Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized 43059 OFFRIR DES SERVICES DE SANTÉ 2008 AUX PAUVRES Tanzanie Le Marketing Social pour la Prévention du Paludisme : Augmentation de l’utilisation de Moustiquaires Imprégnées d’insecticide Plus de 500 millions de personnes contractent le paludisme chaque année dans le monde entier. Les plus vulnérables sont les nouveau-nés, les jeunes enfants et les femmes enceintes. En effet, les enfants n’ont pas encore acquis d’immunité tandis que l’immunité des femmes enceintes diminue pendant leur grossesse, en particulier la première et la deuxième. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), en 2003 le paludisme a causé le décès de plus de 3 000 enfants par jour, essentiellement en Afrique. Les moustiquaires imprégnées d’insecticide se sont avérées contribuer à réduire la mortalité due au paludisme d’en moyenne 18 % chez les enfants en Afrique subsaharienne, et accroître la proportion de meilleures issues de la grossesse. L’OMS encourage l’élargissement de la distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide et la Déclaration d’Abuja signée par les dirigeants africains lors du Sommet africain « Faire reculer le paludisme » en 2000 demandait que 60 % des enfants bénéficient de la protection d’une moustiquaire imprégnée à l’horizon 2005. Le défi à relever Le principal problème à résoudre pour pouvoir atteindre l’objectif de la Déclaration d’Abuja consistait à concevoir un mécanisme efficace, équitable et durable pour fournir des moustiquaires imprégnées d’insecticide aux populations pauvres et aux groupes les plus vulnérables de la population. La méthode du marketing social se fonde sur les principes et les techniques du marketing commercial pour fournir des produits qui ont un impact social positif à des prix abordables, souvent subventionnés, à des groupes de population vulnérables. Le marketing social de moustiquaires imprégnées d’insecticide, assuré par le biais d’un partenariat public-privé et d’une réelle participation communautaire en Tanzanie, a permis d’accroître rapidement la fourniture de moustiquaires aux groupes de populations les plus pauvres, en particulier pour les enfants et les femmes enceintes. Ce programme a permis d’améliorer les résultats au plan de la santé en réduisant l’impact du paludisme sur la population des enfants en termes de morbidité et de mortalité. Planification stratégique Le projet KINET avait pour objet d’accroître le nombre de moustiquaires imprégnées utilisées, en Tanzanie, par un groupe de population particulier, à savoir les femmes enceintes et les mères d’enfants âgés de moins de 5 ans, grâce à une action de marketing social conjuguée à des techniques de participation communautaire. Lancé en 1997, ce projet a été réalisé par le Centre de recherche et développement dans la santé d’Ifkara (Ifkara Health Research and Development Center — IHRDC) dans les circonscriptions de Kilombero et d’Ulanga au sud-ouest de la Tanzanie. Situées sur les terres basses de la plaine alluviale du Kilombero, ces deux circonscriptions enregistrent, chaque année, des précipitations abondantes de novembre à mai et sont d’importantes zones de transmission de paludisme, en particulier durant la saison des pluies. Pour qu’il soit possible de déterminer l’efficacité avec laquelle il améliore la situation des groupes pauvres, le projet a été doté d’une composante intégrée d’évaluation et a donné lieu à la collecte d’informations de référence sur les aspects www.worldbank.org/wbi/healthandaids démographiques, les facteurs de risque de mortalité juvénile, et les informations disponibles sur les maladies de l’enfance. Les études de marketing ont permis de déterminer l’accès à des moustiquaires ainsi que le degré d’information et les préférences de la population concernant ces dernières et leur utilisation. Il a été ainsi possible d’établir une base de référence pour l’évaluation des réalisations dans le cadre de l’initiative. Les informations recueillies montrent que, si les villageois voyaient bien le rapport entre les moustiques et le paludisme, ils ne percevaient pas aussi clairement l’existence d’un lien entre le paludisme et le décès de leurs enfants. En effet, beaucoup d’entre eux n’étaient pas convaincus que l’hypertrophie de la rate, les convulsions ou les accès de forte fièvre étaient dus au paludisme. Les études de marketing ont déterminé que des moustiquaires étaient disponibles et que les désagréments causés par les moustiques étaient la principale raison de leur utilisation dans les 37 % de foyers qui disposaient au moins d’une moustiquaire en 1996. Celles-ci n’étaient que rarement imprégnées d’insecticide même si les populations connaissaient cette technique. Il s’ensuit que, bien que la population ait été au courant de la disponibilité de moustiquaires, ces dernières étaient considérées plutôt comme une commodité que comme un instrument de prévention de la maladie. Ces conclusions ont fait ressortir un autre défi à relever pour promouvoir l’adoption des moustiquaires, c’est-à-dire la nécessité de changer la perception par les membres de la population de l’intérêt des moustiquaires, et c’est sur cette base que les travaux de planification du projet ont été poursuivis. La participation des membres de la communauté dès les premières phases du programme et la poursuite de cette participation durant la conception du produit ont largement contribué à l’établissement d’une stratégie de marketing social efficace ainsi qu’au succès du projet. Des réunions de sensibilisation ont permis aux responsables locaux de faire part des préoccupations suscitées par le projet et aux chercheurs d’identifier des opportunités d’utiliser les éléments de force des communautés et de déterminer leurs points faibles et les menaces éventuelles au succès des efforts de marketing social sur lesquels ils leur fallait porter leur attention. Le choix des produits, la formulation d’une stratégie de marketing, notamment le message à diffuser et la méthode de diffusion ont donné lieu à un réel effort de collaboration entre l’équipe chargée de l’étude de marketing et la population visée. Ce processus diffère des méthodes de marketing traditionnelles dans le cadre desquelles le vendeur contrôle généralement la prise de décision. Le projet KINET a travaillé en étroite collaboration avec les autorités locales chargées des questions de santé et d’éducation pour mettre au point une stratégie d’information, d’éducation et de sensibilisation guidée par les principes fondamentaux du marketing social, notamment la promotion de certains messages accompagnant un produit doté d’un nom de marque et d’un logo attractif ; l’orientation de l’action de marketing sur le consommateur ; et le ciblage de groupes de population particuliers (Andreasen, 1995). La connaissance et la compréhension par l’équipe du projet KINET des préférences et de la catégorie socioéconomique des membres de la communauté ainsi que la prise de conscience par la communauté de l’importance d’un programme productif ont formé les bases de la collaboration et du dialogue entre les membres de l’équipe et de la communauté aux fins de l’examen des concepts d’action durable et de recouvrement des coûts. Choix et tarification des produits Le nom de marque choisi pour les moustiquaires imprégnées d’insecticide est « ZUIA MBU » (qui signifie empêcher les moustiques en kiSwahili). Les produits choisis étaient, d’une part, des moustiquaires en polyester vert foncé, de haute qualité, disponibles en deux tailles différentes (100 x 180 x 150 cm and 130 x 180 x 150 cm) ; et l’insecticide ICON TM, suspension aqueuse de lambdacyhalotrhyne, pour imprégner les moustiquaires. L’insecticide est disponible en sachets de 6 ml, quantité qui permet de ré-imprégner un filet et élimine le risque d’exposer des enfants ou tout autre membre du ménage à une surdose d’insecticide. Le prix des produits a été décidé sur la base des réunions de sensibilisation tenues dans les villages et sur la base de ce qui s’est révélé, dans la pratique, être un prix abordable dans d’autres régions. L’étude de marketing a montré que les populations locales étaient prêtes à payer un montant proche du coût à recouvrer pour les moustiquaires et un peu moins du niveau de recouvrement des coûts pour les sachets d’insecticide. Les moustiquaires ont été vendues au prix de 3 000 shillings tanzaniens (cinq dollars en 1997) et les sachets d’insecticide au prix de 250 shillings tanzaniens (0,42 dollar en 1997). Promotion des produits par le biais d’une communication efficace Dans le but de mieux sensibiliser les populations et de leur expliquer l’association entre le paludisme et un mauvais état de santé d’une part et la protection conférée par les moustiquaires imprégnées d’insecticide, d’autre part, l’IHRDC et l’Équipe de gestion sanitaire de la circonscription ont mis au point une campagne d’information et des matériels basés sur les conclusions des études consacrées à la manière dont la communauté perçoit les maladies graves de l’enfance. Les activités de promotion ont donné lieu à l’installation de panneaux d’affichage et à la pose d’affiches, à la distribution de dépliants et à l’utilisation de cahiers d’exercices dans les écoles, etc. Les campagnes de communication de masse ont été organisées à l’occasion d’événements sportifs, de représentations théâtrales locales et d’autres formes de loisirs telles que chants et danses, et des fêtes marquant le lancement du produit. La stratégie mise au point a été communiquée aux agents chargés des ventes et aux personnes chargées de la formation dans les villages (notamment les responsables locaux, les instituteurs et les aides de santé maternelle et juvénile). Les aides des centres de santé ont reçu une formation pour apprendre à aborder cette question avec les femmes enceintes et les mères de jeunes enfants. Les interactions personnelles durant la présentation du message sont un aspect important du marketing social. Distribution Les produits ont été distribués à partir de points de ventes publics et privés. Des agents chargés des ventes ont été nommés dans chaque village par les responsables locaux et d’autres membres de la communauté, en concertation avec le personnel du programme, dans le cadre de réunions ouvertes. Le groupe formé par ces agents comprenait des membres du personnel de santé, des prêtres de la paroisse, des responsables locaux et des commerçants. Ils étaient tous rémunérés à la commission et un système avait été mis en place pour récompenser les vendeurs atteignant ou dépassant leurs objectifs. Les agents ont reçu une formation dans le cadre de laquelle ils ont appris à traiter les moustiquaires et à tenir des registres de leurs ventes. Ils ont ensuite participé à des sessions semestrielles de formation et d’examen. Au départ, le personnel du projet distribuait les produits aux vendeurs. Par la suite, les grossistes ont assumé ce rôle en raison de la portée géographique de l’opération. Évaluation Le projet s’est caractérisé par l’identification d’une zone particulière en tant que base de sondage pour l’évaluation du programme. Un système de surveillance démographique a été mis en place en 1996 ; il a donné lieu à un recensement intégral de la population couverte par la Phase I du projet, soit 55 000 personnes regroupées en 11 000 ménages dans 18 villages. Le recensement a permis de collecter des données démographiques de référence sur la population, et d’établir la carte des résidences ainsi que des structures temporaires qu’érigent les agriculteurs à proximité de leurs champs. Chaque ménage interrogé dans le cadre de l’étude de référence a été interrogé par la suite tous les quatre mois aux fins de la détermination de l’évolution de la composition de la population dues aux migrations à partir et à destination de cette zone, aux naissances, aux grossesses et aux décès. Par ailleurs, des données ont été collectées sur la possession de moustiquaires et autres actifs tels que toit en fer blanc, radio ou bicyclette et un score socioéconomique a été calculé pour chaque ménage. Les quelque 12 000 ménages faisant l’objet de l’enquête ont alors été répartis en quintiles sur la base des scores établis. Pendant la durée du programme, diverses enquêtes et évaluations ont été réalisées dans le but d’établir des données de référence et d’enregistrer les changements; une dernière étude a été menée postérieurement à la phase d’exécution, qui avait pour objet d’évaluer le succès du programme mesuré par le pourcentage d’utilisation de moustiquaires ainsi que l’impact de l’augmentation de ce pourcentage sur les indices de morbidité et de mortalité dues au paludisme chez les enfants. Résultats par quintile Entre 1997 et 2000, le programme de marketing social a permis d’accroître de plus de 100 % l’utilisation de moustiquaires imprégnées dans les groupes de populations inclus dans les quatre premiers quintiles de l’indice économique. Le taux d’utilisation de moustiquaires pour le quintile le plus pauvre est passé de 20 % 1997 à 73 % en 2002. Le ratio quintile le plus pauvre/quintile le moins pauvre (indicateur d’équité) est passé de 03 pour la période de référence à 0,75, cinq ans plus tard. La proportion de personnes possédant une moustiquaire en 1997, en 2000 et en 2002 est indiquée par catégorie socioéconomique à la figure 1. Le succès du programme de marketing social est confirmé par l’augmentation globale du pourcentage de ménage possédant une moustiquaire (imprégnée d’insecticide ou non), qui est passé de 58 % à 83 %, et de l’utilisation de moustiquaires imprégnées qui est passé de 10 % à 61 %. Figure 1. Pourcentage des ménages possédant une moustiquaire avant et après le programme de marketing social, par catégorie socioéconomiques en 1997, 2000 et 2002. 120 ménages possédant des moustiquaires (%) 1997 2000 100 97 2002 92 85 84 92 83 80 74 73 64 63 60 54 45 40 32 29 20 20 0 le plus pauvre 2 3 4 le moins pauvre score socioéconomique (quintile) Source : R. Nathan et al, IHRDC, 2007 Efficacité au plan des coûts L’efficacité au plan des coûts du projet KINET, qui a donné lieu à la distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide en Tanzanie, a également été évaluée. Le coût des moustiquaires imprégnées s’est établi à 1 560 dollars par décès évité et à 57 dollars par année de vie corrigée du facteur d’invalidité (AVCI). Le coût d’un décès évité reste dans les limites des résultats produits par les essais contrôlés avec répartition aléatoire des sujets menés au Ghana (2 304 dollars) et au Kenya (3 228 dollars). Résultats en matière de santé Les moustiquaires imprégnées d’insecticide ont permis de protéger les enfants du paludisme et des conditions qui y sont associées. Plusieurs études ont évalué le taux de survie et de morbidité des enfants après l’exécution du projet. L’une de ces études a fait état d’une augmentation de 27 % du taux de survie pour les enfants âgés d’un mois à quatre ans protégés par des moustiquaires traitées. Une autre a montré que si les moustiquaires imprégnées et non imprégnées avaient un impact réel sur la morbidité associée au paludisme, en particulier l’anémie (définie par un niveau d’hémoglobine inférieure à 80 g/l) et l’hypertrophie de la rate, les moustiquaires imprégnées affichaient un taux d’efficacité de la protection systématiquement plus important. (Voir le tableau 1). Avantages résultant du programme Le marketing social a permis d’atteindre un important objectif du projet, en mettant des moustiquaires à la disposition des groupes de population les plus démunis et en atteignant les groupes cibles constitués par les femmes enceintes et les Tableau 1. Efficacité de la protection assurée par les moustiquaires imprégnées d’insecticide et par les moustiquaires non imprégnées dans les circonscriptions de Kilombero et d’Ulanga dans le sud-ouest de la Tanzanie, 1999. Moustiquaires imprégnées d’insecticide Moustiquaires non imprégnées Parasitémie (présence de parasites du paludisme dans le sang) 62% 51% Anémia (hémoglobine <80 g/l) 63% 37% Rate hypertrophiée (splénomegalie) 76% 71% Source : Abdulla et al, BMJ 2001; 322;270–273 enfants. Dès 2000, le programme couvrait une population de près de 350 000 personnes réparties dans 122 villages tanzaniens. Les résultats produits par cet effort montrent que le marketing social est une méthode efficace, notamment au plan des coûts, de lutter contre les infections paludéennes et contre leur impact en termes de morbidité et de mortalité juvéniles. Ce modèle de marketing social par le biais d’un partenariat public-privé implique que, contrairement aux activités relevant uniquement du secteur privé, le retour financier sur l’investissement de l’État peut être faible, sinon nul. Il donne toutefois lieu au transfert de biens par l’intermédiaire du système commercial et vise donc à mettre en place une méthode de distribution durable, il répond à un objectif social et il appuie le commerce. Outre les résultats positifs immédiats qu’il procure, un système de marketing social comme le projet KINET peut avoir également des avantages à plus long terme, moins tangibles. Ces avantages sont l’éducation, l’organisation communautaire et la modification des perspectives au niveau individuel. Les impacts à long terme peuvent également se faire sentir par suite du renforcement des capacités nationales en termes de ressources humaines et techniques. L’infrastructure communautaire peut en outre servir de cadre à d’autres initiatives communautaires de prévention sanitaire. Cette fiche a pour objet de présenter brièvement de bonnes pratiques dans le domaine de Programmes de santé, nutrition et population qui profitent aux populations pauvres. Elle a été établie sur la base de l’étude d’Andreasen AR. Marketing Social Change: Changing Behavior to Promote Health, Social Development, and the Environment. San Francisco: Jossey-Bass Publishers ; 1995 ; 348p. ; d’ArmstrongSchellenberg et al., Effect of large-scale social marketing of insecticide-treated nets on child survival in rural Tanzania. Lancet 2001 ;357(9264) :1241–1247 ; Hanson et al. Cost-effectiveness of social marketing of insecticide-treated nets for malaria control in the United Republic of Tanzania. Bulletin of the World Health Organization 2003 ;81(4):269–276; Nathan et al. Mosquito nets and the poor: Can social marketing redress inequities in access? Tropical Medicine and International Health 2004;9(10):1121–1126; Schellenberg et al. KINET: a social marketing programme of treated nets and net treatment for malaria control in Tanzania, with evaluation of child health and long-term survival. Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine & Hygiene 1999 maijuin;93(3):225–231; Abdulla et al. Impact on malaria morbidity of a programme supplying insecticide treated nets in children aged under 2 years in Tanzania: community cross sectional study. BMJ 2001; 322;270–273. Les opinions exprimées dans cette fiche ne reflètent pas nécessairement celles de la Banque mondiale. www.worldbank.org/wbi/healthandaids