Expérience no 38 Charge spécifique de l’électron La mesure directe des grandeurs physiques de l’électron (e− ) est difficile car celles-ci sont très petites : e ∼ = 1.6 · 10−19 C, m ∼ = 9.1 · 10−31 kg. Plusieurs méthodes permettent cependant la mesure de sa charge spécifique e/m. La méthode simple et précise utilisée dans cette expérience a été mise au point par H.Busch en 1922. 1 Mouvement d’une charge dans un champ électromagnétique La force exercée par le champ électromagnétique sur une particule chargée vaut : F~ = ~ qE ~ + µ0 q(~v × H) |{z} force électrique | {z (1) } force magnétique ~ le champ électrique, H ~ le champ où q est la charge de la particule, ~v sa vitesse, E −7 −1 magnétique et µ0 la constante d’induction (µ0 = 4π · 10 Henry m ). Si la vitesse de la particule est petite par rapport à la vitesse de la lumière (v c), les équations du mouvement s’écrivent : ~ + µ0 q(~v × H) ~ m~v˙ = q E 1.1 (2) Champ électrique nul, champ magnétique constant Dans ce cas, l’effet du champ magnétique seul se décrit par ~ m~v˙ = µ0 q(~v × H). (3) Il est important de remarquer que la force magnétique (force de Lorentz) est toujours perpendiculaire à ~v et, par conséquent, ne travaille pas. Elle ne modifie donc pas l’énergie R R (2) (1) cinétique de la particule (rappel : A1→2 = F~ · d~x = F~ · ~v dt = Ecin − Ecin ). La solution de l’équation (3) avec la condition initiale ~v (t = 0) = ~vl + ~vr (où ~vl ~ respectivement) est la superposition d’un et ~vr sont parallèle et perpendiculaire à H, mouvement à la vitesse constante vl dans la direction du champ magnétique et d’un mouvement circulaire à la vitesse radiale vr perpendiculairement à celui-ci (voir fig. 1). La trajectoire parcourue s’appelle une hélice. Le rayon r du cercle décrit s’obtient en considérant l’équation du mouvement radial mvr2 /r = µ0 q vr H, d’où mvr r= . (4) µ0 qH Il est intéressant de remarquer qu’une révolution complète de la charge se fait dans un temps indépendant du rayon de la circonférence décrite, et donc de la vitesse vr : T = 2πr 2π = . vr (q/m)µ0 H 1 (5) y z H x Fig. 1 – Trajectoire d’une charge (négative) dans un champ magnétique constant. Par conséquent, si l’on considère plusieurs charges émises d’un même endroit A, ayant chacune une vitesse radiale différente mais la même vitesse parallèlement au champ, ces charges termineront leur révolution simultanément en A0 , indépendamment du rayon de leur trajectoire (voir fig. 2). y y A z A,A' A, A' x A' z x q<0 q>0 Fig. 2 – Trajectoires de particules ayant des vitesses radiales vr différentes. 1.2 Champ électrique constant, champ magnétique nul ~ qui s’intègre trivialement. La variation de l’énergie L’équation (1) se réduit à m~v˙ = q E cinétique d’une particule entre deux points 1 et 2 de sa trajectoire vaut : (2) (1) Ecin − Ecin = A1→2 = q Z 2 1 1 mv22 − mv12 = q V 2 2 où V = R2 1 ~ · d~x est la tension entre 1 et 2. E 2 ~ · d~x E (6) 1 (7) 2 Principe de l’expérience La formule (5) montre que si l’on connaı̂t la période de révolution T d’une particule chargée dans un champ magnétique H connu, on peut calculer sa charge spécifique e/m. Pratiquement, la mesure de T elle-même demanderait un appareillage trop sophistiqué pour un laboratoire de première année. Par contre, comme le montre la figure 2, si au point A la particule est animée d’une vitesse ~v = ~vl + ~vr , elle va décrire une trajectoire en hélice dont le pas AA0 = l, plus facile à mesurer, sera donné par : l = vl T = vl 2π (q/m)µ0 H (8) ~ l’équation (7) est appliDe plus, si vl est obtenue par accélération dans un champ E, cable. Celle-ci se simplifie si on peut admettre que v1 v2 . Dans ce cas : s 2qV , m (9) 8π 2 V . (q/m)µ20 H 2 (10) vl = s l= D’où l’on peut tirer : 8π 2 V q = 2 2 2 m l µ0 H (11) Avec : q : charge de la particule (C) ; pour l’électron q = −e = −1.602 · 10−19 C m : masse de la particule (kg) ; pour l’électron m = 9.109 · 10−31 kg V : tension d’accélération de la particule (V) l : longueur du pas de l’hélice (m) µ0 : constante d’induction (Vs/Am) V : champ magnétique (A/m) L’appareil permettant la détermination de la charge spécifique de l’électron par la relation (11) doit posséder les caractéristiques suivantes : 1. accélérer les e− jusqu’à la vitesse vl avec une tension V connue 2. donner aux e− , au point A (fig. 2), des vitesses vr (sans modifier vl ) 3. créer un champ H homogène dans lequel baignent les e− 4. permettre la mesure de l, la longueur du pas de l’hélice résultant de la combinaison de vl et H Il peut être réalisé en plaçant un tube cathodique dans un solénoı̈de (voir fig. 2). 3 Fig. 3 – Dispositif expérimental : un tube cathodique est plongé dans le champ magnétique d’un solénoı̈de. k : cathode chauffée par le filament ch., émet des électrons a1 ,a2 ,a3 : anodes d’accélération et de focalisation D1 ,D2 : plaques de déflection verticale et horizontale H : champ magnétique h : trajectoire hélicoı̈dale A : origine apparente des hélices A0 , A00 , A000 : focalisations successives l : longueur du pas de l’hélice s : solénoı̈de E : écran 3 Champ magnétique, inhomogénéité La détermination de e/m au moyen de la relation (11) suppose que H est constant, tout au moins dans le voisinage de l’axe du faisceau d’électrons. Le champ magnétique produit par un solenoı̈de dont la longueur L est beaucoup plus grande que le rayon R est constant sur son axe et vaut H= NI L (12) où N est le nombre de spires et I le courant dans le solenoı̈de. Lorsque la condition L R n’est pas réalisée, comme dans le cas de cette expérience, le champ H peut être calculé à partir de la loi de Biot et Savart (fig. 4) : ~ = dH I d~s × ~r 4π r3 4 (13) ds r I dH Fig. 4 – Calcul du champ magnétique à l’aide de la loi de Biot et Savart. On peut ainsi vérifier que sur l’axe de notre solenoı̈de, le champ magnétique est donné par # " L L −x +x NI 2 2 q H(x) = +q (14) 2L R2 + ( L − x)2 R2 + ( L + x)2 2 2 où N : Nombre de spires I : courant dans la bobine (A) L : longueur de la bobine (m) R : rayon de la bobine (m) x : position sur l’axe (m), à partir du centre de la bobine. Au centre de la bobine, le champ vaut H(x = 0) = Hc = √ NI . + 4R2 L2 (15) Pour x 6= 0 et se rapprochant de L/2, H diminue. Les électrons dans leur trajectoire du point A à l’écran E ne voient donc pas un champ magnétique constant. Pratiquement, H(x) varie suffisamment peu sur cette distance pour que l’on puisse approximer H 2 dans la formule (11) par un champ moyen H(x)2 = G2 Hc2 . (16) On aura donc, à partir de (11) : 8π 2 V e = . m l2 µ20 G2 Hc2 (17) La tension d’accélération V étant connue et le champ magnétique au centre Hc calculable par (15), pour pouvoir déterminer e/m, il reste donc à mesurer l, la longueur du pas de l’hélice, et G2 . Détermination de l : la distance AE (fig. 2) étant égale à D, si m est le nombre de pas d’hélice décrits par les électrons sur cette distance, on aura l = D/m. Pour la détermination de m, voir la section 4.1. 5 Détermination de G2 : voir la section 4.2. 4 Manipulations 4.1 Détermination de l Placer le solénoı̈de concentriquement au tube cathodique et l’alimenter selon le schéma suivant : Fig. 5 – Circuit d’alimentation électrique du solénoı̈de. R : rhéostat (résistance variable), permet de varier le courant dans le solénoı̈de I : ampèremètre, mesure le courant traversant le solénoı̈de i : inverseur, permet d’inverser le sens du courant dans le solénoı̈de s : solénoı̈de – Enclencher le TC et la tension d’accélération V (400 V). Régler le TC de manière à obtenir un point (spot) de taille minimale, bien centré, visible mais pas trop intense (détérioration de l’écran !). – Faire circuler un courant I dans le solénoı̈de et chercher, au moyen de R, à reproduire un spot de dimension minimale. Si le spot est masqué par par la tache au centre de l’écran, appliquer une petite déflection. – Régler le courant dans le solénoı̈de au minimum puis l’augmenter jusqu’à obtenir une première focalisation. Noter la valeur du courant I + correspondant à n pas d’hélice. Augmenter I jusqu’à la prochaine focalisation ((n + 1)ieme ), noter I + et ainsi de suite jusqu’à I = 3 A. – Inverser le sens du courant dans le solénoı̈de et noter les courants de focalisation I −. – Procéder de la même façon pour V = 600, 800, 1000 et 1200 V. – Reporter ces mesures sur un graphique (voir fig. 6). L’extrapolation des droites jusqu’à I = 0 fournit le nombre de tours d’hélice déjà effectués par les électrons pour les courants inférieurs à ceux disponibles dans l’expérience. Ce nombre peut varier pour les différentes tensions d’accélération. Dans l’exemple de la figure 6 il est égal à deux. On peut maintenant fixer la valeur de l en choisissant une valeur particulière de m. Il est recommandé de prendre m = 4. 6 Fig. 6 – Détermination de m. Le graphique ci-dessus permet maintenant de déterminer les courants I1 . . . I5 qui produisent 4 pas d’hélice (m = 4) sur la distance D, pour les tensions V1 à V5 . La formule (17) peut être écrite V = λI 2 où λ= e µ20 l2 N 2 G2 . m 8π 2 (L2 + 4R2 ) (18) On va donc reporter les tensions V1 . . . V5 en fonction de I12 . . . I52 . La pente de la droite obtenue (qui est égale au coefficient λ) permet de déterminer e/m. 4.2 Détermination de G2 Il s’agit de mesurer G(x) = H(x)/H(0) et de calculer la moyenne du carré de cette fonction sur la trajectoire des électrons (distance D centrée en x = 0). Pour cela on alimente le solénoı̈de avec un courant alternatif I(t) = I0 sin ωt qui produit un champ magnétique oscillant H(x, t) = H(x) sin ωt et l’on mesure la tension Vind (x) induite dans une bobine sonde de surface S (fig. 7). Fig. 7 – Configuration expérimentale utilisée pour la mesure de G(x). T : transformateur 220/20 Volts s : solénoı̈de b : bobine d’induction de surface S se déplacant sur l’axe de s 7 D’après la loi de Faraday : Vind (x, t) = − dφB (x, t) dt (19) où φB est le flux magnétique à travers la bobine b : φB (x, t) = µ0 SH(x, t) = µ0 SH(x) sin ωt. (20) La tension induite Vind (x, t) est alternative et sa valeur de crête Vind (x) est proportionnelle à H(x). On a donc : Vind (x) . (21) G(x) = Vind (0) Mesurer Vind (x) en fonction de x tous les deux centimètres. Calculer G(x) puis G2 (x) et reporter G2 (x) en fonction de x sur un graphique (fig. 8). Placer correctement la distance D (i.e. la position réelle du TC dans le solénoı̈de) et estimer sa surface S ∗ . On a alors : S∗ G2 = . (22) D * x Fig. 8 – Détermination de G2 . Pour déterminer S ∗ on utilise la méthode d’integration numérique des trapèzes (formule (24)). Si d = 2 les calculs se simplifient un peu. Attention aux extrémités de l’intervalle D. X S∗ ∼ Si∗ (23) = i Si∗ = d( G2i 8 + G2i+1 ) 2 (24)