CARDIOMYOPATHIE
URÉMIQUE
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pression conduit à un épaississement de la paroi artérielle [25]. Des réponses ina-
daptées, éventuellement aggravées par l’urémie, comprennent la fibrose et la cal-
cification de la média avec une diminution de la teneur en fibres élastiques pouvant
conduire à une augmentation de la rigidité vasculaire [4, 26]. Ces altérations arté-
rielles qui ressemblent à celles observées au cours de l’artériosclérose liée à l’âge,
conduisent de façon caractéristique à une pression systolique élevée et une pression
diastolique basse (c’est-à-dire une pression de pulsion augmentée) et s’accompa-
gnent d’une augmentation de la vitesse de l’onde du pouls [27]. L’élévation de la
pression systolique augmente le stress de la paroi ventriculaire gauche au cours de
la systole et contribue ainsi à l’hypertrophie concentrique. La rigidité artérielle
entraîne également un retour précoce de l’onde de pression artérielle après sa pro-
pagation à travers l’arbre artériel qui à son tour aggrave la surcharge pressive du
ventricule gauche [28, 29]. De plus, une pression diastolique basse va compromettre
le flux coronaire qui ne peut avoir lieu que lors de la relaxation cardiaque, et pourra
ainsi potentiellement aggraver le déséquilibre entre l’apport et la demande en oxy-
gène du myocyte et ainsi accélérer la mort myocytaire [29]. L’importance poten-
tielle de ces altérations artérielles est soulignée par une étude récente montrant que
la réflection précoce de l’onde artérielle est un facteur de prédiction indépendant
de la mortalité cardiovasculaire et la mortalité globale chez les patients au stade de
l’insuffisance rénale avancée [30].
PRÉVALENCE ET INCIDENCE
DE LA CARDIOMYOPATHIE URÉMIQUE
Plusieurs études d’observations ponctuelles ont étudié la prévalence de la car-
diomyopathie chez des patients atteints à degrés divers d’insuffisance rénale. Elles
ont révélé une hypertrophie ventriculaire gauche chez une plus grande proportion
des malades ayant l’atteinte rénale la plus sévère ; par exemple 16 p. 100, 26 p. 100
et 50 p. 100 des malades ayant une clairance de la créatinine supérieure à 30 ml/min,
de 10 à 30 ml/min et inférieure à 10 ml/min respectivement, avaient une hyper-
trophie ventriculaire gauche à l’examen échocardiographique [31]. Dans une
cohorte personnelle de 369 malades, la proportion de ceux qui avaient une hyper-
trophie ventriculaire gauche à l’examen électrocardiographique allait de 12 p. 100
chez les patients du quintile avec l’atteinte rénale la plus modérée (clairance de la
créatinine médiane de 44 ml/min) à 25 p. 100 dans le quintile avec l’atteinte la plus
sévère (clairance de la créatinine médiane de 11 ml/min) [32]. Un suivi au long
cours de tels patients nous permettra d’évaluer l’incidence de l’hypertrophie ven-
triculaire gauche. Ainsi, par exemple, parmi 191 malades en prédialyse avec une
prévalence de base de 34 p. 100, 10,6 p. 100 d’entre eux ont développé une hyper-
trophie ventriculaire à l’échographie ultérieure après une période de 12 mois et une
augmentation de l’indice de masse ventriculaire gauche (un paramètre dérivé) de
25 p. 100 [33]. Au moment de la mise en dialyse, la majorité d’entre eux aura une
preuve échocardiographique d’hypertrophie ventriculaire gauche et environ un tiers
d’entre eux aura des signes cliniques d’insuffisance cardiaque [2, 34]. À titre
d’exemple, au cours d’une analyse ponctuelle effectuée chez 433 malades cana-
diens débutant leur dialyse, seulement 18 p. 100 d’entre eux présentaient un écho-
cardiogramme normal [11]. Parmi les malades restants, 16 p. 100 présentaient une