Tabac et Psychiatrie : aspects cliniques

publicité
Tabac et Psychiatrie :
aspects cliniques
Dr Laurent MICHEL
Centre de traitement des addictions
Hôpital Emile Roux
Limeil-Brévannes
Comorbidité psychiatrique
population générale
Farrell et al (2001) Br J Psychiatry
50%
45%
40%
30%
30%
22%
20%
12%
10%
0%
pas d'addiction
tabagisme
dépendance alcool
dépendance drogues
Dépression
Liens Tabagisme - Dépression


Un risque relatif associé au statut de dépendance tabagique
Un risque de suicide accru (x2) chez les fumeurs



Un risque dépressif au sevrage faible pour ceux n’ayant pas
d’antécédents, mais augmentant avec la récurrence d’épisodes
dépressifs passés



de 2% si aucun antécédent à 30% si > 1 antécédent
Si humeur dépressive au sevrage : fréquence de l’échec
Antécédents dépressifs




femmes surtout,
proportionnel à l’importance de la dépendance (x4 si > 25 cig/j)
Moindre fréquence d’arrêt du tabac
Syndrome de sevrage plus intense et plus prolongé
Plus grande fréquence des échecs lors des sevrages
Pas de lien de causalité directe mais un partage probable de facteurs
de vulnérabilité, notamment génétiques
Troubles Anxieux
Dépression majeure / troubles anxieux
Breslau et al (1991) Arch Gen Psychiatry
5
4,38
4
3,11
3
dépression majeure seule
2,03
2
anxiété seule (toutes formes)
dépression majeure + anxiété
(toutes formes)
1
0
OR de dépendance à la nicotine
Anxiété Primaire et/ou
Secondaire ?

Evaluation du profil de fumeurs à 16 ans puis à 21
ans (Johnson et al (2000) JAMA)



Ceux fumant plus de 20 cig/j présentent à 21 ans plus de troubles anxieux
mais semblent protégés contre la phobie sociale
Ceux présentant à 16 ans un trouble anxieux n’ont par contre pas plus de
chance à 21 ans de présenter un tabagisme >20 cig/j (OR non significatif)
 Le fait d’avoir un trouble anxieux jeune n’est donc pas prédictif d’un
tabagisme ultérieur
Anxiété post-sevrage West et al (1997) Am J Psychiatry

Réduction de la dimension anxieuse 4 semaines après le sevrage
 Arguments en faveur d’une anxiété secondaire
Schizophrénie
Schizophrénie

Prévalence




Quel(s) lien(s) ?




2 à 3 fois supérieure à celle de la population générale
la plus élevée parmi les diagnostics psychiatriques
intoxication (cotinine) plus élevée que chez contrôles
Facteurs de vulnérabilité génétique partagés ?
Automédication de certains symptômes, d’effets secondaires des traitements, lutte
contre le déficit cognitif associé à la maladie ?
Certains facteurs environnementaux (stress) pourraient accroître l’expression des
comportements tabagiques et le déclenchement de troubles psychiatriques ?
Incidence thérapeutique

augmentation du métabolisme (CYP 1A2 ou 2D6)





haloperidol (x 2 à 7)
doses d’antipsychotiques plus importantes chez les fumeurs
plus de dyskinésies tardives
moins d’effets extra-pyramidaux (lutte contre effets des antipsychotiques ?)
Sevrage

maintien de l’arrêt du tabac à 6 mois ou 1 an + faible que les contrôles mais néanmoins
significatif
Législation

1 février 2007 : interdiction de fumer dans
les lieux publics, hôpitaux publics compris
 On
ne pourra fumer que dehors
 L’installation d’un fumoir est prohibée
 …et pas d’exception pour les services de
psychiatrie
% prevalence cigarette somking
Tabac et diagnostic psychiatrique
chez des patients institutionnalisés
100
90
80
74
70
70
74
70
60
50
40
30
20
10
0
Schizophrenia
delusional
Affective
psychosis
Neurotic
disorder
Homeless
people
Meltzer et al. Economic activity and social functioning of
residents with psychiatric disorders. London; HMS; 1996.
Profil de tabagisme des patients
institutionnalisés

Fument plus

(51% des schizophrènes contre 8% en population générale fument + de 20 cig/j)

Plus intensément (cotinine)

Ressentent plus de difficulté à ne pas fumer toute une journée


82% des schizophrènes fumeurs contre 57% des fumeurs en population générale
Fument plus souvent leur première cigarette dans les 30 mn
qu’en population générale

72% des schizophrènes fumeurs contre 41% en pop. générale

Prépondérance masculine

41% des personnes déclarant souffrir d’un trouble mental au
cours du mois écoulé sont fumeurs et représentent 40.6% des
fumeurs américains (Lasser et al, JAMA, 2000)
De quelques « à priori »
à revisiter
Moins de conséquences sanitaires
chez les patients en psychiatrie ?


Mortalité

Coefficient de mortalité globale des patients schizophrènes 3 fois
supérieur à celui de la population générale (Brown et al, Br J Psychiatry, 2000)

1ère cause d’excès de mortalité naturelle
Posologies antipsychotiques plus élevées



Par action de la nicotine sur les cytochromes
Impact sur les effets secondaires des traitements

Plus de dyskinésies tardives (posologies plus élevées d’antipsychotiques)

Moins d’akathasie (Activation de circuits dopaminergiques sous-corticaux)
…Et tabagisme passif des patients et des équipes
Moins de désir d’arrêter de fumer ?
Désir d’arrêt de tabac chez des patients institutionnalisés
69
70
58
60
52
50
41
40
30
20
10
0
schizophrènes
bipolaires
EDM
population générale
(Meltzer H et al. OPCS Surveys of Psychiatric Morbidity in Great Britain, London 1996)
Sevrage impossible ?

Sevrage induit par l’hospitalisation dans un service non
fumeur (Prochaska et al, psychiatric services, 2004) :




Sevrage volontaire :


80% de rechute dès la sortie
90% dans les 2 mois
Les 10% restant avaient une faible consommation initiale de
tabac
Maintien d’un arrêt de tabac à 6 mois de 12% (Addington et al, 1998),
15% (Ziedonis et al, 1997) à 20-30% (George et al, 2000)
En population générale :

Chiffres à 6 mois de 20-25%
Maintien de l’arrêt de tabac ?
Epidémiologie de l’arrêt de tabac vie entière
45
40
42,5
37,1
35
30
27,2
25
20
16,6
15
10
5
0
aucun trouble psy (vie entière)
un trouble psy (vie entière)
psychose non affective (vie entière)
trouble bipolaire (vie entière)
(Lasser et al, National Comorbidity Survey, JAMA, 2000)
Tabac et antipsychotiques ?

La clozapine est associée à une consommation moindre de tabac
(McEvoy 1995, George 1995, McEvoy 1999)

Le sevrage est facilité chez les patients traités par clozapine,
olanzapine et rispéridone (George et al, Am J Psychiatry, 2000)

Les sujets traités par halopéridol augmentent leur consommation
de tabac (McEvoy et al, Psychophamacology, 1995)

Les posologies d’antipsychotiques sont diminuées chez les patients
sevrés de tabac
Des conséquences comportementales
et cliniques majeures ?

Pas d’incidence comportementale notable le plus souvent, en
particulier lorsque une prise en charge thérapeutique du sevrage est
proposée

Les incidents relevés le sont dans les unités d’hospitalisations
fermées, accueillant des patients sous contrainte et en grande
difficulté

Ceux ne bénéficiant pas d’une prise en charge sortent plus
fréquemment contre avis médical

Pas de changement significatif constaté dans la symptomatologie
psychotique

Certaines études montrent cependant une discrète
symptomatique (symptômes positifs essentiellement)
exacerbation
En pratique
Dimension institutionnelle
essentielle




Informer le plus tôt possible les patients de l’interdiction
et de sa motivation – les faire participer à la réflexion
Importance de la formation des équipes
Importance d’intégrer l’accompagnement au sevrage
dans les soins courants aux patients
Temps passé à gérer les cigarettes des patients consacré à
d’autres activités thérapeutiques


Appréhensions initiales le plus souvent démenties à distance
des mesures d’interdiction de fumer
Changement rapide de position des équipes après application
des législations
Stratégies Thérapeutiques


Bilan tabac systématique à l’entrée, évaluation de la
motivation à cesser définitivement de fumer
Prescription rapide indispensable de traitements :

patchs, gommes, inhalateurs



Bupropion



Posologies plus élevées (42 mg/j)
Prolongées (6 mois)
Contre-indication si épilepsie ou trouble bipolaire
Importance du soutien institutionnel et de thérapies
brèves et/ou de groupe
Privilégier les antipsychotiques atypiques
Guidelines existants

Irlande


Suède


Recommandations : tobacco cessation and policy
recommandations for psychiatric care
Royaume-Uni


Practical guidelines and obligation towards a smoke free
mental health service – mai 2006
Dr Ann McNeill : Smoking and mental Health, a review of
the litterature (2001)
Hôpital sans tabac : Réseau européen

http://ensh.aphp.fr
Conclusions

Une démarche qui paraît maintenant indispensable
au regard des expériences étrangères

Des patients qui ont tout à y gagner
Des à priori à revisiter
Des équipes à former et mobiliser
Des étapes à respecter



Téléchargement