métastatique) dans le cancer du sein HER2+ oblige les
patientes à des venues régulières à l’hôpital, ce qui va avoir
des conséquences sur leurs habitudes de vie.
Àl’inverse, la durée des séjours hospitaliers s’est considé-
rablement raccourcie au fil des années ; la quasi-totalité des
traitements sont réalisés en ambulatoire en hôpital de jour
(HJ), ce qui limite le temps des échanges entre les patientes
et les soignants. La présence de la patiente à l’hôpital se
résume à la durée de l’acte technique (perfusion)…et parfois
surtout à l’attente en HJ !
Il importe donc de réfléchir à la façon dont les protago-
nistes de cette relation vont pouvoir gérer cette évolution.
Les patientes font valoir leur souhait de minimiser le temps
passé à l’hôpital, mais attendent que ce temps soit utilisé au
mieux (limitation du temps d’attente, disponibilité et écoute
des équipes) [2]. Cette attente légitime à titre individuel peut
s’avérer difficilement compatible avec les exigences organi-
sationnelles de l’établissement et la nécessité d’être dispo-
nible pour tous les patients ; la nécessité de prioriser le col-
lectif peut alors entrer en compétition avec les exigences
individuelles…
Le psycho-oncologue
Le temps « perçu » est une composante de l’état émotionnel
comme le rapporte le travail de Wittmann et al. conduit à
Munich [3]. Cette équipe a proposé à des patients hospitali-
sés (88 patients) en oncohématologie de donner leur estima-
tion en minutes pour une période de temps délimitée par
deux sonneries successives (dans l’expérience décrite, un
temps de 13 minutes) ainsi que plus globalement, leur
manière de le vivre dans ce contexte hospitalier. On recueil-
lait en outre les scores de divers questionnaires d’autoéva-
luation : QOL, psychologie, douleur…Les résultats indi-
quent que l’estimation de la durée est en moyenne un peu
plus « longue » que le temps « réel » (16,5 minutes) et que
son « ressenti » est évalué de manière mitigée (5.01, pour
une EVA O –10). La surestimation de la durée est plus
importante chez les 20 % de personnes dont l’autoévaluation
pour l’anxiété est supérieure à l’HADS (considéré donc
comme sévère), mais le temps passé n’est alors pas plus
mal vécu. Par contre, le temps passe plus « vite » (durée
estimée et satisfaction) lorsque les scores de QOL sont plus
favorables sur le plan des émotions et de la spiritualité
(FACT). On peut être surpris que les scores de dépres-
sion (18 % du groupe) et même de douleur n’aient, eux,
pas d’influence sur ces deux types de résultats.
Les neurosciences grâce aux enregistrements par Pet-
Scan montrent comment la diversité des temps « perçus »
relève de structures cérébrales distinctes : le temps de
l’attente dit « temps implicite », celui pendant lequel on se
prépare à une situation anticipée participerait d’une activité
importante surtout au niveau du cervelet, alors que la durée
estimée d’une action en cours, dite « temps explicite »,
répondrait plutôt de l’activation de zones corticales motrices
et visuelles ainsi que de l’hippocampe (fonction de mémori-
sation). Anderson et al. [4] explorent cette dimension sub-
jective de l’attente en s’efforçant de corréler la « Satisfac-
tion » de patients en soins ambulatoires, selon deux
paramètres : durée de l’attente et durée de la consultation
médicale ! Lorsque la consultation avec le médecin a duré
plus de 30 minutes, les scores de satisfaction sont très élevés
quel que soit le temps de l’attente. Même quand il a été dans
ce cas de plus d’une heure, le score de satisfaction reste au
moins égal à la situation où l’attente mais aussi la consulta-
tion se limitent chacune à 30 minutes !…Pour une consul-
tation de moins de 15 minutes, il faudra que l’attente soit
inférieure à 15 minutes pour que la satisfaction soit supé-
rieure à ce timing des 30 minutes.
Si on accepte de considérer le temps perçu, « décompté »,
comme une perception sans « organe » unique, mais très
influencée par des processus attentionnels et les émotions,
peut-être se sent-on dès lors moins à sa merci et retrouve-
t-on une « liberté » que l’organisation des soins pourrait
exploiter ? Une réflexion sur des notions comme celle de
« rythme » encouragerait les soignants à s’engager dans la
relation de soins sans cette crainte si fréquente : « On n’a
jamais le temps…!»
C’est en effet ce qu’expriment les infirmières dans une
enquête récente menée au sein d’HJ dans divers établisse-
ments français (enquête « Temporelles » : 630 infirmières,
dont 64 % travaillant uniquement en HJ) [5]. Elles sont très
satisfaites de cette affectation aux soins ambulatoires, que
pour la plupart elles ont choisie et qui leur permet de suivre
leurs patientes sur de longues périodes avec la possibilité de
créer de vraies relations (c’est l’avis de 66 % d’entre elles),
mais elles se disent frustrées de ne pas avoir selon elles assez
de temps à leur consacrer. C’est la dimension d’écoute et de
soutien psychologique aux patientes qui leur paraît la moins
bien accomplie. Elles ne sont que 46 % à en être satisfaites,
alors que pour ce qui concerne les soins infirmiers et l’infor-
mation délivrée à propos des médicaments et des risques
d’effets secondaires, 80 % le sont !
Dans cette même enquête, la satisfaction des patientes est
en parallèle recueillie (4 000 patientes traitées pour cancer
du sein et ayant accepté de répondre anonymement aux
autoquestionnaires mis à leur disposition). Ces femmes, dont
30 % ont moins de 50 ans, continuent à travailler dans 13 %
des cas et élèvent des enfants encore jeunes pour plus de
20 % d’entre elles, passent au moins deux heures (80 %
des cas) et parfois jusqu’àplus de cinq heures à l’HJ, quand
elles y viennent pour leur soin ! Dans 30 % des cas, elles
attendront l’administration du traitement plus d’une heure.
Néanmoins, la majorité ne considère pas ce temps passé à
l’hôpital comme trop contraignant même si le temps
d’attente lié à la préparation des traitements est jugé trop
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