
En effet, rester dans une même position, après un
certain temps, provoque un signal de douleur qui
nous indique qu’il est temps de déplacer un ge-
nou, un pied ou une jambe. Dans ce cas, la dou-
leur a fait son travail. En bougeant on évite la
douleur, mais surtout les lésions des contraintes
articulaires, musculaires, tendineuses, etc. Cette
douleur aiguë, voire physiologique, protège la to-
talité de l’organisme.
La douleur chronique, douleur sans utilité…
Dans le cas de la douleur chronique, on constate
que le patient a exagérément mal par rapport aux
symptômes. Cette douleur devient préjudiciable
pour l’intégrité physique et psychique de l’indivi-
du. La douleur chronique n’a plus de valeur de
« signal d’alarme ». Elle s’associe le plus souvent
à une profonde dépression qui est à l’origine
d’une surconsommation d’antalgiques et de psy-
chotropes, ne serait-ce que pour trouver le som-
meil...
De la difficulté d’évaluer la douleur…
La douleur relève de l’expérience émotionnelle.
Nous sommes dans le domaine du subjectif. On ne
voit pas la douleur. Il est impossible de mesurer
son intensité. Il n’existe aucun examen paramédi-
cal témoignant d’une douleur. Il n’est pas diffi-
cile de simuler une plainte douloureuse. D’autre
part, dans le cerveau il n’y pas d’endroit précis
où la perception de la douleur serait localisée.
Dire la douleur
Il n’y a pas de mots spécifiques qui expriment les
différents types de douleur et leur intensité. Il
est nécessaire d’utiliser des comparaisons :
« C’est comme un coup de poignard. », etc. La
parole est un canal essentiel pour exprimer sa
douleur. On a longtemps considéré à tort que
ceux qui n’avaient pas accès à la parole ne pou-
vaient pas souffrir : bébé, jeunes enfants, handi-
capés, etc. Comment faire avec un sujet âgé non
communicant, ou ne s’exprimant presque pas ?
Plus on est âgé et plus on éprouve des difficultés
à trouver ses mots. Seule possibilité alors pour
évaluer la douleur et son intensité : observer le
patient qui va adopter des attitudes antalgiques.
L’importance des autres composantes de la
douleur
L’expression et la reconnaissance de la douleur
imposent de prendre en considération un ensem-
ble de composantes : sociologique, éducative,
religieuse, personnelle. Une identification juste
de la douleur impose de connaître ces composan-
tes. D’où la plus grande aptitude des infirmières
expérimentées, par rapport aux débutantes. Par-
mi ces composantes la participation confusion-
nelle n’est pas à exclure : une personne qui a de
plus en plus mal, prendra de plus en plus de mé-
dicaments, négligeant les doses prescrites, sur-
tout si elle peine à trouver le sommeil. Elle agira
au risque de perdre la vie. Il y a ainsi des tentati-
ves de suicides, interprétées comme telles, qui
n’en sont pas « Je voulais juste dormir… ».
Des tentatives de mesure de la douleur
Il a été mis au point des échelles de mesure semi-
quantitatives pour tenter d’évaluer l’intensité de
la douleur. Par exemple : L’E.V.A. : l’Echelle Vi-
suelle Analogique. C’est le patient qui s’auto-
évalue avec des « notes » allant de 0 à 10. La me-
sure « O » est acquise à l’ensemble des sujets. La
mesure « 10 » suppose que ces sujets aient déjà
atteint ce seuil. Mais dans l’éventualité où ils au-
raient atteint ce chiffre, comment pourraient-ils
savoir qu’ils ne peuvent pas souffrir davantage
encore ? Néanmoins, cette échelle trouve un inté-
rêt dans des mesures comparatives pour juger de
l’efficacité d’un traitement ou d’un médicament.
ECPA & DOLOPLUS sont des échelles d’évaluation
semi-quantitatives de la douleur chez le sujet non
communicant ou peu communicant. C’est le per-
sonnel médical qui identifie et évalue la douleur.
On regarde les attitudes du patient, son visage,
ses expressions, sa façon de se positionner dans le
lit (attitude antalgique ?), on écoute ses plaintes
(cris, geignements, etc.). Un ensemble de person-
nes, de soignants, remplissent les questionnaires
d’évaluation. Les scores sont comparés dans le
temps. L’augmentation du nombre des évalua-
teurs permet de tendre vers davantage de subjec-
tivité.
L’origine des échelles
Le Psychiatre d’enfant GAUVAIN-PIQUARD, qui
travaillait sur la douleur des enfants atteint d’hé-
mopathie et cancers, a ressenti très tôt le besoin
de mettre au point une échelle de mesure de l’in-
tensité douloureuse. Rappelons qu’en latin
« enfant » signifie « qui ne parle pas ». Les deux
échelles ECPA et DOLOPLUS sont des adaptations
de cette première échelle. Ce médecin s’inspire
des travaux de Sigmund Freud qui en son temps
avait déjà tenté de conceptualiser la douleur à
défaut de la mesurer. Il proposait différents ni-
veaux d’impact de la douleur sur l’appareil psy-
chique. Premier niveau, une personne qui va bien
et qui n’a pas de préoccupations somatiques ou
psychiques s’intéresse au monde qui l’entoure et
à elle-même. Le second niveau : dès qu’une pe-
tite douleur commence à se manifester, l’intérêt
pour le monde extérieur diminue tandis que l’in-
dividu se recentre sur lui-même. Troisième ni-
veau : une douleur importante conduit l’individu
à se désintéresser de l’extérieur, des autres et de
son propre corps. Il se recroqueville sur sa dou-
leur et sur lui-même. Quatrième niveau : il existe
une « pétrification » du corps et de l’esprit :
c’est « l’Atonie Psychique ». Il est immobile,
concentré sur la douleur. Le monde extérieur et
son corps ne l’intéressent plus du tout.
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