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Mourad Mahdjoubi : du micro au barreau
le 14 mai 2013
AVOCAT
Tous les avocats n’ont pas un parcours linéaire. Certains ont fait des détours, avant d’enfiler la robe
noire. Il y en a même un qui est monté sur scène en survêt’, verbe haut et poing levé, pour imposer
le rap en France.
« Je m’appelais Numéro Sept. C’était mon blaze, quoi ». Avant de devenir avocat au barreau de
Marseille, Mourad Mahdjoubi a connu une autre vie. Hier, il montait sur scène en survêt’ pour un
free-style ou une battle. Aujourd’hui, il se rend dans la salle d’audience en robe noire pour une
plaidoirie. Il y a une vingtaine d’années, il était le MC (maître de cérémonie) du groupe de rap
Uptown, une des premières formations de hip-hop de la cité phocéenne. Il a fait partie, comme il le
dit fièrement, de cette « première génération d’activistes marseillais », de celle qui a contribué à
installer définitivement le rap dans le paysage musical français.
L’histoire démarre à la fin des années 80. Comme pour le jazz au lendemain de la Première Guerre
mondiale, ce sont les soldats américains qui font découvrir ce nouveau son, né à New York dans les
années 1970, aux jeunes Marseillais. « On avait de bons contacts avec les Marines, se souvient
Mourad Mahdjoubi. On jouait au basket, on allait voir des films de Spike Lee ensemble, on
échangeait des T-shirt ou des Zippo, etc. Mais surtout, ils ont été nos premiers fournisseurs en
cassettes ». Grâce aux militaires et à leurs « ghettoblasters », ils font connaissance avec les
pionniers du mouvement : The Sugarhill Gang, The Grandmaster Flash, Afrika Bambaataa…
Ils se retrouvent alors sur la place du général-de-Gaulle, en bas de la Canebière, pour écouter ces «
mixtapes » et faire quelques pas de « breakdance » sous l’œil méfiant des passants. Le groupe
Uptown se forme dans cette ambiance de « révolution culturelle » et devient, au fil des concerts, «
l’un des plus célèbres groupes de rap de l’undaground marseillais ». Il lance deux albums
auto-produits, participe à l’opus Ombre et Lumière d’IAM en 1993, et sort même un titre sur la
compilation Police en 1997. Mais il ne connaîtra jamais le succès ni la longévité d’Akhenaton et de
sa bande qui sortent cette année leur 6e album et fêtent leur quart de siècle d’existence.
De l’autre côté
Pourtant, pour les initiés, Uptown reste un groupe mythique pour être l’un des premiers groupes à
avoir proposé un rap « conscient ». « Par ses thèmes, ancrés dans la réalité des quartiers
populaires, mais aussi par le choix d’angles narratifs originaux, le groupe a été une source
d’inspiration pour les nombreux musiciens hip-hop qui allaient se faire connaître à Marseille et
ailleurs dans les années suivantes », analyse aujourd’hui Karim Hammou, sociologue et auteur
d’Une histoire du rap en France*.
Le succès commercial lui ayant échapper, Uptown finit par se séparer. « Numéro Sept » abandonne
le micro pour travailler à plein temps dans le secteur associatif, puis finalement, se lance dans des
études de droit. En janvier 2013, il intègre le barreau marseillais. Selon Karim Hammou, Mourad
Mahdjoubi est même le seul ancien MC à être devenu avocat. « Peut-être qu’inconsciemment, j’ai
toujours voulu défendre la veuve et l’orphelin, sourit l’intéressé. Pourtant, cela n’a pas toujours été
bien vu. Certains ont pensé que je passais de l’autre côté de la barrière, c’est-à-dire du côté de
l’institution judiciaire avec tout ce qu’elle représente…» Les clichés n’existent pas que pour le rap.
*Une histoire du rap en France, éditions La Découverte.
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