5 - Interactions médicamenteuses

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INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES
I. Introduction
A. Définition
L'interaction (vraie) entre deux médicaments se définit non pas par son mécanisme mais par
ses conséquences pharmacologiques et par ses conséquences cliniques (efficacité, sécurité
d'utilisation)
C'est le phénomène qui survient lorsque plusieurs substances étant administrées ensemble,
l'activité ou la toxicité de l'une d'elle est modifiée par l'association.
Ceci suppose que l'interaction soit suffisamment intense pour modifier de façon significative
l'intensité de l'effet attendu.
B. En pratique
Il existe peu d'associations médicamenteuses qui ont des conséquences cliniques
significatives défavorables pour le malade (Beaucoup sont créées délibérément pour renforcer un
effet thérapeutique et sont donc favorables. Exemple : 2 anti-hypertenseurs.
Mais 20% de la iatrogénie médicamenteuse serait la conséquence d'interactions
médicamenteuses
Les médicaments les plus à risque sont surtout en pratique ceux dont la marge
thérapeutique est étroite (seuils de toxicité par surdosage proche des concentrations efficaces ellesmêmes proches des seuils d'inefficacité), tels que :






Les antivitamines K (anticoagulants oraux)
Les digitaliques
Les sulfamides hypoglycémiants
Les contraceptifs oraux
Le lithium
Certains immunosuppresseurs, anti-arythmique, anticancéreux
II. Conséquences pratiques des interactions
A. Les associations favorables
Elles sont crée délibérément en thérapeutique et répondent à plusieurs objectifs
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1. Améliorer l'efficacité thérapeutique
A titre d'exemples on a :
 L'association de plusieurs antituberculeux qui permet de limiter la survenue de bacille de
koch mutants et de raccourcir la durée du traitement
 L'association de 2 antihypertenseurs quand l'effet d'un seul est insuffisant pour contrôler
l'hypertension
 La synergie bactéricide de 2 antibactériens. Exemple : Le sulfaméthoxadole qui inhibe la
synthèse d'acide folique et de trimothétoprime (inhibiteur de la tétra-hydrofolate réductase)
Attention : associer deux médicaments sur la base de considérations théoriques peut être
hasardeux. Le bénéfice d'une association doit être démontré par des études cliniques appropriées.
2. Diminuer les effets indésirables
C'est la notion de médicament correcteur.
Exemple: Les antiparkinsoniens anticholinergiques sont utilisés pour corriger certains troubles
neurologiques induits par les neuroleptiques.
A noter : Une telle association ne doit pas être systématique. Les effets anticholinergiques
(constipations, bouche sèche, trouble de l'accommodation, confusion) vont s'ajouter aux propriétés
anticholinergiques de certains neuroleptiques. On dit aussi que leur emploi favoriserait, à long terme,
la survenue de dyskinésies tardives, complication au long cours des neuroleptiques.
3. Antagoniser un surdosage
On va utiliser des antidotes.
Exemple : Dans les benzodiazépines on utilisera un antagoniste en cas d'intoxication volontaire ou de
surdosage thérapeutique. Ce surdosage en benzodiazépine peut entrainer des arrêts respiratoires.
B. Les associations à risques
Dans la rubrique associations à risques (rubrique interaction du RCP) on a 4 classes d'interactions.
1. Associations dangereuses : contre-indiquées
Elles mettent en jeu la vie du malade et conduisent à une contre-indication absolue d'association.
Exemples:
 Miconazole (Daktarin ®) et anticoagulant per os On pourra avoir une hémorragie très
importante.
 Sels de Ca et digitalique.
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2. Associations déconseillées
Ce sont des "contre indications relatives". Si possible l'association doit être évitée. Sinon on
réalisera une surveillance particulière ou adaptée.
3. Association nécessitant des précautions d'emploi
C'est le cas le plus général. L'association est possible en respectant les recommandations
Exemple : Contrôles biologiques plus fréquents, adaptation posologique, progressivité des doses ou
de l'interruption thérapeutique, respect d'horaires particulières de la prise d'un médicament par
rapport à l'autre.
4. Association à prendre en compte
C'est l'attention attirée sur un risque potentiel d'interaction (conséquences cliniques
incertaines). Aucune recommandation n'est formulée. Si possible, on va essayer de prescrire un
autre médicament n'exposant pas à ce risque.
C. Association synergiques
On parle de synergie lorsque deux médicaments ont des effets qui vont dans le même sens.
La synergie additive (ou "synergie compétitive") veut dire qu'on va agir sur le même récepteur. On
va donc potentialiser l'effet.
La potentialisation (ou "synergie renforçatrice") est réalisée lorsque les effets augmentés
appartiennent tous uniquement à la même substance, la substance potentialisée.
Exemples :
 Risque d'hypotension artérielle sévère en cas d'association de sildénafil (Viagra) qui inhibe la
phosphodiestérase V (non dégradation du GMPc) associé aux dérivés nitrés qui augmentent
la guanylate cyclase. On aura donc un médicament qui ne dégrade pas la GMPc et un qui va
augmenter sa synthèse. L'association est contre-indiquée.
 On a une augmentation du risque hémorragique des antivitamines K par les antibiotiques qui
altèrent la flore microbienne intestinales productrice de vitamine K.
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D. Associations antagonistes
On observe un antagonisme lorsque l'effet de l'association est inférieur à celui du plus actif
des composants utilisés seuls.
L'antagonisme peut être total ou partiel. Dans le premier cas (antagonisme total), il s'agit de
substances qui possèdent des effets opposés.
Cet antagonisme peut être mis à profit pour s'opposer à l'effet principal d'un médicament en
cas de surdosage.
Exemple: Le flumazénil – Anexate en cas de surdosage en benzodiazépine. Cette association va
pouvoir servir de test pour "réveiller" un patient dans le coma.
III. Les grands types d'interactions
Il faut mettre à part les incompatibilités physico-chimiques qui ont parfois des conséquences graves.
Exemple : Ceftriaxone et les sels de calciums
Ces interactions ne sont pas à proprement parler des interactions médicamenteuses.
A. Interactions pharmacodynamiques
Les notions de synergie et d'antagonisme compétitifs peuvent être appréciées par
l'évolution de la courbe dose-action d'une substance en l'absence ou en présence de la substance
présentant un antagonisme ou une synergie compétitive.
Ces interactions pharmacodynamiques sont pour la plupart liées à des mécanismes non
compétitifs :
 Sur des récepteurs différents. Exemple : récepteurs adrénergiques et cholinergiques
 Sur des modifications indirectes de la réponse à un médicament.
 Exemple : Hypokaliémie (diurétique, laxatifs, …) et médicaments responsables du
troubles du rythme (surtout torsades de pointes)
 Association de médicaments diminuant la vigilance
Les interactions pharmacodynamiques sont les plus fréquentes des interactions médicamenteuses.
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B. Interactions pharmacocinétiques
Elles peuvent être responsables d'interactions "inattendues"
Elles peuvent entraîner des phénomènes de potentialisation ou d'antagonisme.
Elles sont liées à des interférences au niveau des différentes étapes du devenir du médicament dans
l'organisme (Résorption, Distribution, Excrétion).
1. Modifications de la résorption
a. Variation du pH digestif
Si on donne un alcanisant ou des inhibiteurs de la sécrétion gastrique acide (anti-H2 ou
inhibiteurs de la pompe à proton) on favorise l'ionisation des médicaments acides faibles d'où une
diminution de leur résorption digestive.
b. Effet d'adsorption ou "effet pansement"
Il s'agit d'un mécanisme qui s'ajoute à l'effet anti-acide de médicaments à visée digestive (Le
film protecteur est une barrière physique au niveau gastro-intestinal)
On aura donc une moins bonne absorption des médicaments.
c. La complexation
Cette interaction survient lorsque la substance active forme avec une autre substance dite
complexante (ou chélatrice), un complexe non résorbable de gros poids moléculaire :
 Interaction des sels de calcium-tétracyclines
 La cholestyramine
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d. Vidange gastrique
Les modifications de la vidange gastrique influent sur l'absorption. La plupart des
médicaments sont résorbés dans l'intestin. Un ralentissement de la vidange gastrique
(anticholinergiques, analgésiques centraux, antidiarrhéiques) retarde la résorption sans toujours
modifier la quantité totale résorbée (paracétamol).
L'effet sera inverse avec les neuroleptiques (anti-dopine D2) utilisés comme anti-émétiques.
Exemple : Métoclopramide (Primpéran ®)
e. Transit intestinal
Les modifications du transit peuvent influer sur la résorption :
 Les anticholinergiques (ralentisseurs du transit) augmentent la résorption des médicaments
qui sont normalement incomplètement résorbés
Exemple: La Digoxine
 Les accélérateurs du transit (laxatif) peuvent avoir l'effet inverse. Ceci est surtout vrai pour
les formes dites retard à libération programmée.
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B. Modifications de la distribution
L'explication la plus habituelle de cette distribution est la défixation du médicament des
protéines plasmatiques.
Le produit qui a la plus forte affinité se fixe prioritairement d'où une augmentation de la
forme libre du médicament à la plus faible affinité.
Les accidents surviennent dès la mise en route du médicament défixateur.
C'est un phénomène auto-limité du fait de l'accélération du métabolisme hépatique et de la
filtration glomérulaire de la substance défixée.
Exemples
Médicament défixateur
Fibrates
Sulfamides antibactériens
Fibrates
Sulfamide antibactériens
Salicylés
Médicament défixé
Antivitamines K
Sulfamides hypoglycémiants
Conséquences
Hémorragie
Hypoglycémie
Méthrotexate
Aplasie médullaire
Il existe d'autres mécanismes aboutissant à une modification de la distribution du médicament :
 Les agents vasoconstricteurs (adrénaline) diminuent la diffusion des anesthésiques locaux
d'où un effet local plus prolongé (effet recherché)
 La quinidine déplace la digoxine de ses sites tissulaires d'accumulation d'où une
augmentation de concentration de digoxine (avec risques d'accident de surdosage)
Des transporteurs actifs type glycoprotéines P (PgP) peuvent intervenir dans la diffusion tissulaire et
être inhibés par différents médicaments (quinidine, ritonavir).
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C. Interactions liées à la modification du métabolisme d'un médicament
Elles sont liées à des interférences au niveau des réactions de mono-oxygénation faisant
intervenir le CYP P450. Ils dépendent du cytochrome impliqué. Ils concernent préférentiellement le
CYP3A4 (45% des médicaments passent par ce cytochrome).
Il existe deux grands types d'interaction métaboliques qui passent par ce système :
 L'induction
 L'inhibition
1. Induction enzymatique
a. Effet
C'est une augmentation de la synthèse de CYP450 (de façon non sélective) induisant une diminution
des concentrations circulantes des médicaments.
L'installation de l'induction se fait de façon très progressive et son effet maximal se fait après 10 à 15
jours.
De même, on a une disparition progressive de l'induction après arrêt de l'inducteur (du traitement).
Il existe une possibilité d'auto-induction du médicament. Il va agir sur son propre métabolisme
b. Exemples d'inducteurs



MEDICAMENTS





AUTRES


Phénobarbital (Gardénal ®)
Phénytoïne (Dihydan ®
Rifampicine (Rifadine ®, Rimactam ® (traitement de la tuberculose)
Carbamazépine (Tégrétol ®)
Hydrate de chloral
Griséofulvine
Alcool (en cas de prise chronique)
Tabac
DDT (pesticide, lipophile et durable dans le tissu adipeux)
Millepertuis
+++
++
+++
c. Conséquences de l'induction enzymatique
On a une accélération de leur métabolisme. On a donc une durée d'action du traitement de
plus en plus courte (c'est l'un des mécanismes possibles de "tolérance pharmacologique"). On a, en
plus, une accélération du métabolisme hépatique des médicaments qui leur sont associés.
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Par exemple :
 La durée d'action des anticoagulants est plus courte chez les malades sous barbituriques.
 La rifampicine induit la métabolisation des œstroprogestatifs (Le risque est grossesse non
désirée chez la femme tuberculeuse).
 On a de nombreux exemples : rejet sous ciclosporine après millepertuis.
Si le métabolisme hépatique aboutit à la formation d'un métabolite réactif (toxique), l'induction
enzymatique augmentera la formation de ce métabolite
Exemples :
 Le paracétamol qui peut créer des soucis d'hépatites médicamenteuses quand il est associé à
un inducteur métabolique
 L'isoniazide, médicament de la tuberculose, peut lorsqu'il est induit entraîner l'apparition
d'hépatite
2. Inhibition enzymatique
a. Effet
Elle concerne de nombreux médicaments. On a une compétition enre les substrats de CYP
450, on a un médicament inhibiteur ou inhibé selon l'affinité pour le CYP concerné (compétition).
On a beaucoup de médicament qui sont inhibiteur de CYP 3A4.
L'effet est immédiat.
On peut avoir la mise en jeu de molécules médicamenteuses, par exemple : le jus de pamplemousse
b. Principaux médicaments inhibiteurs
 Les macrolides (antibiotique) et parmi eux essentiellement l'érythromycine
 Les anti-H2, en fait surtout la cimétidine (Tagamet ®) et à un degré moindre les autres
 Certains antifongiques amizolés, essentiellement le miconazole (Daktarin® et le
kétoconazole (Nizoral ®)
 Le chloramphénicol
 L'allopurinol (Zyloric®) utilisé en thérapeutique pour son effet inhibiteur de la xanthine
oxydase.
 Les IMAO (inhibiteurs de la mono-amino-oxydase)
 Le disulfiram (utilisé parque bloqueur de l'acétaldéhyde deshydrogénase d'où un effet
antabuse mis à proti dans les désintoxications éthyliques).
 Certaines quinolones
 Certains antidépresseurs (Vivalan ®, Prozac®, Floxyfral ®)
 Les inhibiteurs de la protéase du VIH (en particulier le ritonavir, puissant inhibiteur des CYP
utilisé pour augmenter la biodisponibilité d'autres antiprotéases). On a une multiplication par
36 de la biodisponibilité du saquinavir qui est normalement de 4%.
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c. Exemples
MEDICAMENTS "INHIBE"
Théophylienne
Ciclosporine
Carmazépine
Ergotamine
Antivitamines K
Sulfamides hypoglycémiants
MEDICAMENTS
INHIBITEURS
Macrolides
Cimétidine
Fluoroquinolones
Macrolides
Kétoconazole
Cimétidine
Macrolides
Cimétidine
Macrolides
Micronazole
Amiodarone
Allopurinol
Micronazole
CONSEQUENCES
Surdosage (risques de vomissement, de troubles
neurologiques, de tachycardie)
Néphrotoxicité
Signes neurologiques (surtout cérébelleux)
Ergotisme (nécrose ischémique des extrémités)
pouvant aller jusqu'à l'amputation
Risque hémorragique
Hypoglycémie sévère
D. Elimination rénale
1. Filtration glomérulaire
Elle dépend de la fixation protéique
2. Réabsorption tubulaire
Elle est variable selon le pH des urines. Un médicament qui alcalinise les urines diminue l'ionisation
des médicaments basiques (d'où l'augmentation de leur réabsorption). L'inverse est vrai pour les
acides faibles.
3. Sécrétion tubulaire
Il peut y avoir une compétition pour les mécanismes de transport actif entre les acides faibles.
Exemples : Le probénécide (Bénémide ®) s'oppose à la sécrétion de la pénicilline (d'où sa rétention
dans l'organisme). Il est utilisé pour prévenir la néphrotoxicité d'un antiviral (anti-CMV), le cédofovir.
4. Cas particulier du lithium (qui suit les mouvements tubulaires du sodium).
On a une accumulation du médicament par augmentation de la réabsorption avec :
 Les diurétiques
 Les AINS
 Les IEC
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E. Autres niveaux d'interactions pharmacocinétiques
La P-glycoprotéine, protéine de transport membranaire ATP dépendante est présente :




Au niveau des cellules intestinales
Des tubules rénaux
Des canalicules biliaires
De la BHE
Elle a un rôle cytostatique. Il existe des inhibiteurs de PgP (souvent parallèlement à l'inhibition
enzymatique).
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