Symphonie du nouveau monde

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Dossier
Pédagogique
SAISON 2011-2012
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Jeu
ne p
La Symphonie du Nouveau Monde Concert
Programme :
Rossini : Rendez-vous de Chasse
Richard Strauss : Concerto n°1 pour cor
Dvorak : Symphonie du Nouveau Monde
Samedi 19 novembre
20h30
Distribution
Sommaire
Direction musicale : Mark Foster
Cor soliste : David Guerrier
Orchestre : Opéra de Reims
Litterarum formas human
itatis per seacula quart
a decima et quinta deci
ma. Per seacula quarta
Opéra de Reims
13 rue Chanzy 51100 Reims
Location tél : 03 26 50 03 92
[email protected]
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La symphonie du nouveau monde
Quand le cor s’échappe du répertoire
cynégétique, il redevient un instrument
incomparable de virtuosité et de modernité. Le
corniste David Guerrier en est le magnifique
exemple. Soliste de l’Orchestre National de
France puis de l'Orchestre Philharmonique du
Luxembourg, il accompagne
l’Orchestre de l’Opéra de Reims sous la
direction de Mark Foster pour ce concert qui
sublime le cor.
OEuvre de jeunesse de Richard Strauss, le
Concerto N°1 inscrit le cor et l’orchestre dans
une palette très romantique. La 9ème
Symphonie de Dvorák dite « du Nouveau Monde
» offre, quant à
elle, un continent d’expressivité que les
interprètes peuvent sillonner à travers la
limpidité de l’écriture, la qualité des motifs, les
emprunts au folklore américain, l’impact
dramatique de certains passages et la jubilation
d’autres mouvements. La partition s'organise
autour d'une succession de tableaux et l'emploi
récurrent d'un thème cyclique, énoncé par les
cors, en scelle l'unité .
1
DVORAK (1841 – 1904)
Plutôt le nouveau monde que
la Russie de Tchaïkovski
Antonin Dvořák est né le 8 septembre 1841 à
Mülhausen, petit village de Bohème non loin de
Prague.
Son père, Frantisek Dvořák, aubergiste et
boucher dans le village est un homme sérieux
dans son métier qui s’adonne à la musique
dans ses moments libres. Dès l’âge de cinq ans,
il joue du violon à l’auberge familiale puis fait
partie de l’orchestre du village.
Après un apprentissage sans lendemain du
métier de boucher, il est envoyé chez son oncle
(à Zlonice) pour y apprendre l’Allemand. Cet
enseignement est indispensable sous le joug
autrichien pour que le jeune Antonin puisse
prétendre s’élever dans la société. L’instituteur,
musicien passionné, lui enseigne l’orgue, le
piano et l’alto.
Il lui enseigne également l’harmonie et le
contrepoint. Dvořák s’essaye rapidement à la
composition. Sa première oeuvre est une polka.
Malgré ses prédispositions, il lui faudra une
bonne dizaine d’années pour maîtriser la
composition. Ses parents viennent s’installer à
Zlonice à leur tour. Ses études musicales
prennent un nouveau tournant en 1856.
Antonin Liehmann, l’instituteur de Zlonice, finit
par persuader l’oncle de Dvořák. A l’automne
1857, Antonin Dvořák est inscrit à l’école
d’orgue de Prague. Il apprend les rudiments de
la musique classique et découvre avec avidité
les œuvres de Wolfgang Amadeus Mozart
(1756-1791) et de Ludwig Van Beethoven
(1770-1825).
Dès 1859, Dvořák obtient une place d’altiste
chez Karel Komzak, un compositeur. Dvořák se
passionne pour la musique de Richard Wagner
(1813-1883). Afin d’améliorer l’état de ses
finances, le jeune Antonin donne à son tour des
cours de musique.
A cette occasion, il fait la connaissance de
Anna Cermakova, qu’il épousera le 17
novembre 1873. Leur union sera longue et
heureuse, mais endeuillée par les décès
successifs de trois enfants entre 1875 et 1877.
Ces événements dramatiques sont directement
à l’origine de la composition d’un Stabat Mater
qui le rend célèbre dans toute l’Europe. Eduard
Hanslick, célèbre critique musical, lui propose
alors de s’installer à Vienne mais Dvořák refuse
La Bohème, en 1841, correspond à
l’actuelle République Tchèque (partie
occidentale
de
l’ancienne
Tchécoslovaquie). BOII (la Bohême) est le
nom de la peuplade celtique ayant donné
son nom au territoire. Les Tchèques sont
descendants d’une des tribus slaves
venues d’orient; ils ont donné leur nom à la
fédération de l’ensemble des tribus.
Prague (Praha) fut successivement
capitale
de
la
Bohème,
de
la
Tchécoslovaquie et de la République
Tchèque.
Antonin (prononcer Antonine) est le
prénom Tchèque de Dvořák. Anton
correspond à la version Germanique
imposée par l’occupant autrichien.
Le joug Autrichien. L’empire AustroHongrois règne dans cette partie de
l’Europe orientale, et ce, jusqu’au
lendemain de la guerre de 14/18 et le
traité de Versailles
Un musicien dans son temps
Malgré la domination des Habsbourg et de
l’empire Austro-hongrois, la Bohême débute sa
lente émancipation politique à la fin du XVIIIe
siècle. Au milieu du XIXe siècle, une véritable
éclosion culturelle (littéraire et musicale)
accompagne le processus. La musique devient
ainsi, à partir du milieu du XIXe siècle, et
particulièrement en Bohème, un instrument
privilégié des revendications nationales.
Antonin Dvořák nait, grandit et compose au
coeur de cette période. Il perpétuera la tradition
d’une école tchèque fondée par Bedrich
Smetana (auteur de la très célèbre «Moldau») à
laquelle appartiendra également Zdenko Fibich.
Dvořák se révèlera au monde entier après la
publication en 1878 de ses huit danses slaves
inspirées de l’âme de son peuple. Prague est le
foyer du mouvement nationaliste Tchèque qui
connut son apogée en 1848 lors d’une véritable
insurrection lourdement réprimée.
Les musiciens s’inspirent essentiellement du
folklore et des mélodies populaires nationales.
Les écoles nationales éclosent en peu partout
dans le monde (Bohême, pays slaves, baltes...).
Un deuxième groupe de musiciens Tchèques
suivra: Leoš Janáček (1854-1928), Josef Suk
(gendre et élève de Dvořák) et Vítězslav Novák.
A la mort d’Antonin Dvořák, en 1904, l’empire
Austro-Hongrois achève sa lente agonie.
A la fin de la première guerre mondiale,
l’Europe est redessinée par les vainqueurs et
l’Etat Tchécoslovaque (Bohême, Moravie et
Slovaquie) est créé dés 1918. Prague (Praha)
devient la capitale du nouvel Etat.
La symphonie du nouveau monde
Prague: les années
d’apprentissage
Piotr Illitch Tchaïkovsky (1840-1893) organise
une tournée pour le compositeur tchèque en
Russie. Celle-ci est un triomphe.
Cependant, il ne reste pas en Russie, refuse les
propositions qui lui sont faites et accepte au
contraire une offre du Conservatoire de NewYork. On lui propose la direction de l’orchestre
et
des
conditions
financières
très
avantageuses.
Le projet est également très intéressant.
Dvořák, qui enseignait alors au Conservatoire
de Prague, quitte donc sa Bohème natale en
1892. Aux Etats-Unis, il connaît un réel succès,
à la fois comme chef d’orchestre et comme
compositeur.
Il réside, après New-York, au sein de la
communauté Tchèque de Spilville dans l’Iowa. Il
compose deux oeuvres majeures pendant son
séjour, entre 1892 et 1895: la Symphonie du
Nouveau Monde (n°9) et le quatuor Américain.
Dvořák commence à travailler sur le concerto
en si mineur aux Etats-Unis, il le finira de retour
en bohème.
Vers la fin de sa vie, Dvořák se consacre à
l’opéra: le Diable et Catherine, Armide et
Russalka.
D’essence tchèque, ils couronneront son œuvre
malgré l’échec d’Armide, son dernier opéra.
Dvořák meurt brutalement à Prague le premier
mai 1904, suite à une congestion cérébrale. Il
est enterré comme Bedrich Smetana (18241884) au cimetière de Vysehrad où il repose
désormais près de la Moldau. Sa fille Otylka
(épouse de Josef SUK), élève et disciple du
compositeur, meurt l’année suivante.
+ d’info
2
Ecrite en 1893, elle est la plus populaire de ses
symphonies et l'une des oeuvres les plus jouees
du repertoire symphonique moderne. Dvorak l'a
composee durant son sejour aux Etats-Unis
(1892-1895) alors qu'il travaille comme
directeur du Conservatoire de New York.
Il a le mal du pays et des difficultes a trouver ses
reperes dans cette immense contree.
Ce sentiment est heureusement tempere par
l'emerveillement du Tcheque devant tant de
nouveautes.
"Il me semble que le sol americain aura un effet
benefique sur mes pensees, et je dirais presque
que vous entendrez deja quelque chose de cela
dans cette nouvelle symphonie", ecrit-il en 1893
a un ami.
Mais le plus important pour Dvorak est la
decouverte des musiques des Indiens et des
Noirs.
C'est dans ce contexte qu'il commence, en
janvier 1893, l’ecriture de sa neuvieme
symphonie.
Le compositeur a indique que la Symphonie du
Nouveau Monde, premiere des oeuvres
composees en Amerique, a ete en partie
inspiree par le poeme de Hiawatha, precisement
par les passages des danses (noces de
Hiawatha) et des funerailles dans la foret.
« Je n'ai utilise aucune des melodies indiennes.
J'ai simplement ecrit des themes originaux
englobant les particularites de cette musique et,
Une
oeuvre
dans l’époque
Dans une période en proie aux plus grandes
contradictions, une musique demeure immuable:
celle de Johannes Brahms (1833-1897). De
structure classique, elle est très largement
inspirée par le romantisme qui règne en maître
dans la création artistique de l’époque. Il sera un
modèle pour tous les musiciens modernes de
son temps. Dvořák n’échappe pas à l’attraction
du mouvement Ses compositions sont souvent
marquées par des évènements dramatiques de
sa vie. Les décès successifs de ses trois enfants
entre 1875 et 1877 inspireront une oeuvre
majeure. Dvořák puisera dans son chagrin le
splendide Stabat Mater qui le rendra célèbre
dans toute l’Europe.
En 1895 le Concerto pour violoncelle en si
mineur est inspiré d’un de ses propres lieder «
Lässt mich allein in meinen Traümen gehen » («
laissez-moi aller seul dans mes songes »).
Jospéhine Kauric, sa belle-soeur et amour de
jeunesse vient de mourir. Antonin est bouleversé
et lui rend hommage en citant un extrait du
lieder dans la partie centrale du deuxième
mouvement.
L’ensemble de son oeuvre est à la fois très
marqué par la musique populaire tchèque et par
le modèle romantique de J Brahms. Ses neuf
symphonies, dont la dernière, dite Symphonie du
Nouveau Monde (1893), sont fameuses. Les
plus jouées sont les symphonies 5, 6, 7, 8 et 9.
La musique de chambre occupe une place
centrale dans son oeuvre et comprend des trios
avec piano, des quatuors à cordes un quintette
avec piano, etc.
Neil Armstrong emporta un enregistrement
audio de cette symphonie lors de la mission
Apollo 11, la premiere a deposer un homme sur
la Lune, en 1969.
Durant la période américaine (1892/1895), le
célèbre quatuor « Américain » (1893), doit
beaucoup au « nouveau monde », mais il
conserve des accents slaves. La musique de
Dvořák les conservera toujours.
À noter également les très beaux Concerto pour
piano en sol mineur (1876), le Concerto pour
violon en la mineur (1880) et surtout le Concerto
pour violoncelle en si mineur (1895) qui fera
l’admiration de Johannes Brahms.
On lui doit aussi des oeuvres vocales, profanes
et religieuses (Stabat Mater, 1877 ; Requiem,
1890 ; Te Deum, 1892), des opéras (dont
Russalka en 1901), des ouvertures, des poèmes
symphoniques (dont le Rouet d’or, 1896, et la
Palombe, 1896), et les très célèbres Danses
slaves (1878 et 1887).
Récapitulatif des oeuvres instrumentales
majeures de Dvorák
• 1877 Stabat mater, B.71 (3 enfants morts)
• 1878 Danses slaves, B.83
• 1879 Suite tchèque en ré M, B. 93
• 1891 Trio pour piano, violon et violoncelle n° 4
« Dumky », B. 166 (op. 90, 1891)
• 1893 Symphonie n°9 « du Nouveau Monde »,
B. 178
• 1893 Quatuor à cordes n°12 « américain »,,
B.179
• 1894-1895 Concerto pour violoncelle en si
mineur, B. 191
Le nombre correspond à la numérotation
instaurée par Burghauser
L’histoire de la
SYMPHONIE
C’est au XVIIeme siecle que le terme «
symphonie » commence a prendre son
acception moderne, a savoir une piece
purement instrumentale.
Au cours de la seconde moitie du
XVIIeme, le genre symphonie voit poindre
ses origines a travers les ouvertures
d’operas, appelees Sinfonia. Elle est
construite en 3 parties (vif/lent/vif),
faisant appel aux trompettes, hautbois,
flutes et cors aux cotes de la section des
cordes.
Elle anticipe donc la symphonie
moderne.
Au XVIIIeme siecle, en Italie, la Sinfonia
se detache de l’opera et se presente
comme une piece de concert a part
entiere.
L’école de Mannheim innove en matiere
orchestrale. A l’origine de l’orchestre
symphonique moderne, Johann Stamitz
cree un orchestre constitue de
professionnels. Progressivement, la
forme de la symphonie se structure en 3
ou 4 mouvements. La symphonie
classique
est
incontestablement
d’essence germanique.
La symphonie classique :
Haydn a longtemps ete considere
comme le pere de la symphonie. Haydn
individualise les instruments lors de
dialogues et etoffe l’orchestre dans
lequel il ajoute une flute, un basson,
deux trompettes et des timbales.
Il adopte le plan en 4 mouvements,
caracteristique
de
la
symphonie
classique : - Allegro – Adagio –
Menuet/Trio - Moderato molto presto ou
Allegro
Beethoven et son influence
Beethoven, a la suite de Mozart et de
Haydn, a perpetue le genre de la
symphonie pour finalement le faire
completement eclater.
Il etoffe et intensifie les possibilites
orchestrales grace aux progres de la
facture
instrumentale
et
au
developpement
de
nouveaux
instruments (clarinette – trombone percussion ….) Il innove dans la forme et
le style, tire des effets de masse
saisissants au service d’un dramatisme
naissant, caracteristique du romantisme.
Au XIXeme siecle, Schumann, Schubert,
Mendelssohn et Brahms amenent la
symphonie a un degre de perfection.
Berlioz avec sa Symphonie fantastique
et Liszt avec ses Dante Symphonies
s’eloignent de l’esprit formel, lui
preferant des arguments extramusicaux,
sorte de musique a programme qui
devient narrative.
Dvorak est un des derniers compositeurs
a avoir ecrit des symphonies dans leur
forme traditionnelle, le XIXeme siecle
ayant ete marque par le poeme
symphonique (oeuvre symphonique qui
se base sur une histoire ou un conte en
un seul mouvement)
La symphonie du nouveau monde
La Symphonie du
Nouveau Monde
utilisant ces themes comme sujets, je les ai
developpes avec les moyens des rythmes
modernes,
contrepoints
et
couleurs
orchestrales. »
La symphonie comporte, classiquement, quatre
mouvements : Adagio, Allegro Molto - Largo Scherzo, Molto Vivace - Allegro con fuoco.
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Europe ou Amérique
La symphonie du nouveau monde
Il est indéniable que par cette symphonie un style américain est créé. Les milieux musicaux des EtatsUnis reconnurent immédiatement dans cette symphonie la première grande oeuvre à avoir été
composée sur leur sol. Dvořák restera désormais comme un précurseur par son intérêt alors
incompréhensible pour les musiques noires. Les conséquences du succès de cette symphonie
dépassent le seul cadre artistique, en provoquant une subite prise de conscience de la richesse du
patrimoine autochtone et en combattant à sa manière les préjugés racistes, donnant ses lettres de
noblesse à des cultures jugées jusqu'alors inférieures. Soulignons également l'importance de ce fait :
les Américains se détournent enfin des modèles artistiques européens. La vie musicale est dominée
par Wagner et les autres grands compositeurs du Vieux Continent ? Après le séjour de Dvořák
apparaîtront les premières gloires de la musique américaine, Copland, Gerschwin, Ives, Duke
Elliginton... Tous ces noms étant liés, de près ou de loin, à l'enseignement de deux années du
compositeur tchèque à New York, et tous ayant choisi d'exploiter leur propre patrimoine culturel.
Qu'en est-il de nos jours ? Il ne faut pas perdre de vue que nous écoutons la Symphonie du Nouveau
Monde à travers un siècle de compositions américaines, de jazz, de comédies musicales, de
musiques de films. C'est donc rétrospectivement que cette musique sonne à nos oreilles comme
étant américaine, car elle nous renvoie à des références qu'elle a elle-même influencées.
Comme c'était déjà le cas pour la huitième symphonie, cinq années plus tôt, Dvořák se démarque de
ses contemporains. A la même époque, Piotr Illitch Tchaïkovski compose la Symphonie Pathétique,
sorte de cri de désespoir s'achevant par un Adagio d'une grande tristesse. La monumentale
Résurrection, seconde symphonie de Gustav Mahler, comme la mystique Neuvième Symphonie du
"Ménestrel de Dieu" Anton Bruckner, ne sont pas encore terminées. Le message d'espoir dvořákien
est un singulier et salutaire soleil au milieu du romantisme finissant.
Mais l'essentiel est ailleurs. Dvořák exprime dans sa symphonie l'universalité des sentiments, de la
douleur, de la nostalgie. Peu importe l'appartenance à une culture, à une nation ; la douleur d'un
Indien n'est pas moins véridique et respectable que la nostalgie d'un esclave noir, ou d'un paysan
tchèque. Seul en définitive compte l'Homme, au-delà des cultures, au-delà des différences et des
destins.
Le fait que cette symphonie ait été revendiquée par de multiples cultures est révélateur. Message de
fraternité, assurément ; musique sincère, sans fard, issue d'un homme simple dépourvu de snobisme.
La première audition de cette symphonie est pratiquement contemporaine du début de l'Affaire
Dreyfus, en France. Cela n'est assurément pas une simple coïncidence.
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Premier mouvement - Adagio - Allegro Molto
L'introduction mystérieuse est brutalement interrompue par des interventions forte des cors puis des cordes, appuyées par les timbales. Le premier
mouvement enchaîne sur un Allegro Molto très entraînant. Le caractère "américain" du thème initial (mesure 24), au rythme pointé, nous plonge
aussitôt dans une ambiance mouvementée. Nous pouvons ressentir l'émerveillement du nouveau venu dans cette contrée si différente, le tourbillon de
la vie américaine et peut-être aussi les trépidations des locomotives et des bateaux à vapeur. Un second thème nostalgique (mesure 91) s'apparente à
un rythme de polka. Un troisième thème (mesure 149) sera même introduit de façon suprenante par la flûte solo - une entorse à la forme sonate qui, à
l'époque, disqualifia la partition auprès de certains milieux conservateurs français...
Très lumineux, ce premier mouvement introduit de façon habile les thèmes musicaux qui parsèment la symphonie, de façon cyclique. Une fougueuse
coda termine de brillante façon ce mouvement initial.
Deuxième mouvement - Largo
Avec le Largo, Dvořák plonge l'auditeur dans un recueillement qui tranche totalement avec l'allure exubérante du mouvement précédent. Dvořák a
expliqué que ce mouvement, à l'origine intitulé "Légende", fut inspiré par la poignante scène des "funérailles dans la forêt" du poème de Longfellow. Ce
passage est extrait du chapitre XX : Hiawatha est parti chasser au milieu de la forêt désolée, en plein hiver ; il doit à tout prix ramener de quoi manger
au foyer, car la famine sévit, et son épouse Minehaha ("Eau-riante") souffre d'inanition.
Chap. XX La famine (extrait)
Alors ils enterrèrent Minnehaha;
Dans la neige une tombe ils lui firent
Dans la forêt profonde et sombre
Sous les fleurs plaintives; Ils la vêtirent de ses plus riches vêtements
Ils l'enveloppèrent dans ses robes d'hermine,
La recouvrirent de neige, comme l'hermine;
Ainsi ils enterrèrent Minnehaha....
Si l'inspiration est, du moins en partie, littéraire et "indienne", certains procédés sont proches du Negro Spiritual.
L'introduction par le choral des vents, une sorte d'équivalent de l' "Il était une fois..." des légendes, laisse bientôt la voix au cor anglais solo pour une
touchante et délicate mélodie. Excellent orchestrateur, Antonín Dvořák aurait choisi le cor anglais pour une raison précise : cet instrument lui rappelait
sans doute la voix de l'un de ses élèves favoris, Harry Burleigh, qui lui chantait souvent des chants d'esclave.
La symphonie du nouveau monde
…
Et le malheureux Hiawatha,
Loin au milieu de la forêt,
Très loin au milieu des montagnes,
Entendit le soudain cri d'angoisse,
Entendit la voix de Minnehaha
L'appelant dans l'obscurité,
"Hiawatha! Hiawatha! "
Par les champs enneigés et désolés,
A travers les branches recouvertes de neige,
Hiawatha revint en hâte,
les mains vides, le cœur gros,
Il entendit Nokomis, gémissant, pleurant:
"Wahonowin! Wahonowin!
Il vaudrait mieux que j'aie péri à ta place,
Il vaudrait mieux que je sois morte comme tu l'es!
Wahonowin! Wahonowin!"
Et il s'est précipité dans le wigwam,
a vu la vieille Nokomis doucement
se balancer d'avant en arrière en gémissant,
Il a vu sa belle Minnehaha
Etendue morte et froide devant lui,
Et, son cœur en éclatant dans sa poitrine,
Poussa un tel cri de douleur,
Que la forêt gémit et frissonna,
Que les étoiles mêmes dans le ciel
S'émurent et tremblèrent de son angoisse.
Alors il s'est assis, toujours sans rien dire,
sur le lit de Minnehaha,
aux pieds d'Eau-Riante,
à ces pieds chéris, qui jamais
plus ne courraient légèrement à sa rencontre,
Qui jamais plus ne le suivraient légèrement.
Avec les deux mains il se couvrit le visage,
Sept long jours et sept longues nuits il resta assis là,
Comme sans conscience il restait là,
Sans voix, immobile, sans connaissance
Du jour ou de la nuit.
5
Troisième mouvement - Scherzo
Brutal retour sur terre : le scherzo démarre forte et avec une grande acuité rythmique, à la façon de Beethoven dans le scherzo de sa 9ème symphonie.
Nous retrouvons instantanément l'atmosphère fiévreuse du premier mouvement.
Dvořák a indiqué que ce scherzo devait évoquer une "scène dans la forêt où les Indiens dansent".
La fête de mariage de Hiawatha
(chapitre XI, extrait)
Au son des flûtes et du chant,
Au son des tambours et des voix,
Se leva le beau Pau-Puk-Keewis,
Et il commença ses danses mystiques.
D'abord il dansa une mesure solennelle,
Au pas et au geste très lent,
Se glissant parmi les pins,
A travers les ombres et le soleil,
Marchant délicatement comme une panthère,
Puis plus vite et encore plus vite,
Tourbillonnant, tournoyant en cercles,
Sautant par-dessus les invités réunis,
Tourbillonnant en cercles autour du wigwam,
Jusqu'à ce que les feuilles se mettent à tourbillonner avec lui,
Jusqu'à ce qu'ensemble la poussière et le vent
Balayent tout alentour par leurs remous tournoyants.
Le délicat trio central est cependant d'inspiration européenne, évoquant une sousedská, danse tchèque. Il s'agit d'un îlot de lyrisme et de sérénité, où
l'on peut de nouveau se croire en Bohême au coeur de la nature. Mais l'urgence de ce mouvement prend rapidement le dessus. Le scherzo se termine
de façon dramatique, sur un ralentissement presque cinématographique et un accord tranchant.
Quatrième mouvement - Allegro con fuoco
La symphonie du nouveau monde
Malgré les beautés des parties précédentes, c'est par cet ultime mouvement que la symphonie de Dvořák a pu enthousiasmer un si large public. Son
introduction spectaculaire et dramatique - une vertigineuse ascension des violons, prodigieuse d'intensité - aboutit à l'exposé ff du thème "américain"
enfin dans son intégralité. Le thème est repris par les cuivres, soutenus par des accords telluriques des violons, puis par les cordes seules. L'agitation
de cette première partie laisse la place à une intime mélodie de la clarinette.
Ce mouvement constitue à la fois la synthèse des éléments déjà exposés dans la symphonie et leur aboutissement. On y retrouve les influences
européennes et "locales", y compris un rythme obstinato proche du cake-walk écossais.
Tantôt impétueux, tantôt lyrique ou méditatif, ce mouvement s'achève dans un mode majeur inattendu, sur une longue note jouée par tout l'orchestre et
qui s'éteint pianissimo.
6
La symphonie du nouveau monde
Écrite entre janvier et mai 1893, la symphonie "Du Nouveau Monde" est la première grande oeuvre "américaine" de Dvorak. Créée le 15
décembre 1893 au Carnegie Hall de New York, elle remporta immédiatement un immense succès.
C'est la neuvième et dernière symphonie du compositeur. Certains de ses éléments proviennent d'un projet d'opéra basé sur The song of
Hiawatha, poème épique de Henry Longfellow dont la lecture avait permis à Dvorak de se familiariser avec quelques-uns des aspects de la
civilisation des indiens d'Amérique. Certains des thèmes de l'œuvre reflètent également l'esprit des airs traditionnels noirs américains. Toutefois,
Dvorak n'utilise aucun élément préexistant. Il adapte avec une grande homogénéité des éléments mélodiques (modes pentatonique et mineur) et
rythmiques (rythme pointé et syncopé) imités des musiques rencontrées en Amérique. Cependant, l'élément bohémien est également présent
dans cette oeuvre.
Éléments thématiques du 1er mouvement : Adagio - molto allegro
Les cors et les cordes exposent un thème très décidé, héroïque qui reviendra, plus ou moins
ostensiblement, de manière cyclique dans tous les autres mouvements de la symphonie.
Le rythme pointé et syncopé de ce thème atteste une certaine influence américaine.
Par son rythme de polka, le second thème exposé par les flûtes et les hautbois rappelle les danses paysannes d'Europe centrale. Cependant,
son modalisme le rapproche de la musique du continent américain.
Le troisième élément thématique, présenté par la flûte, fait référence par son rythme et son aspect au thème initial de l'œuvre.
Éléments thématiques du second mouvement : Largo
Le cor anglais chante un belle et nostalgique mélodie, imitation des chants du Far West
Les hautbois présentent un épisode plus pastoral qui précèdera le premier retour cyclique du thème du 1er mouvement.
La symphonie du nouveau monde
La flûte et le hautbois développent une sorte de longue arabesque
qui s'articule autour de la note do dièse.
7
Éléments thématiques du troisième mouvement : Scherzo molto vivace
L'esprit de la danse anime ce mouvement avec un premier élément énergique frénétique et bondissant.
Les bois présentent une mélodie fraîche et gracieuse.
La partie centrale du mouvement nous fait entendre une danse populaire qui semble bien venir d'Europe centrale.
La coda ramène le thème cyclique de l'œuvre qui passe plusieurs fois à divers pupitres.
Éléments thématiques du quatrième mouvement : Allegro con fuoco
Le premier thème de ce finale, énoncé aux cuivres, est puissant et assez austère. Il est écrit sur la gamme de mi mineur naturel (sans sensible).
Des traits en triolets apportent un dynamisme plus fluide et plus léger.
Le mouvement s'achève par un brassage des thèmes de l'œuvre, le thème cyclique s'imposant à part égale avec celui du finale.
La symphonie du nouveau monde
La clarinette chante une mélodie contrastante, douloureusement pensive.
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