TA Ï WA N Le père André Lefebvre : un psychologue qui invite à aller au-delà. Tout au long de l’année 2010, le BRIGAND a présenté dans chacun de ses numéros le portrait d’un des jésuites originaires de chez nous qui a vécu l’ensemble de son engagement missionnaire en milieu chinois, sur l’île de Formose, à Taïwan. Pour terminer cette série et clore ce dossier exclusif, voici un personnage coloré : un homme entier, vigoureux à tout points de vue, que ses 86 ans n’empêchent pas de servir des personnes en difficulté grâce à sa spécialité en counselling et en psychologie. C’est le père André Lefebvre. Pierre Bélanger : Père Lefebvre, les lecteurs du BRIGAND n’ont pas eu tellement d’occasions de vous connaître. Parlez-nous d’abord de vos origines québécoises, de votre famille, de votre enfance. André Lefebvre : Je dirais d’abord que, quand j’étais jeune, je n’avais aucunement l’idée de devenir prêtre; je n’avais pas d’attrait pour ça. Je demeurais à Sainte-Thérése de Blainville. Quand j’ai eu 15 ou 16 ans, ma famille est déménagée à Montréal. Alors maman m’a dit : « Tu vas aller au Collège Saint-Ignace. » Et quand je suis arrivé là, je me suis aperçu que c’était un collège qui préparait des vocations sacerdotales... Je n’étais pas content; je me rappelle même avoir donné un coup de poing dans le mur! Je savais que ma mère voulait que je devienne prêtre. Elle-même était entrée au noviciat d’une congrégation mais elle n’avait pas fait ses vœux; elle était demeurée extrêmement fervente. Alors, me voilà au collège, avec des jésuites, certains en régence ou d’autres déjà prêtres. À ma surprise, j’ai été charmé par leur façon d’enseigner : le contenu, c’était du solide, il y avait de l’humour et de très bonnes relations entre eux et nous en dehors des classes. J’ajoute que j’avais toujours aimé jouer au hockey, et là j’avais l’occasion de jouer contre les pères, notamment le père Bourque, excellent hockeyeur. Alors l’idée que SES INTÉRÊTS AU COLLÈGE : LE PATIN, LE HOCKEY 4 j’avais du prêtre a complètement changé. Un prêtre, ça n’était pas une statue en prière! J’ai bien aimé être au Collège Saint-Ignace. Tellement que quand je partais le matin, j’apportais mes sandwichs pour les trois repas. En arrivant au collège, j’allais à la messe, je prenais mon petit déjeuner ensuite; le soir, je restais après le souper dans la salle d’études : j’aimais lire et étudier. PB : Quelques mots encore sur votre famille? AL : Nous étions 12 enfants, 5 garçons, je suis le troisième, puis 7 filles. Mais il faut dire que deux sont morts assez jeunes. Nous étions pauvres, papa était souvent au chômage. Heureusement, j’avais un oncle, le P. Romulus Desrochers, qui avait été le procureur de la Compagnie de Jésus au Québec. C’est lui qui m’a baptisé… mais ça n’est pas ça qui a influencé ma vocation! Il est ensuite parti pour Rome où il a travaillé à l’économat général des jésuites. Ma mère était très pieuse, au point que ça me faisait fâcher. Elle nous faisait réciter le chapelet, écouter les litanies. Je me souviens que parfois je riais pendant la prière. Par ailleurs, à la chapelle du collège, il y avait une peinture de saint Ignace qui s’offrait au Christ. C’est là que j’ai compris que les pères jésuites qui se dévouaient pour nous étaient comme saint Ignace : ils se donnaient au Christ pour servir. En même temps, ils avaient aussi beaucoup d’humour. C’est à partir de là que je me suis identifié à eux. Ma vocation a grandi peu à peu en moi. PB : Vous souvenez-vous de quelques anecdotes significatives de votre temps de collège? AL : Un jour, le père Henri Lalonde, le recteur, m’appelle et me dit : « J’ai remarqué que tu prends tes trois repas avec des sandwiches; ce n’est pas bon pour ta santé. » Je lui ai dit que nous n’étions pas riches. Alors quelques jours plus tard, il m’a offert d’être le lecteur au réfectoire des pères. Les midis et soirs, j’avais ma nourriture gratuite! Au début du repas, un jésuite lisait un passage de TA Ï WA N l’Écriture sainte; puis je venais faire d’autres lectures, parfois la revue Relations. De temps à autre, j’arrivais pour lire et le supérieur disait « Deo Gratias » : tout le monde pouvait parler, je n’avais pas à lire… mais je pouvais quand même manger! Ma vocation est venue aussi à travers ça! PB : Vous avez donc choisi d’entrer dans la Compagnie de Jésus? AL : Ma mère s’apercevait bien que j’étais toujours au collège… elle ne s’en plaignait pas et espérait que je devienne prêtre. Moi, je ne disais rien; j’étais trop orgueilleux devant les autres et ne voulais pas dire que j’avais changé d’idée sur les prêtres et la religion. Un moment donné, les jeunes jésuites, les régents, ont appris que ma mère jouait du piano. Ils sont venus chez moi : avec mes frères et sœurs, on chantait et on faisait de la musique. En fin de compte, en 1943, je me suis décidé : j’avais presque 19 ans et je suis entré dans la Compagnie de Jésus. Je l’ai annoncé à maman… elle a pleuré de joie : sa prière était exaucée. PB : Quels souvenirs avez-vous de vos années de formation? Qu’est-ce qui vous a frappé surtout? AL : J’ai aimé ça, le noviciat et le juvénat. Et je me souviens en particulier que notre Père Maitre, le père Gérard Goulet, nous avait dit un jour que n’importe quel jésuite, s’il voulait devenir missionnaire, pouvait écrire une lettre au Père Général et s’offrir pour les missions. Au départ, je ne sentais pas que c’était pour moi… mais un jour, mon conseiller spirituel, le père Belleau, devant certaines de mes réactions, m’avait dit : « André, tu as une bonne santé; as-tu déjà pensé aux missions? » Je songeais plutôt à l’enseignement, à faire comme les jésuites que j’avais aimés au collège. Je ne pensais donc pas devenir missionnaire. Mais après la philosophie, en 1949 je pense, on célébrait le 3e centenaire de la mort de Brébeuf et j’ai eu l’occasion de lire des lettres de missionnaires, en particulier les missionnaires de Süchow, en Chine. Le P. Pouliot, qui était Provincial, était allé voir nos pères qui devaient faire face au communisme montant. Il nous avait donné une conférence à son retour. C’était extrêmement intéressant mais c’était triste aussi d’apprendre que nos missionnaires devraient sortir de Chine et s’expatrier aux Philippines. Sa conférence m’a ému. Le lendemain matin, je suis allé frapper à sa porte et je lui ai dit DURANT LE JUVÉNAT (SAULT-AUX-RÉCOLLETS) BAPTÊME DE JEUNES CHINOIS que j’étais prêt à m’engager pour être missionnaire. PB : Vous pouvez donc maintenant, 60 ans après ces évènements, mettre le doigt sur l’évènement qui a vous a orienté vers les missions. AL : Quelques semaines plus tard, j’ai reçu une lettre m’annonçant que j’avais été accepté pour être du groupe des missionnaires de Chine. On m’a envoyé aux États-Unis pour pratiquer l’anglais et, en 1951, je suis parti. À la gare Windsor de Montréal, ma famille était là… À cette époque, on partait pour la vie! Je me souviens que ma mère et mes sœurs surtout se sont mises à pleurer. Je partais pour les Philippines, pour aller y apprendre le chinois, à l’école de langues. Nous vivions avec les scolastiques chinois. Le midi, on parlait en mandarin, le soir en anglais. Nous vivions dans des baraques, dans des conditions de grande simplicité. Mais j’aimais ça et je ne me plaignais pas, alors que certains confrères avaient l’impression d’être dans un camp de concentration. En fait, je prends habituellement les choses du bon côté! J’ai été ensuite du premier groupe de scolastiques venus à Taïwan; avant moi, on considérait que la situation de tension entre la Chine continentale et Taïwan était inquié5 tante et on n’avait pas osé y envoyer des étudiants jésuites. J’ai continué à étudier le chinois. Le matin, je lisais le journal chinois puis, l’après-midi, avec un professeur chinois qui enseignait l’anglais, je traduisais des textes en chinois. Pour moi, étudier le chinois, c’était un plaisir; j’étais toujours avec les Chinois. Je me disais : « J’ai quitté mon pays; maintenant ma langue, c’est le chinois. » Et je me préparais avec les autres à retourner sur le continent. PB : Vous étiez parti pour aller servir en Chine, dans le territoire qu’on appelle la Chine continentale… mais vous êtes resté à Taïwan! AL : C’est vrai; j’ai vécu et je vis sur ce territoire indépendant qu’est Taïwan, mais je suis au service des Chinois. Je remercie le Seigneur pour cette capacité d’adaptation qu’il m’a donnée : je n’ai jamais eu de difficulté. On m’a envoyé faire ma théologie aux Philippines durant trois ans et j’ai été ordonné prêtre en 1958. Durant ma théologie, j’ai beaucoup lu en chinois, au moins une quarantaine de livres, tandis que mes confrères, bien souvent, ne se confinaient qu’à leurs manuels. J’ai fait une quatrième année de théologie, puis le Troisième an, et je suis revenu définitivement à Taïwan. TA Ï WA N MANUEL LATIN-CHINOIS POUR MÉDECINS ET INFIRMIÈRES AVEC DES ÉTUDIANTS, UNIVERSITÉ JÉSUITE FU JEN PB : Vous dites « définitivement » : est-ce que, dans votre esprit, vous attendiez toujours de retourner sur le continent? AL : Je constate que ça a été définitif; à ce moment-là, je ne le savais pas. D’ailleurs, comme j’aimais bien les études, j’avais demandé à étudier la psychologie. Pourquoi cette matière? Probablement à cause des bons souvenirs des cours de psychologie que le P. Robert Picard nous avait donnés à Montréal. Je pensais faire ces études à Taïwan, mais un jésuite français m’a suggéré que pour cette matière, c’était préférable d’aller aux États-Unis. Ça m’a été accordé. Je me préparais à partir quand, un peu avant la Saint-Ignace, je reçois une lettre du père Provincial me disant : « André, je te demande de faire un sacrifice. À Taichung, où tu demeures, nous sommes à construire un centre pour les étudiants, le Gonzaga Student Centre. On a besoin de quelqu’un pour vivre avec les étudiants et les accompagner. » Je me suis dit : « J’étudierai plus tard! » Ça a été une belle expérience, en particulier parce que le collège de médecine de l’université cherchait un professeur de latin. À ce moment-là, le latin était obligatoire dans tous les collèges de médecine de Taïwan et, partout, c’était des prêtres qui enseignaient. Je me suis offert et j’avais une centaine d’étudiants. Trois ans plus tard, en 1963, j’ai décidé de publier un livre : Le latin de la médecine, en chinois. Et c’est devenu le manuel obligatoire dans tous les collèges de médecine de Taïwan. J’en ai vendu des dizaines de milliers. Ce n’est pas de la littérature, c’est assez technique : je présente plus de 700 racines qui viennent du latin ou du grec, je donne le sens en chinois et je donne des exemples, en tout plus de 3500 exemples. Les étudiants aimaient ma méthode. Je leur disais : « Si vous maîtrisez ces 700 unités de base, vous pouvez deviner, comprendre et mémoriser plus facilement des dizaines de milliers de termes liés à la médecine, mais aussi à bien d’autres choses, en anglais, en français, en italien, en portugais. PB : Ce fut pour vous une occasion de devenir professeur, comme vous l’aviez déjà espéré. AL : Je l’ai fait durant six ans; j’ai aussi enseigné le français durant ces années. En 1966, 15 ans après mon départ de Montréal, je suis retourné sur le continent américain : un mois dans ma famille et 2 ans pour faire une maitrise en psychologie à l’Université Columbia, à New York. Devant mes résultats, le délégué du Provincial pour la formation m’a encouragé à faire un doctorat. Pourtant, quand j’avais quitté Taïwan, c’était avec l’idée de revenir le plus vite possible. J’ai tout de même continué les études, mais je me suis abonné à deux revues chinoises, pour continuer à lire en chinois, et puis, une fois par mois, je partais dans le quartier chinois, seul. Je mangeais avec les Chinois, allais au cinéma chinois, etc. Dès que je suis revenu à Taïwan avec mon diplôme en main, je suis allé à l’Université Nationale et j’ai été accepté comme professeur au département d’éducation et de psychologie. J’ai aussi travaillé depuis ce temps comme professeur en counselling aux niveaux de la maîtrise et du doctorat à l’Université Normale nationale, une université spécialisée dans la formation des maîtres. PB : Dans quel courant vous êtesvous situé, en psychologie? AL : J’ai enseigné l’histoire de la 6 psychologie, la psychologie sociale, le counselling, la psychologie du développement, la psychosynthèse, la psychologie de la religion, puis la psychologie humaniste et transpersonnelle. Mais au cours des dix dernières années, je me suis concentré sur la psychologie humaniste et transpersonnelle. PB : Parlez-nous de ça. Pourquoi avoir choisi tout particulièrement cette approche? AL : Il y a beaucoup d’écoles en psychologie et peu de points de rencontre entre les écoles! L’intérêt de la psychologie humaniste, pour quelqu’un comme moi, c’est que, contrairement à une psychologie behavioriste, mécaniciste, qui nie à l’être humain une volonté libre et qui insiste sur le conditionnement, la psychologie humaniste propose une conception de la personne humaine qui me permettait de voir mon travail comme un apostolat. PB : Avec cette approche, vous pouviez faire un lien avec votre vocation jésuite? AL : En effet, des liens avec les humanités, la littérature. J’ai été influencé par un certain Roberto Assagioli. C’est un psychiatre italien qui était disciple de Freud mais qui, tout en acceptant les concepts de base de Freud, affirmait que ceux-ci ne suffisaient pas à expliquer la psychologie humaine. Après avoir fait l’analyse – ce que proposait Freud – il fallait, disait Assagioli, faire la synthèse. Cela l’a mené à développer une sorte de psychologie spirituelle, pas nécessairement religieuse, mais sans nier la place du religieux. Il a insisté sur le fait que l’être humain trouve aussi son sens dans le spirituel. Ça m’a intéressé. C’était la première fois que je rencontrais une approche qui me permettait de faire TA Ï WA N une synthèse entre ma foi et la psychologie. J’ai aussi entendu parler à cette époque d’Abraham Maslow, le fondateur de la psychologie humaniste. Celui-ci a réalisé que la révolution humaniste permettait d’aller plus loin dans la compréhension de l’être humain si on considérait la dimension spirituelle. Même s’il se disait athée, il a affirmé qu’à la hiérarchie traditionnelle des besoins, besoins physiologiques, psychologiques, actualisation de soi, il fallait ajouter les « meta needs », les besoins ultimes, ceux qui invitent à aller audelà. Il emploie aussi le préfixe « trans », comme dans transformer, transfiguration, transcender. PB : Ce qui vous a mené, si je comprends bien, à la psychologie transpersonnelle. AL : En effet. Quand un besoin n’est pas satisfait, ça produit une frustration. Quand un besoin est satisfait, ça produit un plaisir. Si un besoin n’est pas satisfait pendant longtemps, ça peut produire une maladie physique, puis psychologique, et puis métapathologique. Maslow a aussi parlé de valeurs et des métavaleurs; il a inventé le terme « metalife », la vie dans ce qui dépasse la vie ordinaire. Ainsi, alors que Freud a proposé la « psychologie des profondeurs », en soulignant que tout se passe dans les fondations, le soubassement d’une personne, il y a aussi la « psychologie des hauteurs », un étage du haut dont les fenêtres permettent de regarder vers le ciel. J’aime enseigner cela parce que ça convient à toutes les cultures et, pour moi, c’est une forme de pré-évangélisation. Si les gens peuvent accepter qu’il y a en eux quelque chose qui peut les mener plus haut, ils sont préparés à accueillir le spirituel, la religion, la prière. PB : Et comment cela nous amène-til à la psychologie transpersonnelle? AL : Premièrement, cette psychologie ajoute la dimension spirituelle à la psychologie humaine, même si cela ne veut pas nécessairement référer à la dimension religieuse. Maslow insiste sur « l’au-delà du petit moi ». C’est une psychologie qui appelle au dépassement. En chinois, il y a une expression qu’on peut traduire par « sacrifier le petit moi pour le grand moi », c’est-à-dire vivre pour les autres, avoir de la compassion, d’autres valeurs communes à toutes les grandes religions et cultures. La psychologie transpersonnelle, c’est comme un tremplin, ça prépare le cœur, l’esprit. AU COURS D’UNE EUCHAR ISTIE AU TIEN EDUCATION AL CENTRE DYNAMIQUE DE GROUPE CONFÉRENCE À PÉKIN En proposant la psychologie transpersonnelle, je ne donne pas l’impression de prêcher puisque je cite des savants plutôt que des auteurs spirituels, mais c’est de l’apostolat, à mon avis. Comme directeur du centre de counselling que nous avons établi ici à Taipei, j’ai reçu plus de 7000 universitaires, durant plus de 20 ans, tous les jours, sauf le lundi. Je les aidais à développer leurs potentialités. À partir de cette expérience, je me suis dit qu’il 7 fallait que j’écrive quelque chose sur cette méthode. La psychologie qu’on enseignait dans les cours universitaires et dans les manuels ne mentionnait pas la dimension spirituelle; à mon avis, il n’y avait pas là de « méta », on restait en superficie. Je trouvais qu’on présentait aux étudiants une conception des êtres humains qui était réductrice, incomplète. J’ai fait des recherches et j’ai vu qu’il y avait un fort courant qui allait dans le sens de la TA Ï WA N CERTAINS OUVRAGE D’ANDRÉ LEFEBVRE, PUBLIÉS EN CHINOIS psychologie transpersonnelle. En 1994, j’ai imprimé une bibliographie de plus de 750 pages sur la psychologie transpersonnelle, divisée en 31 chapitres. J’ai proposé ça à une maison d’édition aux États-Unis, mais les responsables se sont rendus compte qu’en quelques mois l’ouvrage serait dépassé puisqu’on continue à publier beaucoup dans cette ligne. Il faudra donc que ce soit plutôt sur internet. Et c’est en un sens ma mission actuelle : j’en ai parlé au supérieur et nous avons commencé à proposer ce travail sur le site de l’Institut Ricci, rattaché à l’université Fu Jen, l’université jésuite de Taïwan. PB : Vous avez publié d’autres ouvrages, par ailleurs. AL : En effet. Par exemple, j’ai écrit en 1992 un livre sur la psychologie transpersonnelle; on a publié déjà cinq éditions et, il y a quelques mois, quelqu’un a réédité cet ouvrage en caractères abrégés, ce qui rendra mon ouvrage encore plus accessible dans tout le monde chinois. J’ai enseigné dans 13 universités, dans cinq écoles de médecine et d’infirmières. Récemment, une université bouddhiste m’a invité pour diriger une thèse. Je continue de donner des conférences. Mon optique, c’est toujours d’aider les gens à découvrir qui ils sont vraiment, leur « vrai moi ». Je continue ce que saint Paul a dit sur l’importance de considérer l’être entier, comprenant le corps, l’esprit, l’âme. Je me réfère à sainte Thérèse d’Avila qui a dit que l’esprit, c’est la pointe de l’âme. Le « vrai moi » dépasse donc de beaucoup le « moi » et je puis m’appuyer sur 24 psychologues de renom qui, dans une trentaine d’expressions ou de termes différents parlent du « vrai moi ». En même temps, pour avoir un portrait plus complet de moi, on pourrait ajouter que, à Taïwan, j’ai fondé le premier club de hockey sur glace : les Ours polaires! PB : En conclusion, comment votre œuvre, ici dans le monde chinois, estelle une œuvre spécifiquement jésuite? AL : Pour moi, tout se ramène au service. Quand j’étais jeune, j’étais scout, et l’engagement que nous prenions, c’était de servir. C’est ce qui m’a rejoint encore quand, à genoux devant saint Ignace, au collège, j’ai choisi ma vocation. Puis, c’est devenu plus précisément : servir LES POLAR BEARS, 1er CLUB DE HOCKEY À TAIWAN, FONDÉ PAR LE P. LEFEBVRE 8 parmi les Chinois. Venait ensuite la question « comment servir? ». Baptiser, enseigner le catéchisme? Je ne le voyais pas clairement. L’enseignement des langues m’était ouvert, mais je trouvais ça superficiel. Je cherchais un service qui rejoigne en profondeur les Chinois que je rencontrerais. Alors j’ai pensé à la psychologie et, pour aller encore plus profondément, à une psychologie humaniste, dans le sens du cours classique qui m’avait marqué. C’est à cause de l’ensemble de ma formation jésuite, depuis le collège, que j’en suis venu à proposer ce que je pourrais appeler la psychologie transnaturelle. Je sers, je me dévoue en amenant les gens à avoir une connaissance d’eux-mêmes, une conception d’euxmêmes qui les transcende. PB : Y a-t-il quelques mots, en terminant, que vous aimeriez ajouter pour les abonnés du BRIGAND? AL : Je les encourage à continuer à prier pour le travail des missionnaires, où qu’ils soient, partout dans l’Église. Le Saint Esprit travaille partout, mais il a besoin de collaborateurs, et les missionnaires sont ses instruments, ses collaborateurs. Je remercie donc les bienfaiteurs de leur soutien; ils participent au travail des missionnaires à l’étranger. Plus encore, eux-mêmes sont missionnaires aussi car on se souviendra que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’a jamais quitté son pays et qu’elle est pourtant la patronne des missionnaires avec saint François-Xavier. Chacun et chacune est donc missionnaire à sa façon.