Fidélité – abonnement 8 concerts Vendredi 24 mars 2017 20h Strasbourg, PMC Salle Érasme Axel Kober direction Antonio Meneses violoncelle Antonín Dvořák (1841-1904) Concerto pour violoncelle et orchestre en si mineur op. 104 Allegro Adagio ma non troppo Allegro moderato ► Charles Ives (1874-1954) Three Places in New England The “St Gaudens” in Boston Common (Colonel Shaw and his Colored Regiment) Putnam’s Camp, Redding, Connecticut The Housatonic at Stockbridge Zoltán Kodály (1882-1967) Háry János, suite d'orchestre Prélude. Le conte de fée commence L’Horloge musicale de Vienne Chanson Bataille et défaite de Napoléon Intermezzo Entrée de l’empereur et de sa cour Ce sont deux images qui s’imposent à l’écoute de ce programme original. Tout d’abord, celle des États-Unis d’Amérique vus par un compositeur de la « vieille Europe », Dvořák, qui, tout en pensant à sa Bohème natale, s’intéresse aux traditions musicales locales et les cite dans son Concerto pour violoncelle. Celle d’un authentique musicien américain, Ives, qui, fort d’une bonne connaissance des traditions musicales européennes, développe une écriture originale et avant-gardiste. Enfin, ce programme est aussi militaire avec l’évocation de faits de guerre américains et des aventures d’Háry János. 1 Antonín Dvořák Concerto pour violoncelle et orchestre en si mineur op. 104 Si Smetana fut « le père de la musique tchèque », Dvóřak fut le musicien tchèque universel. Le Concerto pour violoncelle en mi mineur sera la dernière œuvre de la période américaine du compositeur. Le 6 juin 1891, Dvóřak fut invité à prendre la direction du nouveau Conservatoire de New York. Trois ans plus tard, le couple Dvóřak embarqua à Hambourg pour un ultime séjour mais le charme de l'Amérique n'opérait plus et Anton éprouva beaucoup de lassitude ; en novembre, il écrivit : « Je n'ai encore rien fait. Je crois que je me suis assez reposé et je voudrais bien commencer la composition d'un concerto. » Jusqu'à présent, il avait mené à bien un Concerto pour piano et un Concerto pour violon. Il lui restait le violoncelle, un instrument qu’il n'appréciait que modérément sous la forme concertante. Assistant à l'audition par son ami, le violoncelliste pragois Hanŭs Wihan, du Deuxième concerto pour violoncelle de Victor Herbert, (1859-1924), Dvóřak se décida et se mit très rapidement au travail. Le concerto, commencé le 10 décembre, sera terminé le 9 février 1895. « Loin du brillant concerto de bravoure, Dvóřak réussit ici un coup de maître avec cet ouvrage, hissant d'un coup le concerto pour violoncelle, après celui de Schumann, au rang des plus grands concertos de piano et de violon du répertoire de l'époque. » Son mentor Brahms ira même jusqu'à déclarer : « Si j'avais pu imaginer que l'on pouvait tirer de tels accents du violoncelle, j'aurais écrit depuis longtemps un concerto pour cet instrument. » D’une manière générale, l’œuvre est empreinte d’une profonde pensée pour la Bohème natale, et c'est d'ailleurs un sentiment de gravité qui prévaut dès les premières mesures de l'exposition du thème initial de l'Allegro énoncé à la clarinette Puis un superbe solo de cor que certains musicologues rapprochent d’un célèbre cantique chanté par les Noirs, Go tell it on the mountain et que Dvořák connaissait, s'épanouit en un chant nostalgique et passionné. Le deuxième mouvement, Adagio ma non troppo est, comme dans la Septième symphonie, introduit par le choral des bois. Lorsque le violoncelle apparaît, c'est pour nous chanter une mélodie aussi émouvante que celle du largo de la Symphonie du Nouveau Monde. Une soudaine tension dramatique de l’orchestre rompt ce climat de quiétude, mais le violoncelle retrouve la sérénité en citant quelques mesures de la première mélodie des Quatre Chants op.82 (Laisse-moi à ma solitude. Ne trouble pas la tête de mon cœur par des paroles trop fortes), une mélodie que sa belle-sœur Josefina qui se mourait appréciait beaucoup ; d’ailleurs, Dvóřak, apprenant son décès, la réintroduisit dans son finale – modification qui interviendra après son retour au pays – « oscillant entre martialité et délicatesse ». Ce concerto se refuse à toute démonstration de virtuosité et l'exigence du compositeur ira jusqu’au refus d'introduire une cadence dans le mouvement final. Dvóřak écrira à son éditeur Simrock : « Le Concerto doit être exécuté comme il est écrit sans aucun changement par qui que ce soit… Le finale doit s'achever progressivement, diminuendo – comme un soupir – avec des réminiscences des premier et deuxième mouvements. » C'est Leo Stern qui créera le Concerto pour violoncelle de Dvóřak, le 19 mars 1896, à Londres, au Queen’s Hall, sous la direction du compositeur. 2 Charles Ives Three Places in New England C’est auprès de son père George que Charles Ives s’initie à la musique et en apprend les bases tout en développant son goût pour les expérimentations musicales les plus audacieuses. Il commence à composer à l’âge de 12 ans. Deux ans plus tard, il est nommé organiste à la Seconde église congrégationaliste de Danbury, sa ville natale. En 1894, il entre à Yale où il restera quatre ans. Il compose des psaumes et les Variations sur « America ». En 1898, il travaille dans une compagnie d’assurance à New York, tout en continuant une activité d’organiste dans diverses églises. En 1906, il fonde avec l’un de ses amis une compagnie d’assurance, Ives & Myrick, qui prospère et lui assure une sécurité financière. En 1908, il épouse Harmony Twichell qui sera un soutien essentiel, d’autant plus que le compositeur souffre de problèmes cardiaques. C’est dans les années qui suivent qu’il compose sa Sonate n° 2 pour piano : Concord Mass, son Quatuor à cordes n° 2, la Symphonie n° 4 et les Three Places in New England. Le musicologue James B. Sinclair a retracé avec précision la genèse des Trois Paysages de la Nouvelle-Angleterre. La pièce prend forme entre 1912 et 1917. Une version pour grand orchestre fut préparée en 1913 et 1914 et une pour orchestre de chambre qui fut créée en janvier 1931 par Nicolas Slonimsky à New York, puis la même année, à Boston, à La Havane et à Paris. En 1933 – 1935, Ives révise sa partition et la destine un orchestre de chambre plus important. The “St Gaudens” in Boston Common (Colonel Shaw and his Colored Regiment) Ce premier mouvement célèbre les hauts faits du 54e Massachusetts Volunteer Infantry, premier régiment noir commandé par Robert Gould Shaw qui s’illustra pendant la guerre de sécession dans la Union Army. En 1897, le sculpteur August Saint-Gaudens immortalisa ce régiment sur un relief en bronze situé en bordure du parc Boston Common. Comme souvent dans son œuvre, Ives recourt à des mélodies populaires et à des thèmes de marches militaires dont Battle Cry of Freedom et Marching through Georgia. C’est un sentiment de quiétude qui prévaut tout au long de ce mouvement où les timbales et les cordes graves entonnent une marche simple et solennelle. Putnam’s Camp, Redding, Connecticut Cette deuxième pièce fut inspirée par le campement où, pendant la guerre d’indépendance des États-Unis, le général Israël Putnam prit ses quartiers au cours de l’hiver 1778 – 1779. Lors d’un 4 juillet, Jour de l’Indépendance, un jeune garçon participe à un pique-nique et rêve de rencontrer son héros, le général Putnam. Pour parodier les musiques de plein air, Ives reprend le matériau de deux compositions plus anciennes de 1904 (Country Band March et Overture & March 1776), divise l’effectif orchestral en groupes et les fait jouer les uns contre les autres dans des tempi et des tonalités et des tempi différents. Se dégagent des effets polyrythmiques et des dissonances cocasses. The Housatonic at Stockbridge Ce dernier mouvement trouve son inspiration dans un poème de Robert Underwood Johnson qui voit le cours d’un fleuve comme une métaphore de la vie. Au cours de leur voyage de noces, Ives et son épouse firent une promenade sur les bords de la rivière Housatonic près de Stockbridge. « Nous avons marché dans les prairies le long du fleuve, et l'on entendait le chant lointain de l'église à travers le fleuve. La brume ne s'était pas totalement dissipée du lit de la rivière, et les couleurs, l'eau mouvante, les rives et les ormes sont des choses dont l'on se souviendra toujours. » 3 Zoltán Kodály Háry János, suite d'orchestre Après avoir appris la musique essentiellement en autodidacte, Zoltán Kodály entra, en 1900, au Conservatoire de Budapest et reçut parallèlement une formation littéraire à l'université. En 1906, il fit une rencontre déterminante pour toute l'évolution ultérieure de sa carrière, celle de Bartók. La même année, les deux musiciens publieront les Vingt Chansons populaires hongroises, et cette recherche des racines aboutira à une collection de près de 30 000 chansons. C’est en 1925, alors qu’il publiait le premier des deux volumes de ses Musiques populaires hongroises, que Kodály commença la composition d’Háry János, jeu de chansons en un prologue, quatre aventures et un épilogue. Les quatre aventures sont celles d’Háry János, un personnage originaire de la ville de Szekszárd, qui a réellement existé vers 1800. Pendant neuf ans, il avait servi comme soldat dans l’armée impériale autrichienne et ne fut jamais capitaine des hussards hongrois. De retour à la vie civile, il devint portier de village dans le district de Tolna, en Hongrie occidentale, et il fit la connaissance du poète János Garay (1812-1853) qui recueillit ses aventures dont il s’inspira pour un poème humoristique en 1843. Le personnage séduisit Kodály, car, à travers Háry, il percevait « l’optimisme indestructible des Hongrois » et inventa, pour le mettre en scène, une forme inusitée jusqu’alors : « celle d’un jeu de chansons (daljáték en hongrois) entre vaudeville et singspiel », dans lequel les musiques traditionnelles hongroises sont élevées au rang d’hymne. Kodály a dressé ainsi le portrait de son héros. « Aussitôt que Háry se met à parler, le conte commence. Voilà la clef pour comprendre le Háry de la pièce, qui tient du vétéran immortalisé par Garay, mais le dépasse largement. Háry est plus qu’un savoureux personnage de genre : il incarne l’imagination magyare, créatrice de contes. Il ne ment pas, il élabore une histoire : c’est un poète. Ce qu’il raconte n’est jamais arrivé, mais lui l’a vécu, avec plus de vérité peut-être que dans la réalité. Musicalement, la pièce réclamait aussi quelque chose de ce genre…Tous les airs sont d’origine populaire, on peut les entendre dans les villages… Et dans la bouche des interprètes, par la force de leur authenticité, ils font plus d’effet qu’aucune mélodie inventée. » Ce jeu de chansons fut représenté à Budapest le 16 octobre 1926, puis suivi d’une suite d’orchestre en six mouvements – Prélude, Carillon viennois, Chanson, Bataille et défaite de Napoléon, Intermezzo, Entrée de l’empereur et de sa cour – créée à Barcelone le 24 mars 1926. 4 Orientations bibliographiques Le lecteur pourra satisfaire sa curiosité en consultant l’ouvrage suivant : Dvořák, Guy Erismann [Fayard] Orientations discographiques Antonín Dvořák Concerto pour violoncelle en si mineur opus 104 Jacqueline Du Pré, Orchestre symphonique de Londres, Sir John Barbirolli [EMI] Pablo Casals, Orchestre philharmonique tchèque, George Szell [EMI] Mstislav Rostropovitch, Orchestre philharmonique de Berlin, Herbert von Karajan [DG] Gautier Capuçon, Orchestre symphonique de la Radio de Francfort, Paavo Järvi [Erato] Charles Ives Three Places in New England Orchestre symphonique de Melbourne, Sir Andrew Davis [Chandos] Orchestre symphonique de Boston, Michael Tilson Thomas [DG] Orchestre de Cleveland, Christoph von Dohnanyi [Decca] Zoltán Kodály Hary Janos, suite d'orchestre Orchestre symphonique de Londres, Istvan Kertesz [Decca] Orchestre de Cleveland, George Szell [Sony Classical] Orchestre du Festival de Budapest, Ivan Fischer [Philips] 5