Cet ouvrage de synthèse – propre de la collection
128 d’Armand Colin – offre, dans un langage clair
et accessible, les principaux apports théoriques et
méthodologiques de la sociologie de la précarité.
L’auteure, Maryse Bresson, dont les travaux antérieurs
portent sur les SDF, les centres sociaux et, plus
globalement, l’intervention sociale, nous permet de
mieux cerner un concept relativement flou, utilisé
et banalisé par les médias et les politiques publiques.
La précarité est ainsi devenue, dans les dernières
décennies, une « nouvelle question sociale » qui
revient à désigner tantôt des populations parti-
culières, tantôt un « risque » de pauvreté lié à une
instabilité socio-économique. Mais qu’est-ce qu’un
précaire ? Et par rapport à quoi caractérise-t-on une
situation de précarité ? C’est bien dans un refus des
simplifications et avec l’objectif de montrer la variété
et la complexité des situations que cet essai présente
«la manière dont la sociologie définit la précarité,
étudie les populations concernées et analyse les
processus qui expliquent les situations » (p. 6). Cet
essai présente ainsi un double intérêt : d’une part,
il donne l’étendue des connaissances et des débats
sur le thème de la précarité en sociologie et, d’autre
part, il promeut une approche par les processus de
précarisation.
Le livre est articulé autour de trois chapitres. Le
premier s’intéresse à la manière dont on « catégorise »
les précaires à travers les différentes écoles et
courants de la sociologie qui s’affrontent mais
peuvent, à l’occasion, se compléter. Le deuxième
vise à apporter des éléments de connaissance sur
ces populations : la vie quotidienne (conditions
d’emploi, travail) ; les trajectoires associées à l’idée
de risque (notamment d’exclusion) ; l’importance et
la diversité des liens sociaux. Le troisième chapitre,
enfin, se présente davantage comme la thèse de
l’auteure, à savoir valoriser une approche de la
précarité en terme de processus.
Au préalable, M. Bresson identifie cinq paradigmes,
autant de manière théoriques et méthodologiques
d’envisager la précarité :
•la sociologie de la pauvreté : le raisonnement
est basé sur le manque, et les pauvres sont le plus
souvent caractérisés par une insuffisance ou une
absence de revenus (mais pas seulement) ;
•la sociologie du sous-développement : elle
repose, selon les débats, sur l’hypothèse d’un retard
(culturel, politique, économique), induisant ainsi
Recherches et Prévisions n° 91 - mars 2008
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l’idée d’un rattrapage possible. Ce paradigme est
plus particulièrement relatif à l’opposition Nord-
Sud mais il peut également renvoyer à des divisions
à l’intérieur des pays riches (ce que l’on désigne
comme « Quart-Monde ») ;
•la sociologie de la marginalité et de la déviance,
qui utilise un paradigme interactionniste (influencé
par l’ouvrage SSttiiggmmaatteessd’Erving Goffman) où les
individus sont perçus comme des marginaux :
l’apport de ce paradigme est de souligner l’impor-
tance de la désignation et du regard d’autrui ;
•la sociologie de l’assistance et des assistés : les
populations sont définies par les secours qu’elles
reçoivent, ce qui peut avoir pour conséquence de
les stigmatiser ;
•enfin, la sociologie de la précarité – à laquelle se
rattache manifestement l’auteure – et qui vise à
analyser des processus de précarisation en s’appuyant
sur les mutations de la société. Deux courants la
composent. Le premier repose sur le postulat que
«l’instabilité est inhérente à la dynamique sociale
et politique de la modernité » (p. 41) et le deuxième
insiste sur la vulnérabilité de masse.
Si ces paradigmes servent principalement à iden-
tifier les différents courants de pensée, le souci de
M. Bresson est véritablement de critiquer les catégo-
risations, forcément « enfermantes » et, dans tous
les cas, limitatives. Catégoriser est d’autant plus
délicat qu’il existe, par exemple, des conventions
différentes entre Eurostat, l’INSEE et le Programme
des Nations unies pour le développement (PNUD)
pour définir le seuil de pauvreté selon que l’on parle
de médiane ou de moyenne. Or, « faire changer la
définition du seuil de revenu ou l’échelle pour
calculer le nombre d’unités de consommation du
ménage c’est faire varier le nombre de pauvres »
(p. 24). Deux acceptions principales du terme de
« précarité » sont cependant soulignées : soit on
désigne des populations plutôt pauvres (peu de
revenus, peu d’éducation, sans emploi), pouvant
même être des exclus si des problèmes de loge-
ment viennent, en outre, se greffer ; soit on parle
de populations qui risquent de voir leur situation
se dégrader. Globalement, l’incertitude quant à
l’avenir (pas seulement professionnel) est un élément
déterminant induit par la notion même de précarité.
En raison des difficultés et des pièges des catégori-
sations soulignées par l’auteure autour de la notion
de « population précaire », on peut d’autant plus
Maryse Bresson
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2007, Paris, Armand Colin, collection Sociologie 128, 126 pages.