“ T De l’audace politique pour notre système de santé !

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ÉDITORIAL
De l’audace politique
pour notre système de santé !
A proactive policy for our health system!
“
T
Dr Patrick Errard
Président du Leem
(les Entreprises du médicament).
rop souvent sujet de conversation mais rarement vision politique à part entière,
la santé s’invite enfin dans les débats de cette campagne présidentielle.
Les candidats, sans doute stimulés par les sondages qui attestent que 65 %
des Français considèrent la santé comme un sujet prioritaire, ébauchent timidement
quelques mesures dont on peut regretter qu’elles soient, pour l’heure, peu structurantes.
En effet, depuis quelques années, des signaux clairs appellent à une refonte de notre
système de soins : le vieillissement de la population, l’essor des maladies chroniques,
l’incidence croissante de certains cancers, la menace des pandémies virales et
des résistances bactériennes et, plus globalement, l’épineuse question de la soutenabilité
de notre système de solidarité national au regard de l’incroyable révolution
technologique en médecine.
Nos décideurs politiques ne peuvent pas s’affranchir de cette heureuse réalité : le retour
de l’innovation thérapeutique. Dans le domaine de l’oncologie, de l’immunologie,
de l’infectiologie ou des thérapies géniques, un nouveau cycle de progrès thérapeutique
s’annonce, porteur d’espoir pour de nombreux malades. De plus, les progrès
de la robotique, l’avènement du numérique en santé, des “big data”, de la télémédecine et
des objets connectés “compagnons du suivi thérapeutique” bouleversent profondément
le concept de parcours de soins, jusque dans la relation entre les professionnels de la santé
et les patients. Des maladies autrefois mortelles sont désormais chroniques (VIH, tumeurs
solides), voire guérissables (hépatite C, leucémies, etc.). Parce qu’il draine dans son sillon
un certain nombre de révolutions (organisationnelles, scientifiques, sociétales et
économiques), ce flux d’innovations nous invite à repenser structurellement notre
système de soins. Il y a par conséquent urgence à considérer le système de santé dans son
ensemble (traitement curatif, prévention, dépistage, comportements et environnement)
pour mieux définir ses priorités, la place de ses acteurs, y compris le patient, et donc son
financement. L’innovation n’est pas un problème, c’est avant tout une opportunité pour
accélérer le virage ambulatoire, élaborer de véritables parcours de soins associant
médecine de ville et établissements de soins, adapter les modes de prise en charge
par les organismes de protection sociale…
Circonscrire les enjeux économiques à la question du prix de l’innovation est,
à mon sens, réducteur. L’enjeu aujourd’hui est bien d’évaluer sur le long terme les gains
d’efficience que peuvent générer ces innovations dans l’économie de la santé. L’enjeu,
c’est bien de soigner juste, de dépister tôt et de prévenir les facteurs de risque
des maladies. L’enjeu, c’est enfin de mieux redéfinir la place de la médecine de ville,
de l’officine et de l’hospitalisation dans la chaîne de valeur du système de soins. Cela
ne pourra pas se faire dans le cadre d’une politique comptable “court-termiste” qui
ne valorise pas l’acte médical, qui ne reconnaît pas l’innovation et qui asphyxie
l’hôpital en voulant préserver, au nom du service public, un modèle vieillissant.
La Lettre du Neurologue • Vol. XXI - n° 4 - avril 2017 | 79
ÉDITORIAL
Dans ce contexte, le médicament jouit d’un triste privilège : il fut, sur ces
6 dernières années, la principale variable d’ajustement de l’équilibre des comptes
sociaux. Sur les 10 milliards d’euros d’économies dans les dépenses de santé réalisées
sur ce quinquennat, la moitié a été fournie par le médicament, alors que celui-ci ne
représente que 15 % des dépenses de santé. Au point que l’industrie pharmaceutique,
l’une des branches industrielles les plus stratégiques de notre pays, est aujourd’hui
clairement affaiblie dans la compétition internationale.
Pourtant, les solutions existent. Les industriels du médicament ont formulé
des propositions pour garantir à nos concitoyens un accès universel et précoce
aux traitements innovants, concilier maîtrise des dépenses de santé et attractivité
du territoire, simplifier l’environnement normatif ou encore accélérer
la transformation des métiers et la mutation de nos appareils de production.
Ces réflexions, nous les portons avec l’État dans le cadre du Conseil stratégique
des industries de santé (CSIS) et au sein de notre plateforme sectorielle “Santé, l’heure
des choix”, avec une ambition : faire de la France une terre d’excellence pour la santé.
Ces réflexions, nous les portons également, dans une démarche totalement inédite,
avec les différents acteurs de la santé réunis au sein du Collectif santé 2017. Au travers
des 7 engagements* qu’il a formulés à l’adresse des candidats à la présidence
de la République, ce collectif pose les bases d’une nouvelle politique de santé au cœur
des politiques publiques, capable de définir ses priorités, de fédérer ses acteurs publics
et privés, et de pérenniser sa soutenabilité par un plan de financement quinquennal.
Secteur stratégique par sa contribution à l’emploi, à la croissance et
à la souveraineté sanitaire du pays, l’industrie pharmaceutique est aujourd’hui
à la croisée des chemins. Confronté au défi de l’innovation et de son prix dans
un contexte de compétition internationale accrue, notre secteur a besoin, pour
se développer, d’un écosystème favorable. Cela passe par la nécessité de revoir
notre système d’évaluation médicoéconomique, de transformer nos métiers
ou de restructurer notre outil industriel pour intégrer non seulement les innovations
technologiques et scientifiques mais également les nouveaux comportements
des patients, davantage connectés et acteurs de leur santé. Le champ des possibles
n’est pas pléthorique : soit nous subissons cette restructuration, soit nous
la choisissons, nous l’anticipons et nous la pilotons.
Mais, quoi qu’il en soit, ces changements ne se feront pas en divisant les acteurs
entre eux, en opposant les intérêts des uns aux intérêts des autres, et surtout pas
en oubliant que tout cela n’a d’autre sens que l’intérêt de nos concitoyens.
”
Charge désormais au prochain président de la République de faire preuve
d’une certaine audace politique pour porter, avec nous, les réformes nécessaires
pour faire de la France, demain, le pays de la recherche, de l’innovation thérapeutique
et de l’excellence médicale.
* Les 7 engagements du Collectif santé 2017 : mettre la santé au cœur de la campagne électorale, installer la santé au cœur de
la décision politique, reconnaître la place des acteurs de santé, mettre en place une politique fondée sur la santé publique, repenser
le financement du système de santé, impulser et accompagner la mutation du système, garantir l’accès aux soins et aux innovations.
80 | La Lettre du Neurologue • Vol. XXI - n° 4 - avril 2017
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