Le médicament contre le sida appelé Indinavir (illustré ici comme la pièce manquante d’un puzzle qui
représente une protéine, la protéase du VIH) a été mis au point grâce aux théories de la liaison chimique.
5.1 Molécules contre le sida XXX
5.2 Former des liaisons XXX
5.3 Modèle de Lewis XXX
5.4 Liaison métallique et modèle
delamer d’électrons XXX
5.5 Liaison ionique et modèle
deLewis XXX
5.6 Liaison covalente et modèle
deLewis XXX
5.7 Liaison covalente et modèle
quantique XXX
CHAPITRE
5
Les théories sont des filets
lancés pour attraper
ceque nous appelons
« lemonde » : pour le
rationaliser, l’expliquer et
le maîtriser. Nous nous
efforçons d’en rendre les
mailles toujours plus fines.
Karl Popper
(-)
Les liaisons chimiques
182 CHAPITRE 5 Les liaisons chimiques
L
a liaison chimique est au cœur de la chimie. Comme l’exprime si bien le philosophe des
sciences Karl Popper, les théories de la liaison (des modèles qui prédisent comment
lesatomes se lient) que nous nous apprêtons à étudier sont des filets lancés pour
comprendre le monde. Dans ce chapitre et les deux suivants, nous étudierons divers modèles
qui vous permettront de comprendre les phénomènes physiques et chimiques reliés aux
substances. Nous commencerons par nous intéresser aux substances métalliques et
auxsubstances ioniques formées respectivement de métaux uniquement ou d’une combi-
naison de métaux et de non-métaux. Chacune de ces catégories de substances possède des
propriétés particulières qui sont bien décrites dans la théorie de la mer d’électrons et dans
celle du réseau ionique. Les théories de la liaison de valence et des orbitales moléculaires
(lathéorie des orbitales moléculaires traite plus les électrons à la manière de la mécanique
quantique) permettent quant à elles d’analyser les substances covalentes. Laquelle de ces
théories est « correcte » ? Rappelez-vous que les théories sont des modèles qui nous aident à
comprendre et à prédire un comportement. Ces quatre théories sont toutes extrêmement utiles ;
tout dépend de l’aspect exact de la liaison chimique que nous voulons prédire ou comprendre.
5.1 Molécules contre le sida
En 1989, des chercheurs ont utilisé la cristallographie aux rayons X (une technique dans
laquelle les cristaux de la molécule dintérêt provoquent la dispersion des rayons X) pour
déterminer la structure d’une molécule appelée protéase du VIH. Synthétisée par le virus
de limmunodéficience humaine (VIH), cette protéase est une protéine (une molécule
gigantesque aussi appelée macromolécule) aux propriétés enzymatiques particulières et
qui jouent un rôle essentiel dans la capacité du virus de se multiplier suffisamment pour
causer le syndrome de limmunodéficience acquise, ou sida, qui est la phase aiguë de la
maladie. Sans protéase, le virus est incapable de se propager dans lorganisme humain,
parce quil ne peut pas se répliquer. Autrement dit, sans la protéase du VIH, le sida ne
peut pas se développer.
Après la découverte de la structure de la protéase du VIH, l’industrie pharmaceu-
tique sest employée à créer une molécule qui désactive la protéase en se fixant à son site
actif. Le site actif est une région où seffectue la réaction chimique catalysée par une
enzyme. Dans le cas de la protéase du VIH, l’enzyme permet de rendre fonctionnelles des
molécules permettant au virus d’entrer dans les cellules. Si on bloque laccès à son site
actif, on empêche les nouvelles particules virales d’être infectieuses. Afin de concevoir
une molécule capable dinactiver cette protéase, les chercheurs ont eu recours aux théo-
ries de la liaison afin de simuler par ordinateur la forme des molécules de médicaments
potentiels et de déterminer comment elles interagiraient avec la protéase. Au début des
anes 1990, ces compagnies ont mis au point plusieurs molécules douées d’une effica-
cité thérapeutique. Étant donné que ces molécules inhibent laction de la protéase du VIH,
on les appelle des inhibiteurs de protéase. Dans les essais cliniques chez les humains, les
inhibiteurs de protéases, lorsquils sont administrés en combinaison avec d’autres médi-
caments, ont diminué la charge virale chez des individus infectés par le VIH jusquà des
niveaux indétectables. Bien que les inhibiteurs de protéases ne permettent pas de guérir
le sida à proprement parler, de nombreux patients sidéens sont encore vivants aujourd’hui
grâce à ces médicaments.
Les théories de la liaison sont fondamentales en chimie parce quelles expliquent
comment les atomes forment des substances. Grâce à elles, nous savons pourquoi cer-
taines combinaisons d’atomes sont stables, alors que dautres ne le sont pas. Ainsi, les
théories de la liaison expliquent pourquoi le sel de table est NaCl et non NaCl2 et pour-
quoi leau est H2O et non H3O. Elles expliquent également les formes des molécules (un
sujet abordé dans le prochain chapitre) qui, à leur tour, déterminent un grand nombre de
leurs propriétés physiques et chimiques. Les théories de la liaison que nous étudierons
dans le présent chapitre découlent du modèle de Lewis, proposé par le chimiste étasunien
G. N. Lewis (1875-1946). Dans ce modèle, on symbolise les électrons de valence par des
points et on utilise les structures de Lewis (ou notation de Lewis) pour représenter
les atomes et les molécules. Ces structures, assez simples à écrire, possèdent un
Gilbert Newton Lewis
5.2 Former des liaisons 183
extraor dinaire pouvoir de prédiction. On peut utiliser le modèle de Lewis pour prédire si
un ensemble datomes donnés formera une molécule stable et quel sera son aspect. Nous
aborderons également des théories plus pointues dans le chapitre suivant, mais le modèle
de Lewis demeure la méthode la plus simple pour effectuer des prédictions rapides au
sujet de la plupart des composés.
5.2 Former des liaisons
En guise d’introduction à cet exposé sur la liaison chimique, nous pourrions nous deman-
der pourquoi les liaisons se forment. Cette question nest simple quen apparence et elle
est essentielle. Pour un instant, imaginons un univers sans liaisons chimiques. Cet univers
ne contiendrait que 91 substances différentes (les 91 éléments présents naturellement).
Avec une si petite diversité, la vie serait impossible, et nous ne serions pas là pour nous
demander pourquoi. Par ailleurs, on ne peut répondre à cette question sans faire intervenir
la mécanique quantique et la thermodynamique (laquelle sera abordée dans le deuxième
tome de cet ouvrage, Chimie des solutions). Néanmoins, on peut régler une partie impor-
tante de la réponse dès maintenant en affirmant que les liaisons chimiques se forment
parce quelles abaissent l’énergie potentielle des atomes.
Comme on le sait déjà, les atomes sont constitués de particules chargées positivement
(les protons dans le noyau) et négativement (les électrons). Quand deux atomes sapprochent
lun de l’autre, les électrons de lun sont attirés par le noyau de lautre selon la loi de
Coulomb (voir la section 4.3) et vice versa. Cependant, en même temps, les électrons de
chaque atome exercent une répulsion sur les électrons de l’autre. Il en résulte un ensemble
complexe d’interactions parmi un nombre potentiellement élevé de particules chargées.
Si les interactions entraînent une réduction globale nette de lénergie potentielle entre les
particules chargées, il se forme une liaison chimique. Les théories de la liaison nous
aident à prédire les circonstances dans lesquelles les liaisons se forment et également les
propriétés des substances résultantes.
Comme nous lavons expliqué à la section 2.5, il est possible de classer les liaisons
chimiques en trois grandes catégories selon le type d’atomes qui participent à la liaison :
les liaisons ioniques (métal et non-métal), les liaisons covalentes (non-métaux) et les liai-
sons métalliques (métaux) (figure 5.1). Voyons maintenant sur quels principes repose cette
classification.
Nous avons appris au chapitre 4 que les métaux tendent à avoir de faibles indices
délectronégativité (il est relativement facile de leur arracher un électron lors de la forma-
tion dune liaison) et que les non-métaux tendent à avoir des indices délectronégativité
élevés (il est énergétiquement favorable pour eux de gagner des électrons). Quand un
métal se lie à un non-métal, il transfère donc un ou plusieurs de ses électrons au non-
métal. Latome de métal devient alors un cation et latome de non-métal, un anion. Ces
ions de charges opposées sattirent mutuellement, ce qui abaisse leur énergie potentielle
globale comme le prévoit la loi de Coulomb. La liaison qui résulte de la force électrosta-
tique entre ces charges opposées est une liaison ionique.
Comme les non-métaux ont des indices délectronégativité élevés (il est difficile de
leur enlever des électrons), aucun des atomes ne transfère d’électrons à lautre quand lun
de ces non-métaux se lie avec un autre non-métal. Certains électrons sont plutôt partagés
entre les deux atomes qui se lient. Les électrons partagés interagissent avec les noyaux
des deux atomes qui forment une liaison, ce qui abaisse leur énergie potentielle en accord
avec la loi de Coulomb. La liaison résultant de ce partage est une liaison covalente.
Comme on peut le voir dans la figure 5.2, lagencement dans lequel la particule chargée
négativement se situe entre les deux particules chargées positivement présente lénergie
potentielle la plus faible. Il en est ainsi parce que dans cet agencement, la particule char-
gée négativement interagit le plus fortement avec les deux particules chargées positive-
ment. Dans un sens, la particule chargée négativement maintient ensemble les deux
chargées positivement. De la même manière, les électrons mis en commun dans une
liaison chimique covalente maintiennent ensemble les atomes qui se lient en attirant les
charges positives des noyaux.
184 CHAPITRE 5 Les liaisons chimiques
+ + + + + +
Énergie potentielle la plus faible
(la plus stable)
FIGURE 5.2 Quelques configurations possibles de deux protons et d’un électron
Un troisième type de liaison, appelé liaison métallique, se produit lorsquune grande
quantité datomes métalliques sont mis en présence. Étant donné que les métaux ont de
faibles indices délectronégativité, ils tendent à perdre facilement des électrons. Dans le
modèle le plus simple de la liaison métallique (appelé le modèle de la mer délectrons)
tous les atomes dun réseau métallique partagent leurs électrons de valence. Ces électrons
mis en commun ne sont plus localisés sur un seul atome, mais ils sont délocalisés dans
tout le métal. Les atomes de métal chargés positivement sont alors attirés par la mer
d’électrons, ce qui maintient le métal ensemble. Nous examinons la liaison métallique
plus en détail à la section 5.4. Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques des
troisdifférents types de liaisons.
Types d’atomes Type de liaisons Caractéristique de la liaison
Métal et non-métal Ionique Transfert d’électrons
Non-métal et non-métal Covalente Partage d’électrons
Métal et métal Métallique Délocalisation d’électrons
Sel de table, NaCl(s)
Na+Cl
Glace, H2O(s)
Sodium métallique, Na(s)
Molécules H2O
Mer d’électrons
Na+
Liaison covalente
Liaison métallique
Liaison ionique
FIGURE 5.1 Liaisons ionique, covalente et métallique
5.3 Modèle de Lewis 185
5.3 Modèle de Lewis
Rappelez-vous quau chapitre 3 nous avons vu que, pour les éléments des groupes princi-
paux, les électrons de valence sont les électrons qui occupent le niveau d’énergie principal
le plus élevé. Puisque les électrons de valence sont retenus moins fermement, et puisque
la liaison chimique met en jeu le transfert ou le partage d’électrons entre deux ou plu-
sieurs atomes, les électrons de valence sont les plus importants dans la liaison. C’est
pourquoi le modèle de Lewis ne sintéresse quà ces électrons particuliers. Dans une
structure de Lewis, les électrons de valence des éléments des groupes principaux sont
représentés par des points autour du symbole de lélément. Par exemple, la configuration
électronique de O est :
1s22s22p4
6 électrons de valence
Et la structure de Lewis est
O6 points qui représentent
les électrons de valence
Chaque point représente un électron de valence. Les points sont placés autour du symbole
de lélément avec au plus deux points par côté. Les structures de Lewis de tous les élé-
ments de la période 2 sont
Li
Be
B
#
C
.
N
.:
O
$
.:
:F
$
.:
:Ne
$
.. :
Les structures de Lewis fournissent un moyen simple de visualiser le nombre délectrons
de valence dans un atome d’un groupe principal. Notez que les atomes qui ont huit élec-
trons de valence (qui sont particulièrement stables parce que le niveau périphérique est
plein) se reconnaissent facilement parce quils comportent huit points, soit un octet.
L’hélium est en quelque sorte une exception. Sa configuration électronique et sa
structure de Lewis sont
1s2
He:
Dans la structure de Lewis, les deux points de l’hélium sont toujours appariés ; ils forment
un doublet. Pour lhélium, un doublet représente une configuration électronique stable
parce que le niveau quantique n 5 1 est rempli avec seulement deux électrons.
Dans le modèle de Lewis, une liaison chimique est le partage ou le transfert d’élec-
trons permettant aux atomes qui se lient datteindre des configurations électroniques
stables. Si les électrons sont transférés, comme cela se produit entre un métal et un non-
métal, la liaison est une liaison ionique. Si les électrons sont partagés, comme cela sur-
vient entre deux non-métaux, la liaison est une liaison covalente. Dans lun ou l’autre cas,
les atomes qui se lient obtiennent des configurations électroniques stables ; étant donné
que la configuration stable comporte généralement huit électrons dans le niveau périphé-
rique, on parle de règle de loctet. Notez que le modèle de Lewis ne tente pas de traiter
des attractions et des répulsions entre les électrons et les noyaux sur les atomes voisins.
Bien que les variations d’énergie qui se produisent à cause de ces interactions soient
essentielles pour la liaison chimique (comme on l’a vu aux sections 2.5 et 5.2), le modèle
de Lewis les ignore parce que le calcul de ces variations dénergie est extrêmement com-
pliqué. Le modèle de Lewis utilise plutôt la règle de loctet simple, une approche pratique
qui prédit ce que nous observons dans la nature à propos d’un grand nombre de composés
(d’où le succès et la lonvité du modèle de Lewis).
Vous êtes maintenant en mesure de faire les exercices suivants :
1 à 4 et 65.
Rappelez-vous, le nombre d’électrons
de valence pour tout élément d’un
groupe principal est égal au numéro
dugroupe de l’élément (à l’exception
de l’hélium, qui est dans le groupe 8A,
mais qui n’a que deux électrons
devalence) :
Bien que l’endroit exact des points ne
soit pas crucial, dans le présent
manuel, nous plaçons les électrons
enaccord avec le remplissage des
orbitales de valence ns, npx, npy et npz.
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