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L’Encéphale, 2007 ; 33 : Septembre, cahier 3
L’hospitalisation pour épisodes dépressifs majeurs
(EDM) est assez peu fréquente comparativement à la
prise en charge de la dépression en ambulatoire. Sur la
base d’une prévalence annuelle de 6 % d’épisodes dé-
pressifs (ANAES, 2002), 5 % des EDM sont hospitalisés.
La dépression correspondait en 1995 à 110 000 séjours
hospitaliers, représentant 7,4 % des séjours en secteur
public psychiatrique et à 25 % des hospitalisations en
secteur privé.
Alors qui hospitaliser ?
L’ANAES (2002) recommande l’hospitalisation dans
les cas suivants :
– risque suicidaire et crise suicidaire d’urgence élevée ;
– dépression sévère et complexe dont les dépressions
résistantes ;
– symptômes psychiatriques ou somatiques sévères
associés ;
– entourage familial ou social insuffi sant ou dysfonc-
tionnel ;
– réponse insuffi sante au traitement en cours ou
mauvaise observance du traitement ;
– dépression majeure après stress aigu (agression
sexuelle, violence physique …).
Une fois l’indication posée, le praticien doit surmonter
la stigmatisation de l’hospitalisation en milieu psychiatri-
que et combattre tous les préjugés. La reconnaissance
de la souffrance du patient, l’information du patient et de
sa famille et la justifi cation de la nécessité de l’hospitali-
sation basée sur des arguments cliniques permettront de
le convaincre. Idéalement, l’hospitalisation devrait s’ins-
crire dans un projet thérapeutique en partenariat avec le
médecin traitant, le patient et sa famille. En réalité les
hospitalisations se font souvent dans l’urgence, dans la
rupture sans qu’il ait été possible de réaliser ce partenariat.
Si le patient et sa famille acceptent, se pose la ques-
tion du lieu d’hospitalisation.
En France, on recense 96 établissements publics de
santé, 181 services de psychiatrie dans les CHU et hôpitaux
généraux et 130 établissements privés. Cependant, entre
1989 et 1997, 41 % des lits ont été supprimés et le nombre
de patients hospitalisés s’est accru de 13 % avec comme
corollaire une diminution de la durée d’hospitalisation.
La pénurie de lits entraîne l’usage détourné des hos-
pitalisations à la demande d’un tiers (HdT) avec une aug-
mentation de 86 % entre 1992 et 2001 de cette modalité
d’hospitalisation.
En 1997, 13 % des patients hospitalisés l’étaient en
HDT.
En cas de tentative de suicide ou de crise suicidaire
d’urgence élevée, 6 points sont à évaluer : le niveau de
souffrance ; le degré d’intentionnalité ; les éléments d’im-
pulsivité ; un éventuel élément précipitant ; la présence
de moyens létaux ; la qualité de soutien de l’entourage
proche.
L’ANAES en 2000 notait déjà 6 points pour défi nir le
degré d’urgence élevée : la planifi cation du passage à
l’acte, l’agitation ou l’anesthésie affective, la douleur et
la souffrance omniprésentes, l’accès direct au moyen de
se suicider, le sentiment d’avoir tout essayé et un patient
très isolé.
Ballenger (1999) énumère les formes sévères de dé-
pression : les dépressions avec risque suicidaire, les
dépressions avec symptômes psychotiques, les dépres-
sions bipolaires caractérisées, les dépressions avec trou-
ble panique, les dépressions avec abus de substances
(alcool surtout), les dépressions atypiques avec agitation,
les dépressions multirécidivantes ou résistantes et les
dépressions avec trouble grave de la personnalité.
Critères et objectifs d’hospitalisation d’un état dépressif
B. RIMLINGER (1)
(1) Psychiatre, Montpellier.