(IV) Mauvaise science et bonnes intentions

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(IV)
Mauvaise science et
bonnes intentions
OC Psychologie
Car ol Tavr is & Elliot Ar onson, Les er r eur s des autr es
cha pit r e 4
Le souvenir retrouvé d’un abus sexuel :
Le cas de Grace (T&A 143-144)
Les raisons de Grace pour commencer une thérapie :
 Attaque de panique, difficultés relationnels au travail, sentiment de
perte de contrôle
Diagnostique de la psychothérapeute :
 Symptômes d’un abus sexuel oublié
Conséquence pour Grace :
 Acceptation du diagnostique de l’experte → souvenir retrouvé
 Rupture avec les parents et sœurs, séparation du mari et des enfants
 Plus tard, doutes sur la vérité de ses souvenirs retrouvés, opposés
« à la bienveillance et à l’amour qui traversaient toute l’histoire de sa
relation avec son père »
Réaction de la psychothérapeute face au doute exprimé par Grace :
 « Vous êtes plus malade que jamais. »
☞ Pourquoi cette réaction de la psychothérapeute ?
?
Récits d’enfants d’un abus sexuel :
Le cas des écoles maternelles (T&A 145-146)
Accusations des enfants à l’école McMartin (Californie) :
 Rituels sataniques avec torture des enfants dans des
salles souterraines, massacre de lapins domestiques
devant les enfants, contrainte des enfants à des actes
sexuels, tour en avion avec les enseignants
Accusations des enfants dans d’autres écoles
maternelles :
 Attaques par des robots, viols par des clowns et des
homards, contrainte de manger une grenouille, etc.
Réaction des psychothérapeutes cités en tant qu’experts
devant les tribunaux :
 « […] beaucoup d’entre eux, en invoquant leur propre
jugement clinique, se disaient certains que les
enseignants mis en cause étaient coupables »
☞Comment le jugement clinique peut-il justifier ces
accusations ?
Sources de la thérapie des souvenirs
retrouvés (TSR) (T&A 148) Voir aussi : Lilienfeld et al., 50 great Myths of popular psychology
Ancrage de la TSR dans les idées issues de la psychanalyse :
Psychanalyse (Freud & disciples)
Refoulement
•
•
Psychologie scientifique
Les expériences et fantaisies
embarrassantes de l’enfance sont
présentes dans l’inconscient.
Leur présence exerce une pression
qui est la cause des problèmes
psychologiques des adultes.
•
•
La plupart de ces expériences et fantaisies
sont oubliées (sauf les traumatismes),
souvent grâce à la résilience.
Les causes des problèmes psychologiques
sont les situations et les relations, les
attitudes et les croyances présentes.
Mémoire
•
La mémoire préserve toutes les
informations reçues originellement
sans les modifier.
•
La mémoire préserve seulement des bribes
des informations reçues originellement et
les modifie au fil du temps.
Traumatismes
sexuels
•
Sous une forme ou sous une autre,
nous subissons tous des
traumatismes sexuels pendant
l’enfance.
Ces traumatismes sont refoulés et
donc inconscients (jusqu’à leur
découverte dans la thérapie).
•
Le problème des traumatismes (sexuels et
autres) est précisément que l’on ne peut
pas les oublier.
Les personnes qui arrivent à vivre
sereinement avec leurs traumatismes ont
réussi à leur donner un sens dans leur récit
autobiographique.
Les rêves révèlent le contenu de
l’inconscient (expériences et
fantaisies refoulées)
•
•
Signification
des rêves
•
•
Les rêves n’ont aucune signification
symbolique.
Sources de la thérapie des souvenirs retrouvés
(TSR)
(T&A 147) Voir aussi : Llienfeld et al., 50 Great Myths of Popular Psychology
Ancrage de la TSR dans les idées de la psychologie populaire :
Psychologie populaire
Psychologie scientifique
Hypnose
« L’hypnose peut vous aider à retrouver [un
souvenir refoulé]. »
•
Faux : l’hypnose est une technique
de suggestion.
Véracité des
souvenirs & des
hypothèses
autobiographiques
« Si vous êtes absolument convaincu que
vos souvenirs sont véridiques, ils le sont ;
si vous supposez que vous avez été violé,
sans toutefois vous en souvenir, vous
l’avez sûrement été. »
•
Faux : être convaincu de la
véracité d’un souvenir n’implique
pas la véracité du souvenir.
Faux : faire une supposition
autobiographique n’implique pas la
vérité de la supposition.
Imagination
spontanée & rêves
« Si des images d’abus sexuels vous
reviennent soudainement, ou si vous rêvez
d’abus sexuels, vous êtes en train de
retrouver un souvenir authentique. »
•
Faux : la recherche montre que ni
l’imagination spontanée, ni les
rêves indiquent la présence d’un
souvenir véridique.
Mensonges
enfantins
« Sur tout ce qui concerne la sexualité, les
enfants ne mentent presque jamais. »
•
Faux : ce n’est pas le contenu,
mais les circonstances perçues qui
semblent motiver les mensonges
enfantins.
Indices
comportementaux
d’abus sexuels
« Si votre enfant fait des cauchemars,
mouille son lit, souhaite dormir avec une
veilleuse ou se masturbe, cela pourrait bien
signifier qu’il a subi des abus sexuels. »
•
Faux : ce sont des phénomènes
naturels qui apparaissent souvent
au cours de la maturation.
•
Résistance à l’abandon de la TSR :
L’autojustification (T&A 148-150)
Pourquoi les thérapeutes utilisant la TSR ont-ils souvent
continué à défendre leur pratique – alors qu’elle est
désavouée scientifiquement ?
 L’explication par l’autojustification. Ces thérapeutes font
l’expérience d’une dissonance entre :
• « J’ai pratiqué et défendu publiquement la TSR. »
• « Je suis une personne rationnelle et bien intentionnée. »
 Stratégies possibles de réduction de la dissonance :
• Avouer de ne pas avoir été aussi rationnel (et peut-être
même pas si bienveillant) que l’on aurait souhaité,
s’excuser auprès des patients, se réorienter → stratégie
douloureuse.
• Prétendre (comme les collègues de Semmelweiss) que
les études scientifiques qui démontrent les erreurs à la
base de la TSR ne prouvent rien. → stratégie facile.
 Prédiction de la théorie de la dissonance cognitive :
• La majorité des thérapeutes choisira la stratégie facile.
Psychologues cliniques, psychiatres
et Thérapeutes (T&A 148-150)
Les professions de la santé mentale :
Formation
Psychologues
cliniques
Doctorat en
psychologie
Domaine de l’expertise
•
•
Relation avec la recherche en
psychologie
Application des thérapies issues
de la recherche.
Utilisation du raisonnement
scientifique dans la pratique
thérapeutique.
•
•
Les résultats de recherche
sont la base de leurs
thérapies.
L’efficacité des méthodes
de thérapie est évaluée
scientifiquement.
Psychiatres
Doctorat en
médecine &
souvent
initiation à la
psychanalyse
•
•
•
Médicamentation thérapeutique.
Application de la psychanalyse.
Utilisation souvent insuffisante du
raisonnement scientifique dans la
pratique thérapeutique.
•
Souvent aucune.
Psychothérapeutes
Aucun diplôme
universitaire
dans le
domaine de la
santé
•
Application des thérapies de la
psychologie populaire.
Souvent aucun raisonnement
scientifique dans la pratique
thérapeutique.
•
Aucune.
•
Manque de raisonnement scientifique et
autojustification (T&A 153-155)
La relation thérapeutique est souvent un échange entre le thérapeute
et le patient.
 Le manque de raisonnement scientifique risque d’aveugler le
thérapeute à ses propres biais cognitifs.
Exemples :
 « Ma patiente va mieux ? C’est parfait : cela montre que mon
traitement a été efficace. »
 « L’état de ma patiente a persisté, ou empiré ? C’est regrettable.
Mais cela montre bien qu’elle est récalcitrante à la thérapie, et
gravement atteinte. En plus, l’état du patient doit parfois empirer
avant de pouvoir s’améliorer. »
 « Je suis convaincu que les colères refoulées provoquent des
troubles sexuels. Le problème d’érection de mon patient doit donc
provenir d’une colère refoulée, contre sa mère ou sa femme. »
 « Je suis convaincu que les abus sexuels entraînent des troubles
du comportement alimentaire. Si ma patiente souffre de boulimie,
elle doit donc avoir été violée durant son enfance. »
☞Le manque de raisonnement scientifique facilite l’autojustification
des thérapeutes, car il permet d’avoir toujours raison.
Manque de connaissances scientifiques et
témoignage devant les tribunaux (T&A 155-157)
Bessel van der Kolk, éminent psychiatre, témoin fréquent des plaignants dans des procès
d’abus sexuels, interrogé au tribunal :
Q : Avez-vous connaissance du moindre travail de recherche sur la fiabilité ou la validité des jugements cliniques
ou des prévisions cliniques fondés sur des informations obtenues lors d’entretiens avec les patients?
R : Non.
Q : Quel sens donnez-vous au terme courant de « preuve contraire » ?
R : Je pense qu’il désigne une preuve qui contredit certaines idées auxquelles les gens tiennent.
Q : Concernant la théorie selon laquelle les gens peuvent refouler des souvenirs, bannir certains événements
traumatiques de leur conscience, les ranger dans leur mémoire, et se les rappeler des années plus tard avec une
certaine précision, quelle est la preuve contraire la plus convaincante que vous connaissiez ?
R : Ce qu’on peut dire de plus convaincant contre cela?
Q : Oui. Quelle est la preuve contraire la plus convaincante ?
R : Je ne vois vraiment pas de preuve valable contre cela...
Q : Avez-vous lu quelque chose au sujet des faux souvenirs obtenus par l’hypnose?
R : Non.
Q : Y a-t-il des travaux de recherche sur la question de savoir si les cliniciens améliorent, avec les années, leur
aptitude au jugement clinique?
R : Je ne sais pas s’il y en a, en fait…
Q : Avez-vous une technique pour distinguer les vrais souvenirs des faux souvenirs?
R : En tant qu’êtres humains, nous sommes tous constamment amenés à nous demander s’il nous faut croire ou
non ce que nous raconte telle personne, et nous portons tous des jugements en permanence. Et il y a ce que l’on
appelle la cohérence interne, et, si une histoire a une cohérence interne, et qu’on vous la raconte avec un affect
approprié, vous avez tendance à croire qu’elle est vraie.
Questions de
compréhension
1. Pourquoi les souvenirs retrouvées d’une personne qui découvre
soudainement d’avoir été victime d’un abus sexuel pendant l’enfance
ne sont-ils pas automatiquement vrais ?
2. Quelles sont les présuppositions fausses de la thérapie des
souvenirs retrouvés (TSR) – et pourquoi sont-elles fausses ?
3. Pourquoi est-il si difficile pour les partisans de la TSR de modifier
leurs opinions et leur pratique ?
4. Expliquez les différences entre les pratiques des psychologues
cliniques, des psychiatres et des psychothérapeutes non
universitaires.
5. Quels sont les problèmes de la pratique des psychiatres dans
l’exemple de l’interview avec Bessel van der Kolk ?
➢ L’analyse (a) du refoulement selon Freud, (b) de la technique
d’interrogation des enfants et (c) de la pyramides des choix appliqué
à l’engagement dns la TSR (T&A 158-182) fera l’objet d’un exposé par
un groupe d’étudiants.
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