Comorbidité du trouble panique et des troubles du syst`eme de l

L’Enc´
ephale (2007) 33, 738—743
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
M´
EMOIRE ORIGINAL
Comorbidit´
e du trouble panique et des troubles du
syst`
eme de l’´
equilibre : ´
etat de la question
Panic disorder and vestibular/equilibrium
dysfunctions: State of the art
L. Vaillancourta,C.B
´
elangera,b,
aD´
epartement de psychologie, universit´
eduQu
´
ebec `
a Montr´
eal, CP 8888, Succ. Centre-ville, Montr´
eal, Qu´
ebec H3C 3P8, Canada
bD´
epartement de psychiatrie et centre de recherche, universit´
e McGill, hˆ
opital Douglas, Montr´
eal, Canada
Rec¸u le 9 septembre 2005 ; accept´
ele16ao
ˆ
ut 2006
Disponible sur Internet le 5 Septembre 2007
MOTS CL´
ES
Trouble panique ;
Agoraphobie ;
Syst`
eme
vestibulaire ;
Vertiges
Résumé À ce jour, nombre d’études portant sur des échantillonnages cliniques et des patients
consultant pour des troubles de l’équilibre ont rapporté une forte proportion de co-occurrence
entre le trouble panique avec ou sans agoraphobie (TP/A) et les dysfonctions du système ves-
tibulaire. Dans les écrits scientifiques sur le sujet, certains modèles explicatifs tentent de
rendre compte de ce phénomène. L’évitement agoraphobique et des niveaux d’anxiété éle-
vés semblent être des marqueurs des patients qui souffrent des deux conditions. Toutefois,
en dépit du nombre croissant de recherches effectuées dans l’optique de mieux comprendre
cette comorbidité, les caractéristiques qui distinguent les individus aux prises avec les deux
troubles demeurent peu définies. Le présent article dresse le portrait de ces caractéristiques
et des critères qui permettent de suspecter qu’un individu puisse souffrir à la fois d’un TP/A et
d’un trouble du système de l’équilibre. Des voies de recherches futures, portant à la fois sur ce
problème de comorbidité et sur les interventions pertinentes à développer dans le traitement
de ces troubles sont proposées.
© L’Enc´
ephale, Paris, 2008.
KEYWORDS
Panic disorder;
Agoraphobia;
Vestibular system;
Vertigo
Summary This paper reviews the literature on the links between panic disorder with or without
agoraphobia and vestibular dysfunction. To date, it has been established that these condi-
tions are encountered in high proportions in psychiatric samples and in patients consulting for
equilibrium problems. Three models have tried to hypothesize the mechanisms underlying this
co-occurrence. Agoraphobic avoidance and high anxiety level seem to be characteristics of indi-
viduals affected by both conditions. Moreover, vestibular dysfunctions appear to be predicted
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : belanger[email protected] (C. B´
elanger).
0013-7006/$ — see front matter © L’Enc´
ephale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2006.08.007
TP/A et troubles du syst`
eme de l’´
equilibre 739
by individuals feeling uncomfortable in situations characterized by spatial and/or motor par-
ticularities. Additional studies on that topic would be beneficial. Further studies should try to
better understand people with both panic disorder and dysfunctions of the equilibrium system.
These individuals who suffer from both conditions may avoid activities that particularly call
upon the equilibrium system, such as walking on uneven surfaces or undertaking some forms of
transportation. The cognitive substrates pertaining to the feared consequences of the physical
symptoms may also differentiate this group from uncomplicated anxiety disorder patients. For
example, these individuals with uncomplicated panic disorder may fear having a heart attack or
suffocating as a result of a panic attack, whereas individuals suffering from both conditions may
be more prone to apprehending falling or vomiting. The paper also proposes (1) the analysis of
characteristics of individuals in remission from both conditions so that effective components of
treatment are emphasized, and (2) targets for treatment for these comorbid patients.
© L’Enc´
ephale, Paris, 2008.
Introduction
La co-occurrence entre le trouble panique avec ou sans
agoraphobie (TP/A) et les dysfonctions du syst`
eme vesti-
bulaire est bien ´
etablie dans les ´
ecrits scientifiques portant
sur ces probl`
emes. Nombre d’´
etudes rapportent en effet la
pr´
esence de TP/A chez les individus qui consultent pour des
probl`
emes de vertiges. Inversement, des recherches rap-
portent que plusieurs individus avec un TP/A pr´
esentent
des anomalies du syst`
eme de l’´
equilibre. Certains cher-
cheurs ont tent´
e d’expliquer les liens qui relient ces deux
probl`
emes et plusieurs hypoth`
eses ont ´
et´
e avanc´
ees. `
A
cet effet, certains mod`
eles explicatifs combinant `
ala
fois des facteurs cognitifs, biologiques et ´
emotionnels ont
´
et´
e propos´
es. Toutefois, les recherches effectu´
ees afin de
comprendre cette comorbidit´
epr
´
esentent toujours plus de
questions que de r´
eponses dans leurs mises en comparai-
son des caract´
eristiques des individus aux prises avec ces
deux conditions et celles de ceux affect´
es par seulement
l’une de celles-ci. La pr´
esente recension d’articles scien-
tifiques dresse le portrait des ´
el´
ements qui permettent de
suspecter qu’un individu puisse rencontrer de fac¸on conco-
mitante les crit`
eres d’un TP/A et d’un trouble du syst`
eme
de l’´
equilibre. Les deux probl´
ematiques sont d´
ecrites et les
donn´
ees sur leur co-occurrence sont analys´
ees. Des pistes de
recherche qui semblent prometteuses pour l’´
etude de cette
comorbidit´
e sont abord´
ees, et des pistes de traitement sont
finalement sugg´
er´
ees.
L’attaque de panique et le trouble panique
avec ou sans agoraphobie
L’Association am´
ericaine de psychiatrie [2] d´
efinit l’attaque
de panique comme ´
etant un ph´
enom`
ene circonscrit
dans le temps et qui se caract´
erise par l’apparition
subite d’appr´
ehensions, de peurs ou de terreurs de tr`
es
forte intensit´
e. Ces sensations sont souvent coupl´
ees
`
avec l’impression qu’une catastrophe est imminente. Les
attaques peuvent comporter les symptˆ
omes suivants : trem-
blements, augmentation du rythme cardiaque/palpitations,
transpiration, sensation d’avoir le souffle court ou impres-
sion d’´
etouffement, sensation d’´
etranglement, douleur ou
gˆ
ene thoracique, naus´
ees ou gˆ
ene abdominale, frissons
ou chaleurs, sensations de vertige, paresth´
esies, peur de
perdre le contrˆ
ole de soi ou de devenir fou, peur de
mourir et des sentiments de d´
er´
ealisation. Lorsque ces
attaques de panique sont r´
ep´
et´
ees et qu’elles surviennent
de mani`
ere fortuite, le diagnostic de trouble panique (TP)
est consid´
er´
e. Les individus qui souffrent de ce trouble
appr´
ehendent les sensations physiques qui sont v´
ecues lors
des attaques de panique ou les cons´
equences potentielles
de ces derni`
eres. Le m´
ecanisme central de ce trouble
se situe pr´
ecis´
ement au niveau de cette hyperr´
eactivit´
e
par rapport aux sensations physiques qui sont perc¸ues de
fac¸on menac¸ante. Certaines de ces r´
eactions physiques,
interpr´
et´
ees comme banales par la majorit´
e des gens, seront
d´
ecod´
ees, par les gens avec un TP, comme des stimuli dan-
gereux et elles seront assimil´
ees au prodrome d’une attaque
de panique incontrˆ
olable. Cette hypervigilance am`
ene le
sujet anxieux `
a balayer son environnement `
a la recherche
de dangers potentiels et de r´
eactions physiques de peur. Le
trouble repr´
esente donc une phobie int´
eroceptive, c’est-
`
a-dire centr´
ee sur les symptˆ
omes physiques [1,24].De
fac¸on g´
en´
erale, les individus qui pr´
esentent un TP/A sont
donc pr´
edispos´
es `
a paniquer `
a partir de variations physio-
logiques minimes, qu’elles qu’en soit la nature. Elles ont
en outre tendance `
a croire que les sensations physiques
de l’anxi´
et´
e peuvent avoir des cons´
equences n´
egatives sur
leur sant´
e. Cette sensibilit´
e`
a l’anxi´
et´
epr
´
edispose au TP/A
[31]. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles
mentaux (DSM-IV) [2] regroupe certaines caract´
eristiques
qui sont fr´
equemment associ´
ees `
a ce trouble. Notamment,
plusieurs individus avec un TP ont des craintes quant
aux cons´
equences possibles des attaques de panique. Ils
appr´
ehendent parfois que leurs symptˆ
omes n’indiquent une
dysfonction physique non diagnostiqu´
ee. Ainsi, bien qu’ils
puissent chercher `
aˆ
etre rassur´
es par des contrˆ
oles m´
edicaux
fr´
equents, souvent ces craintes subsistent en d´
epit de ces
tentatives d’ˆ
etre rassur´
es. Certains individus avec un TP
pensent en outre que leurs attaques de panique laissent
pr´
esager qu’ils sont sur le point de perdre la tˆ
ete ou de
perdre la maˆ
ıtrise de leurs comportements. Nombre de
personnes aux prises avec un TP deviennent d´
eprim´
ees et
d´
ecourag´
ees de leur condition. Fr´
equemment, ces patients
vont aussi d´
evelopper des comportements d’agoraphobie et
ils vont ´
eviter les situations et/ou les endroits propres `
a
susciter les attaques de panique. Ils sont en cons´
equence
740 L. Vaillancourt, C. B´
elanger
souvent anxieux lorsqu’ils se trouvent dans des lieux ou
des circonstances o`
u il pourrait ˆ
etre ardu ou embarras-
sant de s’´
eclipser, o`
u il pourrait ˆ
etre difficile d’obtenir de
l’aide dans le cas o`
u ils ressentiraient des symptˆ
omes de la
panique.
Pr´
evalence et comorbidit´
e du TP/A
La pr´
evalence du TP/A dans la population g´
en´
erale est
estim´
ee `
a5%[32]. Plus sp´
ecifiquement, la pr´
evalence
`
a vie dans la population g´
en´
erale franc¸aise est estim´
ee
`
a 3,0 % pour le TP et `
a 1,8 % pour l’agoraphobie [21].
S’il demeure non-trait´
e, le TP/A peut devenir chronique
et diminuer la qualit´
edevie[22], et les risques de
d´
evelopper des troubles comorbides sont ´
elev´
es. Dans les
cas les plus s´
ev`
eres, l’individu peut ˆ
etre incapable de
sortir de son domicile [8].Lad
´
epression majeure est
fr´
equente et survient dans 60 % des cas [7]. De plus,
le portrait clinique r´
ev`
ele souvent la pr´
esence d’autres
troubles anxieux tels que : la phobie sociale (15—30 %) ;
le trouble obsessionnel-compulsif (8—10 %) ; les phobies
simples (10—20 %) ainsi que le trouble d’anxi´
et´
eg
´
en´
eralis´
ee
(25 %) [2].
Le syst`
eme de l’´
equilibre et ses
dysfonctionnements
L’´
equilibre r´
esulte de l’int´
egration des informations sen-
sorielles redondantes en provenance de la vision, de la
proprioception et du syst`
eme vestibulaire. La propriocep-
tion r´
ef`
ere `
a la sensibilit´
e propre aux os, aux muscles,
aux tendons et aux articulations, qui renseignent sur
la position qu’occupe le corps dans l’espace, qu’il soit
immobile ou en mouvement [29]. Situ´
e dans l’oreille
interne, le syst`
eme vestibulaire comporte un ensemble
de senseurs qui permettent de d´
etecter les mouvements
d’angulation et d’acc´
el´
eration lin´
eaire de la tˆ
ete. Le
syst`
eme visuel fournit quant `
a lui des informations sur la
forme, la dimension, la texture et le mouvement des objets.
L’´
equilibre est maintenu grˆ
ace `
a des activit´
es r´
eflexes
adaptatives qui combinent des informations aff´
erentes
issues de ces trois syst`
emes : visuel, proprioceptif et
vestibulaire.
Les syndromes de d´
esordres otoneurologiques (i.e.
propres au fonctionnement de l’oreille et du syst`
eme
nerveux) sont classifi´
es de fac¸on typique selon qu’ils
impliquent le syst`
eme vestibulaire p´
eriph´
erique ou cen-
tral. Les dysfonctions du syst`
eme vestibulaire p´
eriph´
erique
comprennent des atteintes des structures de l’oreille
interne ou du nerf crˆ
anien num´
ero VIII. Par ailleurs, les
dysfonctions du syst`
eme vestibulaire central comportent
des atteintes des structures comprises dans le cerveau ou
dans le cervelet [16]. Un dysfonctionnement du syst`
eme
vestibulaire provoque des symptˆ
omes qui r´
esultent d’une
incongruence entre les informations qui proviennent de la
vision, du syst`
eme proprioceptif et de l’appareil vestibu-
laire [9]. L’inconfort ressenti est proportionnel `
al
´
ecart et
aux dissonances entre les informations en provenance de
ces trois syst`
emes. La symptomatologie associ´
ee au syst`
eme
vestibulaire comporte des sensations de vertige (i.e. une
perception illusoire de mouvement [3],ded
´
es´
equilibre et
une vision instable [9]. Lorsqu’elles se chronicisent, de
telles dysfonctions sont habituellement compens´
ees par
l’organisme. Ainsi, les informations qui sont fournies par les
syst`
emes intacts (i.e. vision et proprioception) pr´
edominent
sur celles fournies par l’appareil vestibulaire. En r´
esultante,
les symptˆ
omes de la dysfonction sont plus `
a risque de se
faire sentir dans des situations o`
u l’information, en prove-
nance du corps ou du syst`
eme visuel, est insuffisante ou
inad´
equate. Finalement, il est `
a noter que les symptˆ
omes
ressentis causent un malaise qui, dans certaines situations,
peut aussi ˆ
etre ´
eprouv´
e chez des gens sans dysfonction
vestibulaire. Par exemple, lorsque l’information en prove-
nance d’un syst`
eme intact est inaccessible (e.g. absence
de rep`
ere visuel fixe alors que le sol bouge) [10], lorsque
le syst`
eme vestibulaire est stimul´
edefac¸on intense (e.g.
tˆ
ete secou´
ee) ou encore, lorsqu’ilyaunmouvement inha-
bituel d’acc´
el´
eration du corps (e.g. les man`
eges dans une
fˆ
ete foraine).
Le TP/A et les probl`
emes du syst`
eme de
l’´
equilibre
Les personnes qui souffrent de TP/A et celles qui sont
aux prises avec des dysfonctions du système vestibulaire
présentent des portraits cliniques similaires par plusieurs
aspects. Trois symptômes physiques sont fréquemment
retrouvés chez ces deux troubles soit la sudation, les nausées
et les vertiges [26]. De plus, les gens avec des dysfonctions
du système vestibulaire adoptent fréquemment des com-
portements d’évitement des situations appréhendées, entre
autres par crainte de ressentir ces symptômes dans des lieux
où il pourrait être difficile de sortir ou de recevoir de l’aide.
Ce modèle comportemental peut s’apparenter à l’évitement
agoraphobique retrouvé dans le TP/A [23,29,34,35]. Cer-
taines hypothèses exploratoires pouvant expliquer le lien
unissant les deux problématiques ont déjà été avancées ; la
prochaine section présente les modélisations permettant la
structuration de ces pistes de recherche.
Mod`
eles explicatifs des liens entre TP/A et
probl`
emes du syst`
eme de l’´
equilibre
Dans une revue des ´
ecrits scientifiques effectu´
ee en 1998,
Simon et al. [26] pr´
esentent les assises empiriques des trois
principaux mod`
eles ´
elabor´
es jusqu’`
a maintenant pour expli-
quer les liens entre le TP/A et les probl`
emes du syst`
eme de
l’´
equilibre.
La th´
eorie somatopsychique
La premi`
ere th´
eorie dite «somatopsychique », stipule que
certains cas de TP sont d´
eclench´
es par une mauvaise
interpr´
etation des sensations internes, notamment vestibu-
laires, et sont associ´
ees `
a une sensation de danger imminent
[26]. Par l’entremise d’un processus de conditionnement
int´
eroceptif, ces personnes d´
eveloppent une hypersensibi-
lit´
e aux sensations vestibulaires, ce qui accroˆ
ıt l’anxi´
et´
eet
favorise le d´
eveloppement du TP/A.
TP/A et troubles du syst`
eme de l’´
equilibre 741
La th´
eorie psychosomatique
Selon la deuxi`
eme th´
eorie dite «psychosomatique », les dys-
fonctions vestibulaires sont une cons´
equence de l’anxi´
et´
e
[26]. La sensibilit´
edur
´
eflexe vestibulo-oculaire, qui a
comme fonction de maintenir une perception stable de
l’environnement pendant les mouvements de la tˆ
ete, serait
ici augment´
ee par certaines r´
eponses anxieuses telles que
l’hyperventilation et l’hypervigilance [10].
La th´
eorie du r´
eseau d’alarme
La troisi`
eme th´
eorie dite «th´
eorie du r´
eseau d’alarme », est
de nature neuropsychiatrique [26]. Elle stipule qu’une struc-
ture du cerveau, le locus coerulus, est plus sensible chez les
personnes qui ont des troubles de l’´
equilibre. Cette hyper-
sensibilit´
e ferait en sorte que l’individu puisse ressentir plus
facilement de l’anxi´
et´
e en produisant de fausses alarmes en
lien avec des probl`
emes d’´
equilibre somme toute triviaux,
mais perc¸us `
a travers une lunette grossissante [20].
Certains chercheurs qui ont ´
etabli les assises des mod`
eles
explicatifs pouvant rendre compte des relations entre le
TP/A et les probl`
emes du syst`
eme de l’´
equilibre ont
finalement postul´
e que certains liens neurologiques et neu-
rochimiques unissant le syst`
eme vestibulaire et le syst`
eme
nerveux autonome puissent rendre compte de la simul-
tan´
eit´
e des symptˆ
omes du TP et des ´
etourdissements (i.e.
pertes de conscience passag`
eres, vertiges, sensations de gri-
serie) [5,6,15]. Plus sp´
ecifiquement, Balaban [4] sugg`
ere
que l’un des circuits d’informations du cerveau, soit le noyau
raph´
e dorsal, puisse jouer un rˆ
ole important dans cette asso-
ciation entre les dysfonctions vestibulaires et les r´
eponses
anxieuses. Ce circuit regrouperait les informations motrices
et sensorielles relatives aux mouvements du corps. De plus,
en fonction des aspects aversifs du mouvement, le noyau
raph´
e dorsal serait responsable de l’ajustement de la sensi-
bilit´
e des r´
eponses affectives de l’individu.
La pr´
evalence du TP/A chez les patients qui
consultent pour des probl`
emes de vertiges
Le TP/A semble ˆ
etre tout particuli`
erement pr´
evalent chez
les patients qui consultent pour des vertiges. Dans une ´
etude
r´
ealis´
ee par Simpson et al. [27] aupr`
es des patients qui
pr´
esentent des vertiges sans cause organique identifiable,
76 % rencontraient les crit`
eres du TP/A. Frommberger et
al. [14] ont men´
e une ´
etude similaire aupr`
es de 76 per-
sonnes aux prises avec des probl`
emes d’´
equilibre. Dans cet
´
echantillon, 30 % rencontraient les crit`
eres du TP/A. Quatre
autres ´
etudes recens´
ees entre 1990 et 1997 rapportent des
taux de TP/A variant de 14,9 `
a 41 % chez des patients qui
ont rec¸u une ´
evaluation pour des symptˆ
omes de trouble de
l’´
equilibre [11,12,14,28]. Ces taux, mˆ
eme s’ils sont plus bas
que ceux rapport´
es par Simpson et al. demeurent n´
eanmoins
de cinq `
a 15 fois plus ´
elev´
es que dans la population g´
en´
erale
[19]. Notons cependant que, tel que rapport´
e, la majorit´
e
des recherches d´
emontrent que le TP/A est fr´
equemment
li´
e aux probl`
emes de vertiges, certaines ´
etudes sont moins
concluantes. Ces recherches, portant aussi sur des patients
qui pr´
esentent des vertiges, indiquent plutˆ
ot des taux
de comorbidit´
e´
elev´
es avec d’autres types de pathologies
[14,28].
La pr´
evalence des dysfonctions du syst`
eme de
l’´
equilibre chez les patients avec un TP/A
Une recension des ´
ecrits de Simon et al. [26] rel`
eve cinq
´
etudes qui ´
evaluent la fonction otoneurologique des patients
avec un TP/A. Malgr´
e les diff´
erences existantes entre ces
recherches (i.e. terminologie, tests r´
ealis´
es, d´
efinitions), de
mˆ
eme que certaines limites reli´
ees `
a l’absence de groupe
t´
emoin (trois ´
etudes), des dysfonctions vestibulaires sont
pr´
esentes de mani`
ere significative dans chaque ´
echantillon
d’individus avec un TP/A. De plus, l’´
etude r´
ealis´
ee par Hoff-
man et al. [17] va dans ce sens. En effet, les 19 individus
avec un TP/A ´
evalu´
es pr´
esentent des dysfonctions vestibu-
laires. Plus r´
ecemment, Tecer et al. [30] ont investigu´
ele
fonctionnement auditif et vestibulaire de 34 individus aux
prises avec un TP/A et de 20 sujets t´
emoins. Les r´
esultats
ont d´
emontr´
e une proportion significativement plus ´
elev´
ee
de dysfonctions vestibulaires chez le groupe TP/A clinique
(50 %) comparativement au groupe t´
emoin (15 %).
Caract´
eristiques des individus ayant un
trouble du syst`
eme de l’´
equilibre comorbide `
a
un TP/A
Le rep´
erage d’anomalies du syst`
eme vestibulaire chez plu-
sieurs groupes de patients a pouss´
e certains auteurs `
ase
questionner quant `
alasp
´
ecificit´
e des dysfonctions ves-
tibulaires par rapport au TP/A [33]. Ces chercheurs ont
soulev´
e la possibilit´
e que les dysfonctions vestibulaires
puissent constituer un facteur de vuln´
erabilit´
e commun
`
a plusieurs maladies psychiatriques [26,30].`
A ce propos,
Jacob et al. [18] ont relev´
e la proportion de dysfonctions
vestibulaires pr´
esente chez des gens souffrant de divers
probl`
emes affectifs ou anxieux. Ils ont compar´
e des indivi-
dus aux prises avec un TP/A, une phobie sociale, un trouble
d’anxi´
et´
eg
´
en´
eralis´
ee, une dysthymie ou une d´
epression
majeure. Ils ont aussi constitu´
eun´
echantillon de sujets
t´
emoins (i.e. exempts de psychopathologie). Les r´
esultats
obtenus r´
ev´
el`
erent qu’en comparaison avec tous les autres
groupes de patients, ceux qui pr´
esentaient un TP avec de
l’agoraphobie mod´
er´
ee `
as
´
ev`
ere rapportaient significative-
ment plus de dysfonctions vestibulaires. Alors que plusieurs
´
etudes ont confirm´
e une telle association [18,25,33,36], les
recherches ne sont cependant pas toutes unanimes sur ce
point. `
A cet effet, l’´
etude de Tecer et al. [30] rapport´
ee
ant´
erieurement n’ent´
erine pas ce lien puisque dans cette
´
etude la pr´
esence de vertiges entre les attaques de panique
´
etait la seule condition qui pr´
edisait les dysfonctions du
syst`
eme de l’´
equilibre.
Clark et al. [11] se sont pour leur part int´
eress´
es aux
patients qui consultaient `
a la fois pour des vertiges et
une perte auditive. Seule une certaine proportion de ce
groupe rencontrait les crit`
eres du TP/A (20 %). Ces personnes
pr´
esentaient significativement plus d’´
evitement phobique
et d’anxi´
et´
e, sugg´
erant un niveau de d´
etresse plus ´
elev´
eet
handicapant. L´
etude d’Eckhardt-Henn et al. [13], men´
ee
aupr`
es de 202 patients qui consultaient pour des ver-
742 L. Vaillancourt, C. B´
elanger
tiges, r´
ev`
ele des conclusions apparent´
ees. En effet, les
sujets qui pr´
esentaient un trouble de l’´
equilibre r´
esultant
d’une l´
esion organique et un trouble psychiatrique (patho-
logies anxieuses : 37 %, somatoformes : 40 %, et d´
epressives :
23 %) d´
emontraient significativement plus de d´
etresse, de
plaintes, de difficult´
e`
a travailler et d’absent´
eisme au tra-
vail.
Par ailleurs, certains individus avec un TP/A res-
sentiraient de l’inconfort dans certaines situations o`
u
l’information proprioceptive ou visuelle est inad´
equate pour
une bonne orientation dans l’espace. Ce type de r´
eaction,
connu sous l’appellation d’inconfort spatiomoteur (traduc-
tion libre de space and motion discomfort), corr`
elerait
positivement avec la pr´
esence de dysfonctions vestibulaires
[18]. Cette r´
eaction se pr´
esenterait dans des environne-
ments caract´
eris´
es par un des ´
el´
ements suivants :
une richesse de stimuli visuels ou encore des patrons
visuels r´
ep´
etitifs (par exemple les centres d’achats ou les
all´
ees des supermarch´
es) ;
une instabilit´
e visuelle (par exemple les vitesses de
locomotion diff´
erentes entre le sujet et des objets en
mouvement lors de d´
eplacements dans une foule ou en
automobile) ;
une exigence `
a devoir r´
eorienter son corps par rapport `
ala
gravit´
e (par exemple devoir pencher la tˆ
ete vers l’arri`
ere
afin de regarder le sommet de hauts bˆ
atiments) ;
l’observation de distances visuelles tr`
es longues (par
exemple regarder `
a l’horizon `
a partir d’un observatoire
situ´
e en hauteur). L’inconfort spatiomoteur serait dans
ces situations caract´
eris´
e par les naus´
ees, les vertiges,
les ´
etourdissements ou par des pertes d’´
equilibre.
Conclusion
La recension des ´
ecrits portant sur le trouble panique
avec ou sans agoraphobie et sur les dysfonctions vesti-
bulaires permet donc de confirmer les hypoth`
eses selon
lesquelles il existe des facteurs communs propres aux
deux syndromes. Il convient n´
eanmoins de noter que les
connaissances portant sur la comorbidit´
e des deux troubles
sont encore fragmentaires. Il est probable que cet ´
etat
de faits s’explique partiellement par le syncr´
etisme des
concepts sous ´
etude. Les symptˆ
omes h´
et´
erog`
enes propres
aux deux probl´
ematiques n’´
etant pas toujours clairement
distingu´
es entre eux. Ainsi, l’inconfort ressenti lors de cer-
taines situations o`
u le syst`
eme de l’´
equilibre est sollicit´
e, et
o`
u des caract´
eristiques spatiales et motrices particuli`
eres
sont pr´
esentes, pr´
edirait les troubles de l’appareil vestibu-
laire. Il serait cependant tout aussi possible que les mˆ
emes
symptˆ
omes puissent pr´
edire le TP/A dans un autre environ-
nement. Il devient d`
es lors difficile de poser un diagnostic
exact en se fondant sur une symptomatologie distincte. De
ce fait, peu de param`
etres pour le diagnostic et pour le trai-
tement sont accessibles pour le clinicien qui suspecte qu’un
individu aux prises avec un TP/A puisse avoir un trouble
du syst`
eme de l’´
equilibre, et plus particuli`
erement une
dysfonction vestibulaire. Plusieurs questionnements concer-
nant cette interrelation demandent donc `
aˆ
etre explor´
es et
raffin´
es. Outre le probl`
eme pos´
e par la surimpression des
symptˆ
omes pr´
ec´
edemment d´
ecrit et qui brouille le diag-
nostic, certaines questions devront aussi ˆ
etre adress´
ees en
ce qui a trait aux comportements dysfonctionnels adopt´
es
comme strat´
egie de gestion du trouble. Notamment, les
individus avec un TP/A avec et sans dysfonction vestibu-
laire ´
evitent-ils le mˆ
eme type de situations ? L’hypoth`
ese,
selon laquelle les individus avec un TP/A coupl´
e`
a un trouble
de l’appareil vestibulaire puissent ´
eviter certaines acti-
vit´
es sollicitant particuli`
erement le syst`
eme de l’´
equilibre,
peut ˆ
etre pos´
ee. Par exemple, le fait de marcher sur des
surfaces in´
egales, d’ˆ
etre assis dans un v´
ehicule en mou-
vement ou de se trouver en hauteur et de regarder vers
le bas sont toutes des situations propres `
a effrayer la
personne souffrant d’un trouble de l’´
equilibre. Cette per-
sonne devrait, toutes proportions gard´
ees, ´
eprouver plus
de craintes dans ces situations, par opposition aux situa-
tions plus g´
en´
erales ´
evit´
ees par l’agoraphobe. Hormis le
caract`
ere diff´
erent des situations ´
evit´
ees, il serait aussi
plausible que les assises cognitives des craintes portant sur
les symptˆ
omes physiques puissent diff´
erer chez les individus
avec un TP/A selon qu’ils pr´
esentent ou non une dysfonction
du syst`
eme de l’´
equilibre. En effet, les premiers pourraient
par exemple craindre de perdre l’´
equilibre, de tomber ou
encore d’avoir la naus´
ee, alors que les seconds pourraient
´
egalement appr´
ehender des symptˆ
omes cardiaques ou res-
piratoires. De plus, en fonction du syst`
eme impliqu´
e dans
le trouble de l’´
equilibre (i.e. syst`
eme visuel, propriocep-
tif ou vestibulaire), la proportion d’individus qui pr´
esentent
un TP/A diff`
ere-t-elle ? La similarit´
e dans la symptomato-
logie des deux troubles semble sugg´
erer que les individus
dont le syst`
eme vestibulaire est dysfonctionnel sont plus
propices `
apr
´
esenter un TP/A. Tel que discut´
e, il serait
concevable que les symptˆ
omes de ces deux pathologies
se voient associ´
es par un m´
ecanisme de conditionnement
d’une phobie int´
eroceptive. Mˆ
eme s’il est possible de
poser l’hypoth`
ese de symptomatologies distinctes pour les
deux probl´
ematiques sous ´
etude, tel que pr´
ec´
edemment
expos´
e le syncr´
etisme de ces concepts est susceptible
de g´
en´
erer certaines confusions dans l’´
etablissement de
ces diagnostics. Une op´
erationnalisation plus fine de ces
concepts pourrait donc aider les cliniciens `
aˆ
etre alertes
aux indicateurs pouvant pister vers l’existence de dysfonc-
tionnements du syst`
eme de l’´
equilibre chez certains clients.
Le d´
eveloppement d’une nosologie plus fine des caract`
eres
distinctifs de ces deux probl´
ematiques demeure donc un
objectif pour les prochaines recherches portant sur le sujet.
L’´
etat des connaissances actuelles en ce qui a trait au
chevauchement des symptˆ
omes du TP/A et des troubles de
l’´
equilibre est-il susceptible d’apporter un ´
eclairage nova-
teur sur la prise en charge de ces troubles ? Il semble exister
un rapprochement entre les composantes actives comprises
dans les traitements respectifs pour chacun de ces deux
troubles [9]. L’analyse de l’efficacit´
e des diverses compo-
santes sur les symptˆ
omes des deux troubles n’a cependant
encore jamais ´
et´
er
´
ealis´
ee. Ce type de recherche ´
evaluative
pourrait permettre de pr´
eciser les ´
el´
ements actifs du trai-
tement, en pr´
ecisant quels symptˆ
omes pour chacun des
troubles sont trait´
es par quelle(s) composante(s) du trai-
tement. Le but ultime ´
etant d’offrir `
a chaque client le
traitement le plus adapt´
e`
a sa condition.
Une derni`
ere piste de recherche se dessine par rapport
`
a l’examen de l’influence d’une dysfonction vestibulaire
chez les personnes qui suivent un traitement pour le TP/A ;
1 / 6 100%

Comorbidité du trouble panique et des troubles du syst`eme de l

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !