L’évolution du cerveau des primates a conduit,
chez l’homme, à une augmentation de volume du
cortex frontal, à la latéralisation fonctionnelle des
hémisphères et à un retard dans la maturation
cérébrale, celle-ci se poursuivant largement après
la naissance. Au niveau des populations
neuronales, le cerveau humain se différencie peu
de celui de nos ancêtres mammaliens. La seule
exception marquante est la présence des neurones
de Von Economo, qui sont de grands neurones
bipolaires de projections caractéristiques des
grands singes et de l’homme. Ces neurones
présentent une arborisation dendritique simplifiée
et forment de petits groupes orientés
perpendiculairement à la surface du cerveau. De
façon paradoxale, ils sont plus nombreux dans les
régions considérées comme phylogénétiquement
anciennes, tels les cortex cingulaire antérieur et
fronto-insulaire. Leur taille et le nombre de
groupes augmentent avec la montée évolutive.
Leur population atteint le nombre adulte à l’âge de
quatre ans. Comme ils sont plus nombreux dans
l’hémisphère droit, il a été proposé qu’ils
joueraient un rôle dans les processus sociaux et
émotionnels qui distinguent les hominidés des
autres primates.
Deux études récentes permettent de mieux
appréhender les processus neurodégénératifs
impliqués dans deux formes de démence parmi les
plus répandues : la maladie d’Alzheimer et la
démence fronto-temporale. La démence fronto-
temporale est une maladie sporadique
neurodégénérative qui apparaît après 60 ans. Elle
est caractérisée par une détérioration progressive
des fonctions gérées par l’hémisphère droit dont en
particulier les comportements sociaux et
émotionnels, l’empathie, le jugement moral, et la
« théorie de l’esprit ». Elle est accompagnée par
une dégénérescence focale manifeste des cortex
cingulaire antérieur et fronto-insulaire droits.
L’examen neuropathologique réalisé chez 7
patients atteints de démence fronto-temporale
montre que cette dégénérescence résulte d’une
réduction de 74% des neurones de Von Economo
dans ces régions, tandis que les neurones de la
couche 5, voisins, ne sont pas significativement
touchés. Un tel phénomène n’est pas observé dans
ces cortex chez les patients Alzheimer qui
montrent une détérioration modérée, non
significative comparée à celle des témoins
indemnes de troubles neurologiques lors de leur
décès. Ces neurones pourraient donc représenter la
cause de cette forme de démence du fait de leur
position-clé dans les liaisons entre les régions
fronto-temporales, limbiques et striées. Le fait que
ces neurones possèdent des récepteurs pour la
dopamine, la sérotonine et la vasopressine ouvre
des pistes thérapeutiques possibles pour pallier les
symptômes pathologiques.
Une seconde étude par RMN confirme un
processus d’atrophie de la circonvolution
cingulaire, plus marqué chez les patients atteints
de démence fronto-temporale (8,6% par an) que
chez les patients Alzheimer (5,9% par an). La
même différence (5,2% vs 3,4% par an) est
observée au niveau de l’hippocampe. L’atrophie
touche préférentiellement la région cingulaire
antérieure dans les cas de démences fronto-
latérales et postérieure dans les cas d’Alzheimer.
Cette différence pourrait aider au diagnostic
différentiel entre les deux maladies.
Af 471-2007 ©2007 Successful Aging SA
La dégénérescence du cortex cingulaire est plus marquée
dans la démence fronto-temporale que dans la maladie
d’Alzheimer.
Philippe van den Bosch de Aguilar,
Université Catholique de Louvain, Louvain la Neuve
Seeley WW, Carlin DA, Allman JM, Macedo MN, Bush C, Miller BL, DeArmond SJ. Early frontotemporal dementia
targets neurons unique to apes and humans. Ann. Neurol. 2006;60:660-667. Barnes J, Godbolt AK, Frost C, Boyes RG,
Jones BF, Scahill RI, Rossor MN, Fox NC. Atrophy rates of the cingulate gyrus and hippocampus in AD and FTLD.
Neurobiol Aging. 2007;28:20-28.