Paru dans Pratiques(2013)N°63: 30-2 Que ferais-je, si j'avais en charge la politique contre le tabagisme ((Question à 5000$) Robert Molimard Suite à mon article sur le Principe de Précaution, Pratiques me demande ce que je ferais si j’étais en charge de la politique contre le tabagisme. J’essaie en 10 points : 1.-Je ferais la révolution. Ç’en serait une de cesser de s’attaquer aux fumeurs. Ce sont les victimes. C’est eux qui sont malades. Et ils paient pour leur tabac, le plus gourmand c’est l’Etat. Mourant avant l’âge légal, ils paient pour une retraite qu’ils ne prendront pas, et économisent à la collectivité la charge de vieillards dépendants. Et l’on s’acharne contre eux. C’est la double peine. 2.- Je conserverais l’interdiction de fumer: En tous lieux à risque d’incendie: poudrières, plateformes pétrolières, forêts, dans un lit d’hôpital, malades sous oxygène etc. En conduisant une voiture (comme téléphoner, au risque d’accident) Dans les lieux publics clos et transports en commun, du fait de l’inconfort majeur pour les autres. Aux professeurs et aux élèves dans les écoles, jusqu’à l’Université, car y acquérir des connaissances est conquête de liberté. Il serait en contradiction avec cette mission d’y apprendre une forme d’esclavage. 3.- J’instaurerais des obligations Tout fumeur fumant devrait porter sur lui et utiliser une boite à mégots étanche, avec interdiction de jeter les mégots à terre. Les lieux publics clos devraient prévoir une pièce fumoir pour le personnel. 4.-Je lèverais des interdictions. Je trouve inhumain d’interdire à un malade de fumer dans une chambre individuelle d’hôpital, et scandaleux de profiter de sa détresse pour lui proposer patches, gommes ou psychothérapie quand il ne le demande pas. Eventuellement prévoir des chambres fumeurs à 2 à 4 lits, qui deviendraient « non-fumeurs » s’il était impossible d’hospitaliser ailleurs un non-fumeur. Inhumain aussi d’interdire absolument de fumer en prison. Pouvoir fumer en promenade, avoir des fumoirs, ou des cellules fumeurs ventilées et des cellules non-fumeurs. Abusif d’interdire de fumer en plein air, sur des terrasses, dans les parcs et jardins, sur des quais de gare en plein vent 5.- J’abaisserais le prix des cigarettes pour rendre non rentable la contrebande ou de rouler ses cigarettes (pour éviter d’y incorporer des mégots, voire du cannabis). Je favoriserais financièrement les cigarettes ne contenant que du tabac à fort rendement en nicotine, sans sucres et mélasses qui sont addictifs, et sans addition d’arômes. 6.- Je limiterais sévèrement les contenus et rendements en nitrosamines et hydrocarbures poly aromatiques. Je supprimerais les indications de teneur en nicotine, goudrons et oxyde de carbone, qui incitent à croire à un moindre risque. J’autoriserais l’usage du Snus. 7.- Je n’interdirais la cigarette électronique en aucun lieu, et ne la taxerais pas comme produit du tabac. J’autoriserais sa publicité. Je ne la classerais pas comme médicament la réservant aux pharmacies. Je ne limiterais pas le contenu ou le rendement en nicotine de ces e-cigarettes. Je contrôlerais sévèrement les e-liquides quant à la pureté des ingrédients, et assurerais une pharmacovigilance des additifs aromatiques. 8.- Je cesserais de susciter l’agressivité contre les fumeurs, essaierais de développer une compassion à leur égard, comme envers les handicapés. Le droit des non-fumeurs à un air non pollué doit être respecté, comme pour tous, mais ils doivent modérer leurs exigences jusqu’auboutistes, pour éviter d’attiser la chasse aux sorcières qui tend à se développer. On en arrive aux USA à refuser à des fumeurs un appartement dans des immeubles collectifs, une embauche, et l’on intente un procès à quelqu’un qui fume dans son jardin parce qu’on sent la fumée depuis son balcon ! 9.- L’éducation devrait entraîner au contrôle des pulsions, à l’analyse du rapport bénéfices/risques de toute action ou activité. J’informerais sur les risques, mais bannirais toute propagande intensive basée sur la peur. Diaboliser le tabac, l’alcool et autres produits augmente l’angoisse. C’est contreproductif, car le meilleur moyen de lever l’angoisse est d’allumer une cigarette. L’éducation porterait sur le « vivre ensemble », le respect de l’autre et de ses travers, de ses besoins, le moyen de trouver des compromis de convivialité. Mais ça, dans ce monde de compétitivité agressive, c’est vraiment de l’utopie. 10.- Et tout ce que je n’ai pas dit…