EFFETS D’UNE ACLALOSE INDUITE SUR LES PARAMETRES METABOLIQUES
ET SANGUINS LORS D’UN TEST CYCLISME – COURSE A PIED CHEZ DES
TRIATHLETES ENTRAINES
Christophe HAUSSWIRTH, François BIEUZEN, Sébastien ARGENTIN, Jean Michel LEVEQUE
Science et Motricité n°51 2004
Aucune variable physiologique isolée ne peut être un indicateur à la performance
dans les sports fortement énergétique Hausswirth et Brisswalter 1999
Lors d’un exercice court et intense ou issue d’un test VO2max, la production d’acide
lactique dans les muscle actifs et sa diffusion rapide dans les liquides extra-cellulaires
entraînent une augmentation des concentrations d’ions hydrogènes (Sahlin 1978),
autres observations (Hermansen et Osnes 1972) ont conduit à l’hypothèse qu’au
cours d’un exercice maximal, l’acidose métabolique pourrait être un facteur
responsable de l’apparition de la fatigue musculaire.
A partir d’études, Kowalchuk et al 1984, Jones et al 1977, résultats d’un apport en
substances tampon (type bi-carbonates) puis avant l’effort, en retardant la baisse du
PH intra musculaire et en permettant une plus grande production d’ions lactates.
Les résultats de ces études sont contradictoires.
Pour Jones et al 1977, augmentation de la performance avec une plus grande de la
lactatémie après ingestion pour un exercice maximal triangulaire, au cours d’un
temps limite isométrique mené à épuisement lors d’un exercice d’extension du genou
(Hausswirth et al 1995).
A l’inverse Kinderman et al. 1977 ne montrent aucun effet significatif au cours d’un
exercice supra-maximal de 30’’ à 60’’.
Le déséquilibre acido-basique sanguin perturbe à la fois le système endocrinien, la
disponibilité en substrats sanguins et musculaires (Sulton et al. 1981), les systèmes
cardio-circulatoire et ventilatoire (Jones et al 1977) ainsi que la perception de l’effort.
Problème d’ingestion de bicarbonate de sodium en grande quantité (0,3 à 0,5
g.kg/poids corporel) pour avoir une augmentation de la performance (Walkes et al
1983), elles sont souvent associées à des troubles gastro-intestinaux (Linderman et
Gosselink 1994)
Autres substances, citrate de sodium tri-sodique effet ergo génique a été montré
dans quelques études (Mc Naughton 1990, Hausswirth 1995) sans être associé ou
comparé à des hydrates de carbone.
Buts de l’étude
1) Déterminer l’influence de l’ingestion pré-exercice de citrate de sodium tri-
sodique (C) sur VO2max en vélo et Tlim Càp, en comparaison avec un groupe
placebo (P)
2) Comparer les résultats sanguins et métaboliques
a. Alcalose induite seul
b. Alcalose + hydrates de carbone avec des vitamines et des minéraux
CHO
c. Placebo
d. Hydrates de carbone avec des vitamines et minéraux seules
Hypothèse :
L’ingestion pré-exercice d’une boisson énergétique alcalinisante devrait autoriser des
performances plus élevées (VO2max, tlim) chez des triathlètes entraînés.
Matériels et méthodes
9 sujets masculins, triathlètes courte distance
ages 24,1 +3,8 kg 68.1 +5.8 taille 177.5 +3.4
Fcmax 191 +7 VO2max 69.2 +5.1 La 10.2 +1.4
% VO2max à SV2 79.2 +6.1 % MG 9.2 +1.2
Heures entraînement /semaine 22 +4
Test consommation maximale d’oxygène sur tapis roulant
Test VMA sur tapis roulant, pente à 0%
Paramètres gazeux et respiratoires enregistrés avec K4
Echauffement 6’ à 10km/h, incrémentation 1km/h / 1’
Pour Chaque individu, VO2max est atteint si les critères définis par Hovley et al 1995
sont atteints :
- plateau de VO2 malgré l’augmentation de l’intensité de l’exercice
- Fcmax = au moins 90% de la Fcmax théorique
- Quotient respiratoire > 1,15
- Lactatémie post exercice > à 8
Seuil ventilatoire (SV2) obtenu d’après la méthode de calcul proposée par Beaver,
Wasserman, Whipp 1986. Recherche systématique du point de rupture de la relation
VCO2 / VO2
Test d’enchaînement Ergocyle – Tapis roulant (E – TR)
Protocole
Après le test VMA et 48 heures de repos ou activité physique modérée.
Test triangulaire sur ergocycle jusqu’à épuisement
6’ d’échauffement à 100 watts + 25 watts toutes les 2’ jusqu’à atteinte de VO2max
suivant les critères d’Howley et al 1995
Après une récupération de 1’, tlim en course à pied à la vitesse de SV2. (Celle
comme étant la plus proche de celle d’un 10km sur triathlon CD, Hausswirth 1996)
Sessions expérimentales et constitutions des boissons ingérées
1h30 avant le test E-TR chaque sujet doit ingérer une des 4 boissons solutions
proposées par tirage au sort
1) citrate de sodium tri-sodique (C) contenant 0,3g de Na3C6H5O7 par Kg de
poids corporel dilués dans un litre d’eau
2) Placebo (P) chlorure de sodium dosé à 0,045 gr / kg de poids corporel
3) Hydrates de carbone, vitamines, minéraux (CH0) contenant 5,5% de CHO
(fructose, maltodextrine) soit 55gr L et des vitamines (A, C, B1, B6) du béta
carotène, des bioflavonoïdes d’agrumes et des minéraux (magnésium et
calcium)
4) Citrate de sodium tri-sodique + hydrates de carbone, vitamines, minéraux
contenant solution 1 + la solution 3
Tous les sujets ont fait les 4 situations
Le régime alimentaire est contrôlé et identique 48h avant le test.
Récupération de 72h entre chaque test
Prélèvements sanguins
T1 avant ingestion, T2 1h30 après ingestion, T3 fin test VO2max ergocycle, T4 fin
tlim course, T5 15’ après fin test
Effort perçu
A la fin de chaque palier lors du test triangulaire sur ergocycle et à la fin test tlim
Càp. L’échelle utilisée est celle de Borg (1970)
Statistiques
Plusieurs phases d’apprentissage au test d’enchaînement ont été réalisées pour ne
pas induire un biais type « habileté spécifique » lors des évaluations.
Vitesse au seuil ventilatoire obtenue par extrapolation des différentes valeurs
encadrant cette zone de travail. Plusieurs facteurs ont été associés à cette intensité,
FC, consommation d’O2, débit ventilatoire.
Le seuil significatif a été fixé à p<0,05
Résultats
- aucune différence significative de VO2max entre le test Càp et le vélo
- pas de différence significative de VO2max et Fcmax lors des 4 tests
triangulaires sur ergocycle indépendamment de la boisson ingérée
- aucune différence significative pour les débits ventilatoires
- Pmax CCHO significativement supérieure à C et CHO p<0,05 et P p<0,01
- Pourcentage de VO2max à SV2 dans C et C-CHO significativement plus
élevées que dans CHO et P
- Effort perçu lors du test triangulaire en cyclisme, valeurs significativement plus
faibles pour C-CHO par rapport à CHO et P à partir du palier 150 watts et
jusqu’au palier 375 watts
- Valeurs significativement plus faibles en C-CHO vs C uniquement du palier
150 watts à 250 watts, pas de différence ensuite.
- Valeurs relevées en C significativement plus faibles que CHO et P du palier
275 watts à 375 watts
- Les valeurs de changements de concentration en bicarbonates sanguins et PH
sanguins pas significativement différente avant ingestion
- A l’instant T2 pour (HCO3) et PH, valeurs en C-CHO vs CHO et P
significativement plus élevées
- Différence identique entre T3, T4, T5 à la fois pour HCO3 et PH
- Lactatémies plus élevées T3, T4, T5 pour C-CHO et C vs CHO et P
- Pas de différence de lactatémies T&1 et T2
Discussion
Résultat principal : ingestion de solution de citrate de sodium tri-sodique associée à
des hydrates de carbone, des vitamines et des minéraux (C-CHO).
Augmentation de la puissance maximale aérobie en cyclisme sans modifier VO2max
et augmentation de la performance en tlim au second seuil ventilatoire en Càp
réalisée en enchaînement du test vélo.
Effet ergogénique, ingestion de bicarbonate de sodium et de citrate de sodium a été
largement décrit dans la littérature pour des exercices courts et intenses.
Exercice de 1 à 6’ en exercice global, Bouissou et al. 1988, Mc Naughton 1990 entre
2 à 5’ exercice local isométrique, Hausswirth et al. 1995, Maughon et al 1986
Dans cette étude
- effet positif de l’ingestion de citrate de sodium tri-sodique (c) sur Pmax vélo
vs Placebo +5% et une solution d’hydrate de carbone +4%
- Cette différence en terme de performance n’est pas attribuée à VO2max ni à
VE, ces valeurs restant identiques.
- Principale modification est obtenue pour pourcentage de VO2max à SV2, ou
pourcentage en C est supérieur à CHO ou P
De ce fait, au niveau du seuil ventilatoire, meilleure extraction périphérique de l’O2
est rendue possible par l’alcalose, reculant ainsi les effets délétères de l’acidose
métabolique de l’exercice. En effet, nous avons montré que les valeurs de
bicarbonates et de PH sanguins sont augmentés par l’ingestion de citrate de sodium,
et que ces valeurs plus élevées sont retrouvées fin test vélo.
A des intensités plus faibles (ie en dessous ou égale SV2), l’alcalose participe à un
meilleur CE de l’exercice sous maximale. Ces résultats sont à rapprocher de ceux
obtenus par Mc Naughton et al. 1999, montrant une amélioration des performances
(ie pourcentage de VO2max plus élevés) lors de 60’ de vélo.
Meilleur rendement énergétique attribué à l’alcalinisation préalable (valeurs de
bicarbonates plasmatiques plus élevées durant les 60’)
Tout comme pour Brisswalter et al. 1999, CHO n’a pas d’effet ergogénique sur le CE
de Càp.
- dans notre étude, effort perçu plus faible en C vs P et CHO mais uniquement à
partir de 275 watts et jusqu’à la fin du test
- Utter et al 2002 montraient que des marathoniens courent plus vite avec une
ingestion CHO vs placebo sans toutefois modifier l’effort perçu
- Dans notre étude tlim +9% entre CHO et P, sans modification de l’effort perçu
en fin de Càp, la lactatémie est similaire
Tlim C +15% vs P et 7% vs CHO en liaison avec la lactatémie plus élevée, ainsi que
des bicarbonates et PH sanguins en hausse.
Les temps de Càp sont améliorés par l’alcalinisation exogène sur des exercices de
400m Goldfinch et al. 1988, et 800m Willas et al. 1988.
Notre étude montre tlim C supérieur à tlim CHO. Effet ergogénique de l’alcalose
augmente les flux de protons et d’ions lactates en provenance du muscle, améliorant
ainsi le pouvoir de tamponner ces protons dans le milieu extracellulaire, Mc
Naughton 1990.
Dans notre étude, l’ingestion de citrate de sodium provoque l’augmentation de
bicarbonates et permet ainsi une meilleure extrusion des ions lactates vers le milieu
circulant tout en tamponnant l’excès de protons et facilitant un meilleur tlim en Càp.
Exercice d’intensité = 70 à 85% de VO2max, le glycogène musculaire est le substrat
le plus important de l’exercice, Coyle et al. 1983.
Quelques études ont mis en évidence qu’une supplémentation de CHO pendant
l’exercice donne une augmentation de la performance. Cela a été relié à un maintien
de la concentration de glucose sanguin ainsi qu’à une épargne de glycogène
musculaire, Coyle et al. 1986
Quelques auteurs ont montré un effet inverse, effets négatifs de l’absorption de
CHO, 45’ avant début de l’exercice, Koivisto et al. 1981. Ils ont observé une
association entre l’élévation de la concentration de glucose sanguin et baisse de tlim
en vélo.
Dans notre étude tlim en Càp CHO vs P +9%. Ceci est attribué à la présence de
polymère de glucose dans CHO, polymères ne produisant que des réponses
insuliniques plus réduites vs glucose seul, Flynn et al. 1987.
Ici, C-CHO vs C Pmax C+3%, à CHO +6% et P+8%. Ceci n’est pas expliqué, pas de
modification de VO2max, Fcmax ou Vemax, ces valeurs restent identiques dans les 4
situations en fin de test sur ergocycle.
Lactatémies, bicarbonates et PH sanguins plus élevés en fin de test comparées à P et
CHO (expliquant amélioration Pmax) ; idem avec les valeurs significativement plus
faibles d’effort perçu durant toute la durée du test triangulaire en C-CHO
Pour expliquer, la différence de Pmax entre C et C-CHO, seules les valeurs d’effort
perçu peuvent rendre compte partiellement des différences, essentiellement aux
intensités faibles (150 à 250 watts)
- fatigue subjective ressentie est plus faible en C-CHO pour intensités
inférieures SV2
- nombreuses études montrent une augmentation tlim Càp après ingestion de
bicarbonate de sodium, Hooker el al. 1987. dans beaucoup d’études
problèmes méthodologiques, l’allure de course est fixée à priori, les athlètes
ne peuvent pas tirer profit de l’augmentation de la capacité tampon fournie
Heigenhauser et Jones 1991 indiquent que la façon dont le citrate de sodium va agir
est dépendante de la capacité de travail produite, l’efficacité augmente avec
l’intensité
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