Johannes Brahms (1833-1897) Double Concerto pour violon, violoncelle et orchestre en la mineur op.102 Le célèbre violoniste Joseph Joachim avait été, en 1877, le créateur du Concerto pour violon de Brahms. L’amitié entre les deux grands musiciens n’allait pas durer. En effet, en 1881, Joachim tenta de divorcer d’avec sa femme. Brahms prit le parti de l’épouse de son ami… « Compte tenu de mes relations avec Joachim, j’ai essayé sans relâche de faire passer cette histoire aux oubliettes, mais rien à faire. Dieu merci, nous sommes toujours restés en bons termes sur le plan artistique ». Cette lettre que Brahms adresse en août 1887 à son éditeur Simrock en dit long sur le chemin qui lui reste encore à parcourir pour reconquérir l’amitié du violoniste. Heureusement, la brouille s’estompa lorsque le compositeur offrit à Joachim la partition du Double Concerto. Il fut créé le 18 octobre 1887 à Cologne, sous la direction de Brahms avec en soliste Joseph Joachim et Robert Hausmann, violoncelliste du Quatuor Joachim. Héritée de l’époque classique, la forme de ce Double concerto n’était plus en vogue. Par ailleurs, Brahms avait peu composé pour le violoncelle, hormis dans sa musique de chambre et notamment dans les deux Sonates avec piano. Il aurait agi différemment comme il l'affirma par la suite, s'il avait pu imaginer qu'on puisse composer une partition comme le Concerto pour violoncelle de Dvorak ! N’oublions pas non plus la place importante qu’il réserva à cet instrument dans l’Andante du Second Concerto pour piano ! Enfin, le modèle du Triple concerto de Beethoven, “l’éternelle référence” aux yeux de Brahms, était une tentation trop forte pour ne pas y céder… L’œuvre ne connut pas une popularité comparable à celle des Concertos pour piano ou à celui pour violon. Elle n’en possède pas moins une étonnante singularité avec ses superpositions de mélodies lyriques et virtuoses. Il s’agit certes d’un concerto avec deux solistes, mais également d’une symphonie avec solistes. Cette imbrication de deux genres musicaux se révèle dans les premières pages de l’Allegro : le violon et le violoncelle se présentent séparément par des cadences rhapsodiques avant d’entamer leur premier dialogue. Puis, l’orchestre dévoile toute sa puissance dans une atmosphère passionnée. Plutôt que d’évoquer un dialogue, nous devrions parler d’un duo. En effet, le rôle féminin (le violon) et masculin (le violoncelle) s’expriment comme s’il s’agissait d'une succession d'airs d’opéra. D’ailleurs, Brahms ne voulut pas heurter la susceptibilité des solistes et il prit soin d’accorder à chacun la même durée… de “parole” ! L’Andante en ré majeur s’ouvre sur quatre notes énoncées au cor et à la petite harmonie. La beauté du chant, son expressivité extatique laisse toute la place aux solistes. Ils peuvent improviser à loisir, ornementer, montrer l’étendue de leur personnalité. Mais, progressivement, les impératifs techniques font de nouveau leur apparition et les rythmes deviennent de plus en plus serrés. Le finale, Vivace non troppo est un énergique rondo aux rythmes hongrois. La brillance du premier thème est exposée au violoncelle, puis reprise au violon. La variation des rythmes et des couleurs met à profit la virtuosité des solistes avec des arpèges de plus en plus périlleux. Ils sont rejoints par l’éclat de l’orchestre. A LIRE Johannes Brahms par Claude Rostand (ed. Fayard, 1978)