
92 chirurgie thoracique et cardio-Vasculaire - 2012 ; 16(2) : 88-94
tumeurs fibreuses solitaires de la plèvre
et une histologie avec critère de malignité n’est toutefois pas
démontrée, ni dans la littérature ni dans notre série, même si
90 % des tumeurs de découverte fortuite sont bénignes contre
seulement 56 % si des symptômes sont associés (p > 0,05).
Par ailleurs, concernant les examens paracliniques diagnos-
tiques, la tomodensitométrique, bien que non spécifique,
est souvent très évocatrice de ces tumeurs. En effet, 2 pré-
sentations typiques existent, d’une part celle d’une tumeur
de moins de 5 cm, périphérique et d’aspect bénin, parfois
d’origine pleurale évidente, d’autre part celle d’une très vo-
lumineuse tumeur de 10 à 20 cm mais bien limitée, sans
signe évident d’envahissement des structures de voisinage.
Parmi les autres examens préopératoires, la réalisation quasi-
systématique (26/27) d’une fibroscopie bronchique nous pa-
raît justifiée compte tenu de l’âge de la population, des an-
técédents de tabagisme, et donc de l’hypothèse d’un cancer
broncho pulmonaire. La rentabilité diagnostique de la ponc-
tion transpariétale (33 %) est insuffisante, et conforme à celles
rapportées généralement dans la littérature avec des résultats
qui varient entre 39 et 45 % [7-8,10]. Seul Sung rapporte des
résultats supérieurs avec 80 % de diagnostic, ainsi que Wey-
nand avec 100 % de diagnostic, mais cette fois-ci sur des
biopsies faites au « trucut » [9,14]. À l’IRM, la TFS apparaît
typiquement en hyposignal T1 et T2, du fait de l’importance
du contingent en collagène et de l’hypocellularité. Un hyper-
signal T2 est présent en cas de nécrose, de dégénérescence
myxoïde et de plage hypercellulaire. Après injection de ga-
dolinium, le rehaussement est souvent hétérogène et intense
[15]. Malgré cette sémiologie radiologique précise, l’IRM n’a
d’intérêt que dans des cas particuliers, souvent appréciés par
l’équipe chirurgicale, notamment pour identifier des exten-
sions tumorales susceptibles de compliquer ou contre-indi-
quer la chirurgie. Les données sur TEP-TDM et TFS sont
rares [7,16]. Il semble que ces tumeurs ne fixent pas ou peu le
18-FDG, parfois avec une fixation modérément plus intense
dans des tumeurs malignes. Une fixation très intense doit
donc faire évoquer un autre diagnostic.
Une exérèse par chirurgie conventionnelle a été réalisée dans
15 cas (55 %), ce qui est sensiblement identique aux pourcen-
tages rapportés par Cardillo (46 %) et Sung (65 %) [7,9]. L’al-
ternative est la vidéochirurgie. Celle-ci peut être une chirur-
gie VT exclusive comme dans 19 % de notre série, ou d’une
CTVA par agrandissement d’un orifice pour l’extraction de
la pièce opératoire, 22 % des cas de notre série. La possibilité
de réaliser ces chirurgies minimales invasives dépend surtout
de la taille tumorale. Cette technique se justifie donc pleine-
ment dans le cas de petites tumeurs pour réaliser leur exérèse,
et permet également, dans des tumeurs plus volumineuses ou
d’aspect atypique, un premier temps chirurgical diagnostique.
Dans notre série 23 tumeurs (85 %) présentent un pédicule
pleural viscéral unique préférentiellement développé à partir
des lobes inférieurs (74 % versus 26 %). Ces résultats sont
comparables aux autres séries et confirment le fait que ces tu-
meurs se développent essentiellement à partir de la plèvre vis-
cérale [5,7-8,11-12]. Nous décrivons également deux cas (7,5 %)
de tumeur avec des pédicules multiples, tout comme Harri-
son-Phipps (4,8 %) [8]. Toutefois, si ces pédicules multiples
sont parfois clairement visibles, leur identification par rapport
à de simples adhérences (parfois avec invasion minime des
structures de voisinage) est souvent difficile lorsqu’ils sont ses-
siles. Classiquement, comme le rapportent England et Car-
dillo, deux tiers des pédicules tumoraux sont fins et pédiculés
[4,7]. Notre proportion de pédicules fins est légèrement plus
importante (85 %). Une association significative entre tumeur
maligne et pédicule sessile est rapportée par Magdaleinat,
Harrison-Phipps et England [4,8,10], mais non retrouvée dans
notre série, probablement en raison du faible effectif.
Dans 22 % de notre série, une exérèse élargie essentiellement
à type de lobectomie a été réalisée. Ce pourcentage varie dans
la littérature entre 18 % et 46 % [8-10]. Dans notre série, dans
93 % des cas, la résection a été considérée comme R0. Outre
la tumeur associée à des lésions secondaires pleurales (R1),
une tumeur maligne a été classée Ri sur un pédicule pariétal
venant focalement au contact de la tumeur. Bien que l’exé-
rèse de ces tumeurs pleurales pariétales se fasse au minimum,
dans un plan extrapleural, ce cas témoigne des marges de ré-
sections restreintes pour ces tumeurs pariétales. Au contraire,
les tumeurs à pédicule viscéral sont réséquées avec des marges
correctes grâce à l’exérèse parenchymateuse généralement à
type de résection cunéiforme.
Bien que cette chirurgie d’exérèse tumorale se fasse généra-
lement sans exérèse parenchymateuse majeure, la mortalité
postopératoire n’est pas négligeable, puisqu’elle s’échelonne
de 0 % à 3,6 % dans la littérature [6-12]. Probablement en rai-
son du nombre restreint d’interventions de notre série, nous
ne rapportons pas de décès postopératoire. Il faut rappeler que
cette chirurgie a permis dans plusieurs cas des améliorations
fonctionnelles respiratoires conséquentes.
Classiquement un tiers des tumeurs fibreuses solitaires sont
malignes [4,6-7,10-12], ce qui correspond aux 30 % retrouvés
dans notre série. Parmi les quatre critères décrits par England
pour identifier des tumeurs fibreuses solitaires malignes,
l’hyper cellularité et le pléomorphisme cellulaire, comme le
font remarquer certains auteurs [10-11], sont probablement
trop subjectifs. Le meilleur critère de malignité semble être
un index mitotique élevé. Dans la série de Sánchez-Mora, le
seul à être associé significativement à un risque plus élevé de
récidive est l’index mitotique [11]. Avec l’apport de l’immuno-
histochimie, le Ki67 devient certainement le marqueur le plus
fiable de la prolifération cellulaire. Un score de 10 % semble
correspondre à 4 mitoses pour 10 champs à fort grossissement
dans les TFS, et peut constituer un seuil à explorer pour
définir des tumeurs potentiellement malignes [11]. L’apport
de l’immuno-histochimie est également déterminant pour
éliminer les nombreux diagnostics anatomo-pathologiques
différentiels d’une tumeur pleurale à cellules fusiformes. La
signature antigénique d’une TFS est caractérisée par la posi-
tivité des marqueurs vimentine, CD34, CD 99, bcl2, et la né-
gativité des marqueurs épithéliaux. Une perte de l’expression
de certains de ces marqueurs au cours de la progression tu-
morale est décrite, rendant le diagnostic parfois plus difficile.
Ce constat est retrouvé dans notre série. Compte tenu d’une
signature antigénique peu spécifique dans les synovialosar-
comes, une étude génétique recherchant le gène de fusion
SS18 est parfois faite, comme dans 3 cas de notre série. Des
études cytogénétiques sur les TFS ont également été réalisées