croissance, au sens ou l’entend la théorie standard du développement, à résoudre les problèmes que
rencontre l’humanité. Pour aller plus loin, c’est précisément le caractère infaillible de cette croyance
qui constitue un problème.
Tout d’abord, parce que l’éco-efficience ne règle pas le problème de la ponction croissante de
l’activité économique sur les ressources du fait de « l’effet rebond » (GREENING et al, 2000).
Ensuite, parce que cette croyance émane d’emblée toute réflexion sur la nature de la croissance elle-
même et des nombreuses externalités négatives qu’elle génère. Enfin, parce qu’elle est
fondamentalement productrice d’inégalités sociales entre pays, territoires et groupes sociaux, tout
autant dans les pays en voie de développement que dans les pays développés.
Cette perspective, fondée sur le postulat que « développement ne rime pas forcément avec
croissance » (HARRIBEY, 2004, p. 24), propose de régionaliser ou de localiser le développement
en utilisant des modalités contingentes aux contextes considérés. Il s’agit ici de rompre avec une
logique productiviste, basée sur le libre-échange et de modifier ses fondements au profit de
considérations sociales (l’équité, la lutte contre la pauvreté), de préoccupations écologiques et de
questions financières, puisqu’il s’agit d’imaginer des modes de financement qui ne dépendraient
plus exclusivement du jeu des forces concurrentielles et de l’échange inégal (RIDOUX, 2006).
Cette société de la « décroissance » (LATOUCHE, 2003), concept encore assez flou, n’entraîne pas
nécessairement une régression du bien-être, elle consiste à supprimer par exemple des charges
environnementales inutiles, comme celles générées par les transports, eux-mêmes intimement liés à
une organisation productive en flux tendus, à une certaine conception de la globalisation des
activités et à un aménagement de l’habitat très extensif.
Ce rapide examen des controverses autour du Développement Durable, permet de conclure
provisoirement sur l’absence d’une véritable communauté épistémique qui serait à même de
structurer un corps de doctrine en la matière. Les trois pôles qui structurent ces controverses
constituent en effet l’expression de rationalités différenciées, voire divergentes. Le « Main Stream »
considère le Développement Durable comme un monde de contraintes du fait de la dynamique de
normalisation en cours, par la réglementation et l’institutionnalisation de référentiels et de
l’obligation de rendre compte de ses activités ; l’éco-économie nous invite à réinventer nos modes
de croissance à partir d’une meilleure prise en compte des dynamiques écologiques qui structurent
les systèmes vivants, mais sans rompre pour autant avec une conception classique de la croissance ;
enfin, le courant de la décroissance privilégie nettement les dimensions sociales et politiques du
développement en visant à assujettir l’économique au social.
Malgré ces divergences, le Développement Durable est à l’origine de réelles dynamiques de
transformation qui sont à l’œuvre dans beaucoup de pays développés et ailleurs. Il introduit en effet
de nouvelles dimensions qui peuvent renouveler le management (HALL et al, 2003). L’obligation
de la prise en compte des externalités négatives générées par l’activité économique, tant au plan
écologique que social, la recherche de l’éco-efficience, l’obligation de rendre compte ou encore,
l’émergence d’une conscience planétaire constitue autant d’incitations à une nouvelle conformité en
phase avec les enjeux auxquels les entreprises sont aujourd’hui confrontées.
2. De quelques enjeux entrepreneuriaux relatifs au Développement Durable
Ces enjeux concernent quatre registres principaux :
a) Un registre substantiel tout d’abord, le caractère polysémique du Développement Durable
exprimant une sorte de « lutte » entre représentations concurrentes pour « dire le bien » en la
matière, c’est-à-dire définir en substance les contenus et principes qui le fondent.
b) Celui de la gouvernance du Développement Durable, où la question de l’intégration des
différentes parties prenantes concernées et le problème de l’articulation de l’action entre
échelle globale et échelle locale.
c) Le registre de la performance puisqu’il s’agit ici d’intégrer de nouvelles dimensions dans la
mesure d’une performance définie comme globale.
d) Enfin, le registre de la stratégie et des modèles économiques doivent permettre de concevoir,
d’organiser et de piloter la transformation des organisations ancrées dans une économie de
type industriel vers une économie de services.