'Espagne, jusqu'à la banqueroute de Philippe II. (La Loggia dei Banchieri ou Loge des Banquiers,
l'ancienne Bourse). Mais ce génie des affaires ne se traduit pas en politique, et la République génoise est sans cesse le théâtre de
rivalités et de luttes intestines, de complots et de révoltes… En 1575 et 1576, se déroule la guerre civile génoise. Au début de la
république, la succession de « nouveaux nobles » (tels les Sauli, Brignole Sale) et d'« anciens nobles » (tel les Doria, Grimaldi,
Spinola, Centurione) fut respectée mais les « anciens nobles » accaparèrent rapidement le pouvoir. Les « nouveaux nobles »
s'enrichirent considérablement en commerçant le coton et la soie tandis que les « anciens nobles » s'adonnaient à la banque. Après
cette crise, anciens et nouveaux nobles se virent égaux et les alberghi disparurent. Au XVIIe siècle, la république soutient deux
guerres victorieuses contre la Savoie. À cette époque Gênes est une cité splendide qui mérite à nouveau son surnom de « la
Superbe », l'Orgueilleuse. Van Dick, Rubens... font les portraits de son riche patriciat. La population croît rapidement, 140 000
habitants en 1630, nécessitant la construction de la plus impressionnante muraille d'Italie, le nouveau mur, s'étirant sur 12 km et
protégeant la cité de tous côtés. Il fut édifié entre 1626 et 1639. La lutte En 1684, le doge de Gênes (Francesco Maria Imperiale)
commet l'erreur de défier Louis XIV en fournissant des galères à l'Espagne, ennemie de la France. Au même moment, il traite avec
désinvolture l'ambassadeur français François Pidou, chevalier de Saint-Olon. Sur ordre du roi, le marquis de Seignelay, intendant de la
marine, accompagné du lieutenant général des armées navales Abraham Duquesne, organise en mai 1684 une expédition punitive. La
ville subit un violent bombardement. Le gouvernement génois se limite désormais à assurer la sécurité et à prélever l'impôt tandis que
la haute classe dirigeante s'adonne au grand commerce et à la finance. Lors de la guerre de succession d'Autriche, les armées
noises tout juste réorganisées souffrent des défaites de la France. Gênes est dès lors occupée. En 1797, les armées de la
République française avancent en Italie et un comité jacobin proclame une République ligurienne à Gênes.
Le port comprend un symbole : La Lanterna, un des phares les plus anciens encore en fonction, haut de 117 mètres, il domine la ville
et la mer depuis le XVIe siècle. Autour, les Arsenaux construisaient les grandes galères vendues en Europe.
Entre le XVIème et le XVIIème siècle, de nombreuses familles firent appel à de grands artistes européens pour “personnaliser” les
églises de la ville : église San Siro, première cathédrale de la ville, église San Filippo, église de la Nunziata, église du Gesù et église
des Vigne qui conserve le campanile roman de la première église de 981 et montre une belle façade néo-classique. La piazza San
Matteo qui appartenait à la famille Doria, est bordée de palais recouverts de bandes blanches et grises et d’une très belle église dont
la façade est romano-gothique tandis que l’intérieur date du XVIème s. Les Strade Nuove et le système des palais des Rolli dans le
centre historique de Gênes (fin du XVIe et début XVIIe siècles) constituent le premier exemple en Europe d'un projet de
développement urbain dans un cadre unitaire et avec des plans spécialement divisés par une autorité publique, associé à un système
particulier d'hébergement public dûment réglementé. C’est dans ce contexte que se fit jour la nécessité de construire de nouvelles
résidences pour ces quelques familles extrêmement riches, des résidences capables d’accueillir des hôtes distingués tels que des
cardinaux, des gouverneurs ou des ambassadeurs visitant la ville. Ce besoin de représentation conduisit à la percée de la Strada
Nuova à partir de 1551, et la liste officielle (Rollo) des palais choisis pour une représentation officielle fut proclamée en 1576. La
typologie de ces palais aristocratiques se distingue clairement de celle de la période précédente du haut Moyen Âge, adoptant des
unités spatiales grandioses (vestibules, escaliers monumentaux, atriums, jardins) et une riche décoration intérieure de style de la fin de
la Renaissance et maniériste. Ce modèle a aussi été appliqué à d’autres parties de la ville. En raison de la déclivité du terrain, la
typologie des palais s’ajustait aux conditions spécifiques de chacune de leur implantation. Les édifices comportaient généralement
trois ou quatre étages, associant les halls d’entrée à de spectaculaires escaliers ouverts, des cours et des loggias surplombant des
jardins construits sur différents niveaux dans un espace relativement restreint. Du fait des contraintes, chaque palais possède sa
propre solution architecturale et un caractère particulier. La décoration commence presque toujours par la quadrature de la façade
ornée de fresques et/ou d’un décor de pierre, se poursuit à l’intérieur par des atriums, d’élégants escaliers, des couloirs et des galeries
décorés de fresques et de stucs. Les résidences de la Strada Nuova bénéficièrent de la maîtrise, de la créativité des artisans de
Lombardie et de l’art de vivre fastueux des riches banquiers génois. Ce style grandiose fut reproduit Via Balbi au début du XVIIe
siècle, les thèmes furent poussés à leur paroxysme. Les palais de Giacomo et Pantaleo Balbi (1618-1645) et celui de Agostino
Balbi (1618-1670) furent l’œuvre de l’architecte Bartolomeo Bianco. Le plus grandiose d’entre eux fut le palais de Stefano Balbi (1643-
1655), qui devint par la suite le Palais royal de la famille de Savoie. Strada Nuova retint à tel point l'attention du peintre et
ambassadeur Pierre Paul Rubens qu'il en fit un livre paru en 1622. Il existe aussi Le Palazzo San Giorgio (palais Saint-Georges, siège
de la banque fondée en 1407), Le Palazzo Ducale (palais des Doges), Le Palazzo Bianco, Le Palazzo Rosso, Le Palazzo Grimaldi-
Doria Tursi, Le Palazzo della Meridiana. Le Palazzo Doria del Principe appartient à la famille Pamphili, monument du XVI° siècle le
plus important de la ville de Gênes. Il était le demeure d'Andrea Doria, amiral de l'empereur Charles V, qui voulait un palais montrant
son pouvoir par ses dimensions et sa richesse. On doit les fresques qui décorent le bâtiment à Perino del Vaga, collaborateur de
Raphaël. Il emprunta ainsi à l'histoire romaine et à la mythologie pour célébrer la figure de Doria. Outres les fresques et les riches
tapisseries (dont le cycle de la bataille de Lepante dessiné par le peintre Luca Cambiaso), on peut voir le portrait de d'Andrea Doria
par Sebastiano del Piombo, peint en 1526, ainsi que le portrait d'Andrea en dieu de la mer de Bronzino. Les édifices religieux sont
importants : Le Duomo di San Lorenzo (cathédrale St-Laurent) était conservé le Sacro Catino, L'église de Gesù e dei Santi
Ambrogio et Andrea (Circoncision de Rubens, retable du maître-autel), La Basilica della Santissima Annunziata del Vastato
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