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iv. Exemple de la table : « La table sur laquelle j'écris, je dis qu'elle existe ; c'est-à-dire, je la
vois et je la touche ; si j'étais sorti de mon bureau, je dirais qu'elle existe ; j'entendrais par
ces mots que si j'étais dans mon bureau, je la percevrais ou qu'un autre esprit la perçoit
actuellement. Il y avait une odeur, c'est-à-dire on odorait ; il y avait un son, c'est-à-dire on
entendait ; une couleur ou une forme, on percevait par la vue ou le toucher. C'est tout ce que
je peux entendre par ces expressions et les expressions analogues. Car ce que l'on dit de
l'existence absolue de choses non pensantes, sans rapport à une perception qu'on en
prendrait, c'est pour moi complètement inintelligible. Leur existence c'est d'être perçues ; il
est impossible qu'elles aient une existence hors des intelligences ou choses pensantes
qui les perçoivent. » Traité sur les principes de la connaissance humaine, 1710, §3.
v. Exemple de la cerise : BERKELEY donne aussi l’exemple de la cerise : je sais que la cerise
existe, parce que je peux en avoir différentes sensations reliées les unes aux autres : « Je
vois cette cerise, je la touche, je la goûte, je suis sûr que le néant ne peut être vu, touché ou
goûté : la cerise est donc réelle. Enlevez les sensations de souplesse, d'humidité, de rougeur,
d'acidité et vous enlevez la cerise, puisqu'elle n'existe pas à part des sensations. Une cerise,
dis-je, n'est rien qu'un assemblage de qualités sensibles et d'idées perçues par divers
sens : ces idées sont unies en une seule chose (on leur donne un seul nom) par l'intelligence
parce que celle-ci remarque qu'elles s'accompagnent les unes les autres. Ainsi quand le
palais est affecté de telle saveur particulière, la vue est affectée d'une couleur rouge et le
toucher d'une rondeur et d'une souplesse, etc. Aussi quand je vois, touche et goûte de ces
diverses manières, je suis sûr que la cerise existe, qu'elle est réelle : car, à mon avis, sa
réalité n'est rien si on l'abstrait de ces sensations. » Trois dialogues entre Hylas et Philonous,
3ème dialogue.
d. Le monisme matérialiste : C’est la position selon laquelle l’esprit serait de même nature que la
matière.
i. EPICURE soutient que l’âme, tout comme la matière, est constituée d’atomes (mais
d’atomes plus fins). L’âme se dissout avec la mort du corps, elle est mortelle.
ii. Les scientifiques tendent à réduire la pensée consciente à des mécanismes cérébraux,
comme J.P. CHANGEUX dans L’homme neuronal, 1983 : « L’homme pense avec son
cerveau ». Une telle position remet en question la liberté humaine.
e. Problème de l’intelligence artificielle : Un ordinateur peut-il penser ? Le test de TURING consiste
à faire dialoguer des humains avec des ordinateurs (sans qu’ils le sachent) : les humains ont-ils
l’impression d’avoir parlé à un humain ou à une machine ?
2) Les relations matière / esprit : Peut-on comprendre la relation de l’esprit à la matière ?
a. Le « mind-body problem » : Comme l’esprit est-il relié au corps ?
i. Le dualisme : L’esprit et la matière sont deux choses distinctes. L’esprit survit à la mort,
indépendamment de la matière. Socrate, dans Le Phédon de PLATON, considère que la
mort du corps est une libération de l’âme (le corps est le « tombeau de l’âme »), laquelle
pourra alors se consacrer à sa vocation : la quête de la vérité, sans être troublée par les désirs
du corps. Tout ce qui est matériel entrave l’esprit.
ii. Le dualisme interactionnisme : Selon cette conception, l’esprit a une action causale sur le
corps. Le corps influence également l’esprit (sensations, sentiments…). DESCARTES
pense que l’homme est un composé de deux substances distinctes, l’esprit et la matière, mais
unies au niveau de la glande pinéale. L’esprit est cause des actions (des esprits-animaux,
vapeurs de sang – ce sont des particules matérielles –, vont de la glande pinéale aux
membres – via les nerfs – pour les mouvoir) et le corps des passions (les esprits-animaux
font alors le chemin inverse). L’union de l’esprit et du corps témoigne d’un lien très intime
entre les deux substances : nous ne sommes pas comme des pilotes dans leur navire. Cette
thèse a été beaucoup critiquée, en raison de la difficulté de penser l’articulation de deux
substances radicalement hétérogènes.
iii. Le parallélisme : Selon SPINOZA (17ème siècle), l’esprit et le corps sont deux aspects d’une
seule et même substance. C’est pourquoi mon bras se lève lorsque je le veux. Mais ce n’est
pas volonté qui a causé la levée de mon bras. Le fait de vouloir lever le bras, et le fait que
le bras se lève sont deux aspects d’une même variation de la réalité. Il n’y a pas de libre
arbitre : ce n’est pas la volonté qui nous fait agir librement.
iv. L’occasionnalisme : Les rapports de l’esprit et du corps ont été pensés par
MALEBRANCHE (17ème siècle) sur le mode de l’occasion : « C’est l’homme qui veut
remuer son bras : c’est Dieu seul qui peut et qui sait le remuer ». C’est la volonté divine,
seule cause efficiente, qui nous fait agir à l’occasion de la décision de notre volonté, qui
n’est alors qu’une « cause occasionnelle ».