UTILISATION ET PRECAUTION D’EMPLOI DES AINS
Professeur Philippe BERTIN,
Chef de Service de Rhumatologie, CHU Limoges
Octobre 2009
Objectifs pédagogiques :
1°) Connaître les mécanismes d’action des AINS
2°) Connaître les principales indications thérapeutiques des AINS
3°) Connaître les règles pratiques d’utilisation des AINS
4°) Connaître les principaux effets indésirables des AINS
5°) Connaître particulièrement les effets indésirables digestifs et cardiovasculaires des AINS
Mise au point :
Si les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) représentent la classe thérapeutique la
plus prescrite au monde, il n’en reste pas moins responsables des effets indésirables les plus
fréquents, parfois graves, avec en premier lieu les complications digestives mais aussi cardio-
vasculaires.
A) Mode d’action des AINS :
Les AINS inhibent les cyclo-oxygénases de type 1 et 2 comme représenté dans le schéma N° 1.
Phospholipides membranaires
Phospholipase A2
Acide arachidonique
Θ Θ Θ
Cox1 AINS Cox2 Coxib
constitutive inductible
Prostanoïdes physiologiques Prostanoïdes inflammatoires
• muqueuse gastrique
• plaquettes (TA2)
• rein
• SNC
• appareil reproducteur
Schéma N° 1 : Action des AINS et des coxibs sur le métabolisme de l’acide archidonique.
L’inhibition de la cyclo-oxygénase de type 2 permet de réduire la synthèse des prostanoïdes
inflammatoires et confère donc aux AINS leur propriété anti-inflammatoire et antalgique.
L’inhibition de la cyclo-oxygénase de type 1 réduit la synthèse des prostanoïdes physiologiques et
entraîne donc des effets collatéraux sur la muqueuse gastrique, l’agrégation plaquettaire mais
aussi sur le rein, le système nerveux central et l’appareil reproducteur.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens inhibent à la fois la Cox2 et la Cox1 avec un rapport
d’inhibition Cox1 – Cox2 variable, les coxibs ayant une action préférentielle sur la Cox2.
La classification chimique des AINS n’a pas de grande répercussion sur leur prescription
même s’il existe quelques spécificités propres à chaque famille :
les pyrazolés : la phénylbutazone est la seule molécule encore disponible. Le risque
d’agranulocytose limite sa prescription dans la spondylarthrite ankylosante et pour des durées de
prescription courte.
les indoliques : le chef de file étant l’indométacine, cette famille d’AINS est surtout
marquée par la fréquence des effets indésirables neurosensoriels (céphalées, vertiges,
étourdissements).
les arylcarboxyliques : cette classe d’AINS regroupe de nombreuses molécules dont les
propioniques dont une des caractéristiques est d’avoir un effet antalgique important à la fois
périphérique et central.
les oxicams : caractérisés par une demi-vie plasmatique très longue. Le piroxicam, qui en
est le chef de file, a vu ses indications se restreindre lors de la recommandation de l’Agence
Européenne du Médicament de juin 2007, du fait de sa toxicité digestive et cutanée. Il est
recommandé de ne l’utiliser que dans le traitement symptomatique de l’arthrose, la polyarthrite
rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante, en deuxième intention, à la dose la plus faible
possible, pour la durée la plus courte possible sans dépasser 14 jours de prescription initiale.
les coxibs : classe récemment individualisée d’AINS, caractérisée par sa spécificité
d’inhibition sur la cyclo-oxygénase de type 2, dont les effets cardio-vasculaires ont conduit au
retrait d’une molécule (rofécoxib) et la restriction d’utilisation d’une autre molécule le célécoxib.
B) Principales indications des AINS :
Chaque molécule a des indications qui lui sont propres mais de façon très générale il est
possible de résumer les indications de la façon suivante :
ª indications rhumatologiques :
- traitement de courte durée : poussées congestives d’arthrose, pathologies
microcristallines, pathologies abarticulaires, pathologies rachidiennes et radiculaires,
rhumatologie et traumatologie sportive
- traitement prolongé : rhumatismes inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde,
spondylarthropathie, maladie systémique).
ª autres indications :
- néonatologie (fermeture du canal artériel)
- douleurs ORL et stomatologiques
- douleurs traumatologiques
- dysménorrhées
- coliques néphrétiques
- douleurs cancérologiques
ª indications en fonction de la voie d’administration :
La voie orale est la voie préférentielle de l’administration des AINS ce d’autant que leur
biodisponibilité est excellente (supérieure à 90 %).
Les AINS par voie locale (pommade et gel) sont habituellement proposés dans le cadre de
pathologie abarticulaire (tendinite superficielle) et de certaines formes d’arthrose digitale, et des
pathologies douloureuses traumatiques.
Les AINS par voie intra musculaire peuvent être proposés dans certaines pathologies aiguës
(lombalgie aiguë, sciatique, névralgie cervico-brachiale). Il s’agit alors de traitement de courte
durée (durée maximum 48 heures) relayé par voie orale.
Les AINS par voie intra-veineuse : à l’heure actuelle un seul produit est utilisé sous IV lente
ou sous forme de perfusion dans le cadre d’une surveillance hospitalière : il s’agit du kétoprofène,
utilisé dans les pathologies aiguës telles que les poussées de rhumatisme inflammatoire, les
sciatiques hyper-algiques, les névralgies cervico-brachiales et la colique néphrétique.
ª indications selon la dose : certains AINS sont utilisés à faible dose pour leur propriété
antalgique et sont commercialisés comme des antalgiques souvent en automédication. Il s’agit de
l’ibuprofène, du fénoprofène et du naproxène. Il reste néanmoins des AINS avec tout leur
potentiel de complications et leurs précautions d’emploi.
C) Utilisation pratique d’un AINS :
Le choix d’un AINS peut dépendre de multiples facteurs tels que la pathologie pour laquelle
il est prescrit, les facteurs de risque du patient chez qui il va être prescrit, les caractéristiques de
tolérance spécifique à chaque molécule, les spécificités galéniques, la demi-vie ; néanmoins le
choix d’un AINS est habituellement arbitraire, reposant sur l’opinion du prescripteur sur le rapport
efficacité tolérance de telle ou telle molécule.
Les grands principes de prescription des AINS sont résumés dans le tableau N° 1
Il n’y a pas lieu de poursuivre un traitement par AINS lors des rémissions complètes des
rhumatismes inflammatoires chroniques en dehors des périodes douloureuses dans les
rhumatismes dégénératifs.
Il n’y a pas lieu de poursuivre un traitement par un AINS au-delà d’une période d’une à deux
semaines et sans une réévaluation clinique dans les lombalgies aiguës et/ou les lombosciatalgies
aiguës et dans les rhumatismes abarticulaires en poussée.
Il n’y a pas lieu d’associer un anti-ulcéreux au traitement par un AINS sauf chez les sujets
à risque digestif pour lesquels cette association constitue l’une des précautions possibles.
Il n’y a pas lieu, car dangereux, de prescrire un AINS à partir du 6ème mois de la grossesse, sauf
indications obstétricales précises.
Il n’y a pas lieu de prescrire un AINS à des doses supérieures aux doses recommandées.
Il n’y a pas lieu de prescrire un AINS par voie intramusculaire (**) au-delà des tout premiers jou
de traitement, la voie orale prenant le relais.
Il n’y a pas lieu d’associer un AINS par voie générale à l’aspirine prise à doses supérieures à
500 mg/jour ou de l’associer à un autre AINS, même à doses antalgiques.
Il n’y a pas lieu, car généralement déconseillé en raison du risque hémorragique, de prescrire un
AINS à un patient sous antivitamine K, ou sous héparine ou ticlopidine.
Il n’y a pas lieu, surtout chez le sujet âgé, en raison du risque d’insuffisance rénale aiguë, de
prescrire un AINS chez un patient recevant un traitement conjoint IEC-diurétiques, sans prendre
les précautions nécessaires.
Il n’y a pas lieu d’associer un traitement AINS à la corticothérapie, sauf dans certaines maladies
inflammatoires systémiques évolutives (cas résistants de polyarthrite rhumatoïde, lupus
érythémateux disséminé, angéites nécrosantes…).
* : à dose anti-inflammatoire.
** : La voie parentérale ne diminue pas le risque digestif, comporte des risques spécifiques et n’est pas plus efficace
au-delà de ce délai.
Tableau N° 1 : Références médicales opposables (RMO) concernant les AINS.
ª Les règles essentielles de la prescription des AINS sont les suivantes :
1°) toujours s’assurer du bien fondé de la prescription et se poser la question d’éventuelles
alternatives thérapeutiques.
2°) rechercher les facteurs de risque de toxicité digestive, rénale et cardio-vasculaire.
3°) évaluer les co-morbidités et tenir compte du terrain sur lequel l’AINS va être prescrit
(sujet âgé, patient hypertendu, diabétique, insuffisant cardiaque, femme enceinte, etc…).
4°) respecter les contre-indications.
5°) toujours utiliser la dose la plus faible possible pour la durée la plus courte possible de
prescription.
6°) ne pas omettre d’utiliser un protecteur gastrique (IPP) lorsqu’il y a des facteurs de
risque de toxicité digestive (cf tableau N° 2).
7°) ne jamais associer deux AINS.
8°) éviter de prescrire un AINS chez un patient sous anti-vitamine K.
9°) savoir réduire les doses, voire arrêter l’AINS lorsque ceci est possible (se poser
systématiquement la question de la nécessité de la reconduction du traitement).
D) Principaux effets indésirables des AINS :
Les effets indésirables des AINS sont très fréquents, s’observent quelque soit l’AINS et
quelque soit la forme galénique, et sont la plus part du temps dose dépendante.
a) Complications gastroduodénales des AINS :
Ce sont les effets indésirables les plus fréquents des AINS et ce quelque soit le mode
d’administration.
• les troubles dyspeptiques : 10 à 30 % des patients se plaignent de « pesanteur gastrique,
épigastralgies, nausées » mais seulement 5 % d’entre eux arrêtent le traitement pour ces
troubles dyspeptiques. Malheureusement les troubles dyspeptiques ne sont pas corrélés aux
lésions endoscopiques et ne prédisent pas les complications digestives graves.
• les ulcères gastroduodénaux :
Les lésions ulcéreuses sous AINS sont fréquentes et volontiers peu ou pas symptomatiques
sur le plan clinique. Ces lésions peuvent se révéler d’emblée par une complication à type de
perforation ou d’hémorragie.
Il est classiquement admis que pour une durée de traitement de l’ordre de 12 semaines, 15
à 25 % des patients prenant un AINS classique et 5 % des patients prenant un coxib développent
des lésions ulcéreuses objectivées endoscopiquement.
- Les complications des ulcères : les perforations d’ulcères et les saignements
représentent le risque grave lors d’un traitement par AINS. La fréquence des ulcères
compliqués serait de l’ordre de 1 à 2 % des patients avec les AINS classiques et 0,2 à 0,4
% avec les coxibs. Ces complications digestives graves surviennent surtout lorsqu’il existe
des facteurs de risque qu’il est nécessaire de systématiquement dépister. Ces facteurs de
risque sont représentés dans le tableau N° 2
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