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J.-M. Azorin, A. KaladjianS152
Épidémiologie du trouble schizo-affectif
Le trouble schizo-affectif représenterait 4,5 % des premiè-
res admissions psychiatriques, et 16 % des premières admis-
sions pour schizophrénie. L’incidence du trouble
schizo-maniaque serait de 1,7 pour 100 000 par an, et celle
du trouble schizo-dépressif de 4 pour 100 000 par an.
La prévalence sur la vie entière serait de 0,5 à 0,8 %.
Dans les cliniques spécialisées comme les « Lithium cli-
nics », il représenterait 35 % des admissions.
Parmi les patients admis pour psychoses majeures, 25 %
auraient un trouble schizo-affectif, 35 % un trouble affec-
tif, et 42 % une schizophrénie [17].
Validation du concept
de trouble schizo-affectif
Parmi les éléments de validation de ce concept, les don-
nées évolutives montrent des résultats intéressants. De
façon schématique, les études de suivi au long cours mon-
trent soit un pronostic proche de celui des schizophrénies,
soit un pronostic proche de celui des troubles affectifs, soit
un pronostic intermédiaire entre les deux [6].
Concernant les données neuro-biologiques, neuro-endo-
criniennes, neuro-cognitives, et neuro-pathologiques, l’en-
semble des paramètres étudiés montrent, de même, soit
un statut comparable à celui des schizophrènes, soit un sta-
tut comparable à celui des patients affectifs, soit un statut
intermédiaire entre les deux groupes [6].
Les études familiales montrent que parmi les familles
des probands schizo-affectifs, on retrouve plus de troubles
affectifs (7 %) que de troubles schizophréniques (3 %).
Les troubles affectifs sont plus fréquents parmi les
apparentés de patients souffrant de troubles schizo-affec-
tifs que parmi les apparentés de patients souffrant de trou-
bles schizophréniques. Par ailleurs, le risque de trouble
schizophrénique chez les apparentés de troubles schizo-
affectifs est supérieur au risque de trouble schizophrénique
chez les apparentés de troubles affectifs.
Le risque de trouble schizo-affectif est similaire chez
les apparentés de troubles schizophréniques à celui des
troubles affectifs (1,4 % vs 1,2 %).
Enfi n, les études familiales montrent que les troubles
schizo-affectifs de type bipolaire sont plus proches des trou-
bles affectifs, et que les troubles schizo-affectifs dépressifs
sont plus proches des troubles schizophréniques [10].
Certains auteurs, comme Marneros, ont cherché à vali-
der la distinction entre sous-types schizo-affectifs bipolai-
res vs dépressifs.
On retrouve ainsi une différence concernant le sexe
(autant d’hommes que de femmes pour le sous-type bipo-
laire, plus de femmes que d’hommes pour le sous-type
dépressif), concernant l’éducation et le statut profession-
nel (supérieurs chez les schizo-affectifs bipolaires par rap-
port aux schizo-affectifs dépressifs), concernant la
personnalité prémorbide, qui est sthénique et confi ante
dans les troubles schizo-affectifs bipolaires, asthénique et
peu confi ante chez les schizo-affectifs dépressifs. Enfi n,
l’évolution les distingue : les troubles schizo-affectifs bipo-
laires ont un début plus précoce, avec un plus grand nom-
bre d’épisodes et de cycles [13].
Ces auteurs ont également montré que les différences
de caractéristiques entre patients bipolaires et patients
dépressifs sont les mêmes que celles retrouvées entre trou-
bles schizo-affectifs bipolaires et troubles schizo-affectifs
dépressifs. Cela est vrai pour les caractéristiques socio-
démographiques, et pour l’évolution, qui est dans l’ensem-
ble moins bonne que dans les troubles affectifs [13].
Enfi n, les études de validation des sous-types « troubles
schizo-affectifs co-occurents » vs « troubles schizo-affec-
tifs séquentiels » n’ont montré aucune différence, tant au
niveau des caractéristiques socio-démographiques prémor-
bides que du profi l évolutif ou du pronostic.
Hypothèses étiologiques
Plusieurs hypothèses peuvent être proposées quant à l’étio-
logie du trouble schizo-affectif. On peut le considérer
comme une variante de la schizophrénie, comme une
variante du trouble affectif, comme une psychose indépen-
dante, comme un trouble hétérogène sur le plan nosologi-
que : se pose aussi la question d’une vulnérabilité unique
ou d’une vulnérabilité partagée [17].
Un travail intéressant de Tsuang et al. [21] a montré
que le diagnostic de trouble schizo-affectif n’est pas indé-
pendant de celui de trouble schizophrénique ni de celui de
trouble affectif. Mais l’hypothèse qu’il s’agisse donc d’un
trouble hétérogène sur le plan nosologique (une partie se
rapprochant des troubles affectifs, l’autre des troubles
schizo phréniques) ne paraît pas étayée par les résultats des
études familiales.
On peut aussi faire l’hypothèse d’une vulnérabilité uni-
que pour les différents troubles, avec des expressions dif-
férentes. C’est par exemple le modèle de Janzarik [7],
postulant que la vulnérabilité commune à l’ensemble des
psychoses est une prédisposition à l’instabilité dynamique,
à une fl uctuation de l’humeur, mais que cette fl uctuation
peut être endiguée soit par la structure de la personnalité,
soit par le tempérament (fi gure 1). L’une des limites de ce
modèle est qu’il rend compte des schizophrénies paranoï-
des, mais pas des schizophrénies négatives.
Le modèle de la vulnérabilité partagée met en jeu des
phénomènes d’interactions entre les gènes (gènes de la
vulnérabilité cognitive, gènes de la vulnérabilité thymique,
gènes de la vulnérabilité aux interactions communes) et
des interactions gènes-environnement.
Ce modèle a été développé notamment par Siris et
Lavin (fi gure 2) [17], et par Berner (fi gure 3) [5].
Aspects thérapeutiques
Dans les troubles schizo-maniaques, en ce qui concerne l’ef-
fi cacité curative, les études contrôlées montrent que la
combinaison antipsychotique/stabilisateur de l’humeur sem-
ble supérieure aux monothérapies. Une étude contrôlée
montre la supériorité de l’olanzapine sur l’halopéridol, et