
139Chapitre 4 – La marque comme narration
Comme nous l’avons vu, ce sont les valeurs fondatrices, qui structurent à jamais l’identité de
la marque, qui donnent du sens à la marque et la développent comme un projet à long terme.
Il s’agit de son noyau fondateur, fait d’imaginaire et de symbolique profonde. C’est ce qui
permet à tout un chacun de dire : Darty, c’est la confiance ; Coca-Cola, l’éternelle jeunesse ;
Levi’s, l’aventure ; Orange ou Sony, l’innovation et l’avenir, etc.
Ce niveau axiologique assure la continuité et la permanence de la marque dans le temps. La
légitimité, la crédibilité, la cohérence de la marque auprès de ses publics dépend du choix
initial de ces valeurs clés. Toucher à ce noyau axiologique est une opération délicate car cela
revient à remettre en cause les fondements du rayonnement initial, autrement dit de la réussite
de la marque.
Si Canderel devait porter atteinte à son discours sur les valeurs énergétiques, même au profit
du goût et du plaisir (on perçoit dans le discours cette tentation face au poids décroissant
des marques de distributeur dans les ventes du produit générique aspartam, la molécule de
Canderel), ce ne serait pas sans risque. La recette du petit déjeuner, notamment, est sympto-
matique du numéro d’équilibriste de la communication de la marque : du plaisir, bien encadré
par la présence non calorifique de Canderel.
2.2 Le niveau discursif ou la partie la plus visible de la marque
Tout récit met en scène, c’est-à-dire en discours, des éléments figuratifs, immédiatement
compréhensibles et identifiables. Il les dispose ensuite de façon particulière, les articule pour
développer le niveau discursif. Le discours de la marque est alors plus facile à « voir », à
imaginer et nous donne une impression référentielle.
Les valeurs de base sont souvent enrichies dans la communication de la marque par des figures
emblématiques (acteurs, personnages, objets, situations répétitives…) qui deviennent réalité
aux yeux du public et sont inséparables de la marque. Elles permettent souvent, grâce à leur
pouvoir de mémorisation et d’assimilation, une grande économie de moyens narratifs et
souvent de ressources.
Que serait Michelin sans son Bibendum, Marlboro sans son légendaire cow-boy, McDonald’s
sans Ronald, Disney sans Mickey, Darty sans la petite voiture de dépannage… ?
Mais la cristallisation des valeurs fondamentales d’une identité de marque et de la narration à
travers des symboles ou des personnages conduit quelquefois l’entreprise à des choix difficiles.
Ces éléments « adjuvants » de la marque peuvent être sujets au vieillissement, quelquefois à la
mort pour les personnages réels, ou au rejet de la part du public. Ils doivent alors faire l’objet
de changements, toujours difficiles à aborder.
Faut-il laisser apparaître Alain Afflelou comme personnage de chaque spot TV de la marque ?
Comment Vedette va-t-elle survivre à la mère Denis, icône publicitaire préférée des Français ?
Que devient la marque Marie sans Jean-Claude Dreyfus ? Faut-il supprimer définitivement le
personnage de Jean Mineur, symbole vieillissant de la publicité au cinéma ?
Panzani a des difficultés à maintenir ses parts de marché face à Barilla. Le personnage de Don
Patillo, si proche du bon Don Camillo, défenseur infatigable de ses paroissiens, ne fait-il pas
défaut à la marque ?
7622-LIVRE-BrandingManag.indb 139 22/05/12 10:08
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