
DIABÉTOLOGIE
22 ADOLESCENCE & Médecine • Juin 2014 • numéro 7
complications visibles dans la salle
d’attente ou en hospitalisation, est
une difficile épreuve pour les jeunes,
surtout s’ils n’y ont pas été préparés.
De même, c’est parfois seulement
en services d’adultes que les jeunes
patients apprennent ou prennent
conscience de certaines limites
qu’impose le diabète, concernant en
particulier la grossesse, le permis de
conduire et les professions interdites.
PRÉPARER ET ORGANISER
LA TRANSITION
Pour limiter les risques de rupture
et les difficultés évoquées ci-dessus,
de nombreuses équipes ont mis en
place des procédures diverses : dos-
sier de transition, checklist, consul-
tation spécifique de transition, per-
sonnel dédié spécifique “transiteur”,
etc. (5-7). L’efficacité de ces mesures
tient à deux critères essentiels (8, 9) :
la préparation et l’organisation de
la transition, ce qui est repris dans
les recommandations publiées (10,
11). Nous insisterons sur un certain
nombre de points-clés :
• La transition ne se résume pas au
bref temps du passage d’un service
à un autre : elle débute des années
avant le passage et s’achève après
deux ou trois années d’un bon ac-
crochage en adulte.
• Le passage en adulte est un des as-
pects de l’avenir : il doit donc être
évoqué dès les premières années
du suivi, comme une perspective
de vie.
• Anticiper l’avenir avec la maladie :
quelles conséquences peut avoir
le diabète sur la vie d’adulte, quels
risques, quels appuis et solutions ?
Il faut parler des complications
dès l’annonce du diagnostic et au
cours du suivi en pédiatrie, sans se
cacher derrière des non-dits, qui
recouvrent souvent des angoisses
basées sur une sous-information
(des adolescents, de leurs parents,
et parfois aussi des soignants en
pédiatrie) : souligner les bénéfices
du traitement régulier, mais aussi
de toute amélioration de l’équilibre
glycémique même dans des mau-
vaises passes, de l’intérêt de la sur-
veillance régulière, des possibilités
thérapeutiques à tous les stades
de la maladie. La sexualité, la gros-
sesse et la contraception doivent
être abordées suffisamment tôt,
tout comme les limites qu’impose
le diabète sur certaines professions
et sur le permis de conduire. Il s’agit
d’une continuité de vie, évolutive et
dynamique, et non d’une bascule
brutale d’une enfance protégée à
un univers adulte rempli de souf-
frances et de menaces.
• La transition doit être préparée : il
n’y a pas d’âge “légal” du passage,
celui-ci doit intervenir à un mo-
ment où le jeune et ses parents s’y
sentent prêts, dans une période de
relative stabilité médicale, en s’arti-
culant avec les étapes de la vie sco-
laire ou professionnelle. En France,
c’est majoritairement autour des 18
ans : fin du lycée, changement de
ville envisagé, etc. Être prêt signifie
être suffisamment autonome sur
les différents aspects de sa maladie
et du traitement, ce qui concrète-
ment ne s’évalue ni ne se décrète la
veille du passage.
• De plus, la préparation doit être
basée sur un diagnostic global du
patient et de sa famille, c’est-à-dire
aussi sur les plans psychologiques
et sociaux. Les troubles psychiques
tels que la dépression ou les
troubles du comportement alimen-
taire (souvent masqués) doivent
être recherchés et, si besoin, pris en
charge durant cette phase de pré-
paration. La question de la rupture
des droits sociaux concerne de plus
en plus de jeunes adultes et doit
être évitée.
• Un document médical de trans-
mission doit être rédigé avant le
passage. Il doit être clair et syn-
thétique, car il est autant destiné
au diabétologue d’adultes qu’au
patient lui-même. C’est un résumé
des éléments essentiels de l’histoire
du diabète, des traitements et
d’éventuelles complications, qui
est plus utile que l’intégralité du
dossier.
• Enfin, le patient doit être
suffisamment informé sur la nou-
velle équipe, voire la rencontrer,
afin de pouvoir se représenter les
changements que représente ce
passage et de pouvoir les envisager
positivement. La présentation de la
nouvelle équipe soignante dépend
des conditions géographiques
(pédiatrie et service d’adultes sur
le même site ou non). Elle peut se
faire physiquement (visite de ser-
vice ou rencontres organisées en
amont du passage, consultation
conjointe) ou par une plaquette de
présentation du service.
• La transition doit s’appuyer sur
une indispensable collaboration
entre les équipes pédiatriques et
d’adultes. L’accrochage en diabé-
tologie adulte sera très nettement
facilité si le patient sent qu’il existe
une connaissance et une confiance
réciproque entre les partenaires.
Certains patients, pour lesquels le
passage paraît le plus risqué, béné-
ficieront d’un accompagnement
physique transitoire dans la nou-
velle équipe jusqu’à un accrochage
réussi.
• L’organisation du passage, la prise
des rendez-vous, la surveillance
de la présence aux consultations
doivent être suivies conjointe-
ment par les équipes pédiatriques
et d’adultes selon des modalités
déterminées en commun. Ainsi on
peut “rattraper” les patients qui ne
seraient pas arrivés en adulte ou
qui décrochent rapidement après
un ou deux rendez-vous.
• L’accueil des jeunes patients en
adulte doit être optimisé. Il est im-
portant que les équipes d’adultes
puissent proposer un accueil
adapté aux besoins de ces patients
qui nous disent clairement qu’ils
ne veulent pas être pris pour des
adultes, mais pas non plus pour
des enfants : infirmière dédiée,