2
3. Un constat d’échec résulte de ces considérations10. Il débouche sur l’impression
qu’il est vain de vouloir éclaircir cette notion, toute tentative dans ce sens semblant,
loin de faire progresser la connaissance, ajouter à l’obscurité, ce qui peut expliquer
qu’il n’y ait guère eu d’études généralistes sur la causalité11.
4. Des tentatives pour échapper aux affres de la causalité ont été faites12, soit en
l’éliminant de certains régimes - telle a été la démarche qui a justifié la loi sur les
accidents de la circulation13 - soit en envisageant des notions de remplacement, mais
sans succès14. La causalité, malgré tout, demeure solidement inscrite dans le droit de
la responsabilité civile avec son cortège de difficultés, bien que certaines aient été
toutefois aplanies par la création de régimes spéciaux que le législateur a
multipliés15. Si le contentieux relatif à la qualification du lien de causalité n’est pas
numériquement marquant, avec des fluctuations par période16, il peut se révéler
d’une grande importance par son retentissement. Les incertitudes sur le concept
peuvent avoir des conséquences quant à la légitimité des décisions de justice. Tel a
été le cas dans la célèbre affaire Perruche17 qui a été un véritable défi en matière de
causalité pour le monde du droit.
5. Les enjeux, ceux de la naissance d’un enfant handicapé dont la mère n’avait pu
procéder à un avortement du fait d’une erreur médicale et qui demandait réparation
au profit de celui-ci, étaient de première importance et nécessitaient une réponse
théorie de l’équivalence des conditions repose sur la prise en compte du fait dans la production du
dommage, de son efficience ».
10 J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, op. cit., n° 162 – G. Viney et P. Jourdain, op. cit., n° 334 et s.
11 Il y a deux thèses classiques en France : celle de P. Marteau, La notion de lien de causalité dans la
responsabilité civile, Marseille, 1914 et celle de J. Favier, La relation de cause à effet dans la
responsabilité quasi-délictuelle, Paris, 1951.
12 P. Esmein, Le nez de Cléopâtre ou les affres de la causalité, D. 1964, chron. p. 205.
13 G. Viney et P. Jourdain, op. cit., n° 990 : même dans ces tentatives de refouler la causalité au profit
d’une notion plus simple, elle ne peut être totalement éliminée et subsiste sous forme d’une
présomption de liaison du dommage à l’accident, appelée imputabilité : ibidem, n° 999.
14 G. Viney et P. Jourdain, op. cit., n° 336.
15 F. Leduc, L’œuvre du législateur moderne : vices et vertus des régimes spéciaux, in, La
responsabilité civile à l’aube du XXIe siécle, Resp. civ. assur., hors série, juin 2001, p. 50.
16 Ainsi le contentieux du fait des accidents de la circulation était important jusqu’à la loi de juillet
1985 qui l’a à peu près tari. F. Leduc, L’état actuel du principe général de responsabilité délictuelle
du fait des choses, in. F. Leduc (sous la direction de), La responsabilité du fait des choses. Réflexions
autour d’un centenaire, Economica, 1997, p. 35.
17 Ass. plén. 17 nov. 2000 : JCP. G. 2000, II, 10438, rapp. P. Sargos, concl. J. Sainte-Rose, note F.
Chabas.