Le droit de préemption, une arme à double tranchant

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Le droit de préemption, une arme à double tranchant
Le droit de préemption est la faculté en vertu de laquelle une personne (le
préempteur) peut exiger d'une autre personne (le promettant) le transfert de la
propriété d'une chose, dans l'éventualité où le promettant vend cette chose à un
tiers.
Dans le cadre de la propriété par étages, la loi ne prévoit pas un tel droit ce qui
signifie que chaque propriétaire d'unités d'étages peut en principe vendre librement
son appartement sans devoir consulter les autres copropriétaires.
Il est à noter que les copropriétaires ordinaires bénéficient de par la loi d'un tel droit
de préemption (art. 682 CCS).
Bien que la loi ne prévoit pas un tel droit de préemption dans les dispositions
régissant la propriété par étages, il est néanmoins possible de créer un tel droit
conventionnellement.
Bien que peu fréquentes dans la pratique, certaines PPE sont dotées d'un tel droit
au bénéfice de toutes les unités d'étages, créé dans l'acte constitutif de la PPE voire
ultérieurement.
Dans le cadre de la PPE, un droit de préemption concédé à tous les propriétaires de
l'immeuble, bien qu'il puisse être ressenti comme un avantage de prime abord, peut
engendrer de graves problèmes, selon les circonstances, en cas de vente d'une
unité d'étages.
En effet, la loi taxe de nullité toute renonciation à l'exercice du droit de préemption
qui aurait été sollicité auprès des autres propriétaires d'appartements avant la
survenance du cas de préemption soit en l'espèce la signature de l'acte de vente
devant l'officier public.
La loi prévoit de surcroît qu'il appartient au vendeur d'informer (après la signature de
l'acte) les autres copropriétaires de la conclusion de la vente en communiquant à
ces derniers tous les éléments essentiels du contrat.
Ce n'est qu'à partir de ce moment que les autres copropriétaires peuvent
valablement renoncer à l'exercice de leur droit, la loi prévoyant toutefois que ces
derniers disposent d'un délai de trois mois pour faire connaître leur détermination.
De telles exigences peuvent engendrer de très fâcheux effets si certains
propriétaires d'appartements vivent en situation conflictuelle.
En effet, il n'est pas rare de constater qu'en pareille situation, le titulaire belliqueux
d'un droit de préemption saisisse l'opportunité d'une vente pour adopter des
procédés chicaniers à l'égard du vendeur.
Dans la mesure où la renonciation au droit de préemption ne peut valablement être
souscrite avant la signature des actes, cela signifie que le vendeur devra dans un
premier temps informer l'acquéreur potentiel de l'existence du droit de préemption en
attirant son attention sur le fait qu'il devra mener jusqu'à ce son terme le processus
d'acquisition (démarches bancaires, obtention d'un crédit hypothécaire, démarches
auprès des fonds LPP, établissement des actes notariés, etc.) et prendre le risque
qu'un autre copropriétaire pourrait en vertu de son droit de préemption se porter
acquéreur en priorité dans un délai qui peut atteindre trois mois après la signature
des actes.
Une telle situation, qui n'est pas à exclure, en particulier dans les PPE comprenant
plusieurs unités, peut placer le vendeur dans une situation délicate compte tenu de
l'incertitude qui va planer sur la conclusion de la vente en faveur du tiers acquéreur.
En effet, ce dernier est également placé dans une situation d'incertitude qui pourrait
l'amener à porter son choix sur un autre objet non grevé d'un tel droit de préemption.
Si, sur le fond, la conclusion d'un droit de préemption conventionnel n'est pas à
écarter d'emblée, encore convient-il d'en mesurer les effets qui peuvent s'avérer
particulièrement pervers pour le propriétaire grevé, singulièrement dans des
situations conflictuelles à l'intérieur de la PPE.
Gérard L'Héritier, av. et not.
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