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le contenu de ce rapport, accompagné de conclusions, contient une avancée
intéressante au sujet des représentations qu’il y est recommandé de privilégier. Pour
la première fois, en effet, un document officiel, demandé simultanément par deux
Chefs d’Etat en exercice, n’évitait pas la question « Qu’est-ce que la richesse ? ».
Par ailleurs, ce document conseillait aux Autorités de mettre en débat – ce que
celles-ci n’ont pas fait – sa réponse, laquelle avait été clairement bâtie en référence
aux trois polarités génériques et indissociables qualifiant l’objectif de développement
durable : l’économique, le social, l’environnemental.
La principale contribution de ce travail fut de proposer un tableau de bord de vingt-
cinq indicateurs couvrant les trois domaines de la performance économique et du
bien-être matériel, de la qualité de la vie et de la sociabilité, enfin de la soutenabilité
(économique, financière et environnementale). Tout en rappelant que le PIB
« résume » la performance économique avec des limites qu’il faut discuter, il prenait
de fait position pour son abandon comme indicateur unique en tant que meilleur
« résumé » possible de la richesse, choix univoque que toutes les nations ont
pourtant privilégié au XXe siècle. Par ailleurs, l’introduction dans ce rapport d’un
domaine de la soutenabilité avec l’acception large qui est donnée à cette notion
constituait également une première par la variété assumée des indicateurs qu’il
proposait d’utiliser ou de faire produire. Enfin, last but not least, c’est le choix de
recourir à une variété inter-domaines en matière d’indicateurs (quantitatifs mais aussi
qualitatifs) qui manifestait le mieux, selon nous, le fait que la temporalisation des
enjeux apparaît comme une voie conceptuelle jugée souhaitable (enfin !) : le bien-
être devant être durable, il est envisagé sous l'angle de sa soutenabilité économique
et environnementale [6]. Je ne me souviens pas que cet effort, et son résultat, aient
été suffisamment salués : un diagnostic partagé ouvrant à terme sur une nouvelle
définition pratique et commune de la richesse pour les deux principaux pays de
l’Union Européenne, et, pourquoi pas ?, au-delà !
Tous les indicateurs sont le fruit de représentations qui, elles-mêmes, sont le fruit de
perceptions sur lesquelles nous mettons des mots. Or, pour « faire nation », et
singulièrement pour faire nation européenne, tout comme pour « faire société », et
singulièrement pour faire société européenne ou internationale, nous devons mettre
en scène des représentations ouvertes, puis partager en permanence ces images
d’aménagement de la complexité, enfin co-construire des indicateurs qui rendent
compte de notre accord symbolique.
Madame la Chancelière Merkel, Monsieur le Président Hollande, parlez-en
ensemble, vite, et ouvrez-vous en ensuite à vos collègues du Conseil Européen !
Parlementaires français(es), discutez-en avec les membres du Conseil Economique,
Social et Environnemental (CESE) puis, impliquez, vite, vos collègues, les
Parlementaires européen(ne)s ! Enfin, avec les économistes, concevons la
croissance et l’innovation dans toute leur diversité épistémique et politique ! Osons
des caps politiques concertés en les indexant peu à peu à de nouveaux indicateurs
de richesse : car défendre l’euro, c’est aussi promouvoir l’Europe par une croissance
et une innovation responsables. Trois démarches complémentaires pour affirmer
notre « style européen » et nos valeurs diverses et partagées !
Jean-Paul Karsenty, ancien Secrétaire général du Conseil supérieur de la recherche et de la
technologie (CSRT)