DOSSIER
58Neurologies • Février 2012 • vol. 15 • numéro 145
TROUBLES DÉPRESSIFS DANS LES PATHOLOGIES NEUROLOGIQUES - 2e PARTIE
QUEL PRONOSTIC ?
Globalement, et quelle que soit
l’évolution de l’épisode dépres-
sif lui-même, la présence d’une
dépression post-AVC doit être
considérée comme un facteur de
mauvais pronostic au décours d’un
AVC (11). En eet :
• la mortalité est multipliée par 3,5
par rapport à celle de patients sans
dépression ;
• le délai de récupération et l’im-
portance des séquelles sont ac-
crus ;
• la qualité de la vie est significati-
vement réduite (avec poids accru
porté par l’entourage).
Il reste à déterminer si la mise en
route d’un traitement précoce de
la dépression pourrait influencer
ce pronostic défavorable.
LE TRAITEMENT
En 2005, Hackett et al. ont publié
une revue systématique sur les
essais thérapeutiques contrôlés
menés pour traiter ou prévenir la
dépression post-AVC (12). Les cri-
tères de jugement étaient claire-
ment disponibles pour 7 études sur
le traitement (n = 615) et 9 études
de prévention (n = 479). Si les trai-
tements ont permis de réduire cer-
tains symptômes dépressifs, il n’a
pas été clairement démontré un
eet de rémission sur la maladie
dépressive dans les groupes traités.
Les études de prévention n’ont
pas apporté de résultats plus pro-
bants. Les résultats les plus encou-
rageants ont été observés avec les
inhibiteurs sélectifs de la recapture
sérotoninergique, en grande partie
du fait d’eets secondaires peu si-
gnificatifs ou absents.
En 2009, le Cochrane Stroke Group
retenait 16 études de traitement
de la dépression post-AVC (13),
avec un bénéfice des médicaments,
toutes classes thérapeutiques
confondues (OR : 0,47 ; IC 95 % :
0,22-0,98), mais au prix d’une aug-
mentation également significative
des eets secondaires enregistrés
(0R : 1,96 ; IC 95 % : 1,19-3,24). Les
auteurs recommandent une grande
prudence dans l’utilisation des trai-
tements antidépresseurs après un
AVC, par crainte notamment de
crises épileptiques, de chutes et de
confusion chez ces patients fragili-
sés (13).
Postérieurement à cette revue,
l’essai multicentrique français
FLAME (n = 118) a montré pour la
première fois une augmentation
à 3 mois du score moteur (Fugl-
Meyer Motor Score) sous fluoxé-
tine 20 mg par jour, soit une amé-
lioration significative du critère de
jugement principal (14). En outre,
le taux de patients ayant un score
de Rankin inférieur à 3 donc cor-
respondant à une autonomie pré-
servée (critère de jugement très
souvent utilisé dans les études
thérapeutiques en neurovascu-
laire) s’est avéré très significative-
ment augmenté sous fluoxétine :
26,3 % contre 8,9 % (p = 0,015).
Toujours dans le groupe traité, il a
été enregistré une baisse significa-
tive de patients étiquetés dépres-
sifs (p = 0,002) et une réduction
de 3 points (p = 0,032) du score de
la MADRS. Si les résultats de cet
essai mené selon une méthodolo-
gie rigoureuse sont confirmés, ils
pourraient ouvrir la voie à de nou-
veaux traitements visant à agir sur
la plasticité cérébrale (donc la ré-
cupération post-AVC) en parallèle
à la dépression post-AVC. n
Correspondance :
Pr Mathieu Zuber
Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph
Service de Neurologie
et Neurovasculaire
185, rue Raymond Losserand
75674 Paris Cedex 14
Tél. : 01 44 12 34 09
Fax : 01 44 12 32 95
E-mail : mzuber@hpsj.fr
Mots-clés :
Accident vasculaire cérébral, Dépres-
sion, Comorbidité, Epidémiologie,
Echelles diagnostiques, Anhédo-
nie, Troubles du langage, Facteurs
favorisants, Pronostic, Prévention,
Traitement, Antidépresseurs, Inhibi-
teurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine, Fluoxétine
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