RÉSUMÉ ANALYTIQUE En dépit de la forte croissance enregistrée durant ces deux dernières décennies, les inégalités de revenu demeurent élevées dans de nombreux pays en développement à faible revenu (PDFR). Ainsi que le signalent de précédents travaux, dont ceux du FMI, l’existence de fortes inégalités peut porter atteinte au rythme futur de la croissance et à sa viabilité, ainsi qu’à la stabilité macroéconomique et, partant, limiter la capacité des pays à atteindre les objectifs de développement durable. La présente note examine en quoi les politiques et les réformes visant à doper la croissance agissent sur l’ampleur des inégalités de revenu dans les PDFR et en quoi des politiques d’accompagnement peuvent servir à compenser les effets négatifs de ces réformes sur la répartition du revenu. De manière plus précise, elle examine : i) l’effet sur la répartition du revenu de certaines réformes économiques et initiatives macro-structurelles généralement considérées comme propices à la croissance; ii) la logique et les mécanismes qui risquent d’agir sur les inégalités, compte tenu des caractéristiques structurelles que partagent la plupart des PDFR; et iii) l’opportunité de politiques complémentaires pour veiller à ce que le travail de réforme puisse doper la croissance sans creuser les inégalités. L’étude complète les récents travaux réalisés sur les liens entre l’inégalité et la croissance (dont Ostry, Berg et Tsangarides, 2014; et Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2015), et elle applique une analyse modélisée plus granulaire pour appréhender les mécanismes par lesquels des réformes particulières agissent sur la croissance et sur les inégalités. La note définit la problématique macro-distributive à laquelle les PDFR risquent de se heurter, compte tenu des caractéristiques structurelles qui leur sont communes. De manière plus précise, elle examine de quelle manière des attributs tels que des niveaux élevés d’informalité, une mobilité géographique et intersectorielle de la main-d’œuvre limitée, de gros écarts de productivité entre secteurs, le manque d’accès à la finance et de faibles niveaux d’infrastructure peuvent compliquer les liens entre la croissance et l’inégalité pour ces pays. La note vise surtout à définir les principaux mécanismes par lesquels les réformes axées sur la croissance peuvent agir sur la répartition du revenu, plutôt qu’à définir l’univers des réformes pouvant avoir des effets préjudiciables sur cette répartition. À des fins illustratives, elle se centre sur un certain nombre de réformes macro-structurelles considérées comme propices à la croissance dans les PDFR (voir FMI, 2015a), et concrètement sur certaines réformes budgétaires (mesures de politique fiscale, augmentation de l’investissement dans les infrastructures), ainsi que sur les réformes de secteur financier et les réformes du secteur agricole. Les conclusions confirment que ces politique macro structurelles peuvent avoir d’importantes conséquences sur la répartition du revenu dans les PDFR, celles-ci pouvant dépendre à la fois de la nature des réformes et des particularités économiques du pays. Il ressort des analyses statistiques transnationales et des études de cas nationales détaillées que : i) l’impact des politiques fiscales sur la répartition du revenu dépend non seulement des instruments fiscaux retenus (les impôts indirects étant généralement perçus comme régressifs et la fiscalité directe du revenu comme progressive), mais aussi des modalités de déploiement des ressources budgétaires additionnelles; (ii) une amélioration qualitative et quantitative des investissements dans les infrastructures peut doper la croissance et réduire les niveaux d’inégalités; iii) les réformes de secteur financier peuvent aggraver les inégalités si l’accès à la finance se limite à une petite partie de la population et que la mobilité de la maind’œuvre est restreinte; et iv) les réformes propres à accroître la production agricole peuvent creuser les inégalités de revenu lorsque le secteur agricole est important et que les gains de productivité profitent principalement aux classes rurales aisées. 2 Les mesures d’accompagnement peuvent rendre les réformes propices à la croissance tout en limitant les retombées négatives sur la répartition du revenu. Certaines réformes peuvent favoriser la croissance et le bien-être pour tous, tout en produisant des effets distributifs pouvant ne pas être indésirables d’un point de vue économique ou social. D’autres peuvent produire des gains économiques pour une minorité et avoir des effets sur la répartition du revenu jugés indésirables pour la société. Bien qu’il n’existe pas de recette universelle, la note examine en quoi des interventions ciblées, mises en œuvre de manière concertée avec des réformes propices à la croissance, peuvent contribuer à maîtriser les retombées négatives des réformes sur la répartition du revenu, sans perdre de vue que ce qui constitue un effet indésirable sur la répartition du revenu diffère d’un pays à l’autre. L’analyse se centre sur les mécanismes macroéconomiques par lesquels ces interventions peuvent maîtriser, voire compenser, les retombées que les réformes propices à la croissance pourraient avoir sur la répartition du revenu. La note n’examine pas les modalités optimales de mise en œuvre de ces interventions face à une faible capacité administrative nationale ou à des contraintes d’économie politique. Certaines des interventions citées, comme par exemple les transferts monétaires assortis de conditions, peuvent être difficile à administrer dans les pays à faibles capacités, tandis que les mesures destinées à promouvoir la mobilité de la main-d’œuvre, comme par exemple le renforcement des droits de propriété foncière, peuvent mettre un certain temps à s’exécuter et être très délicates d’un point de vue politique.