Conduite àtenir devant ...
La kinésithérapie
des retentissements
respiratoires des déformations
scoliotiques
Ann. Kinésithér., 1980, 7, 493-502
J. HUBERT *
Si la déformation scoliotique est souvent étudiée, le retentissement
des déformations thoraciques sur la fonction respiratoire est moins
fréquemment évoqué. L'auteur présente ici une systématisation des
difficultés rencontrées par les patients en fonction de la déformation, et
donc de la gêne mécanique. Le programme de kinésithérapie, présenté
succinctement, doit suffire néanmoins aux confrères un peu avertis
pour appliquer àleurspatients les conseilsprécis de cet article. Notons que
l'auteur encourage l'activité àtout prix, y compris une activité sportive
adaptée, afin d'éviter la ((maladie surajoutée »qui dérive de l'immobilité.
OBSERVATIONS ANATOMOPATHOLOGIQUES DÉCOULANT
DE L'ÉTUDE DES POUMONS DES SCOLIOTIQUES
Le tissu pulmonaire
Peu d'études complètes ont envisagé cet aspect de la déformation
scoliotique. Les remarques qui vont suivre sont les résultats des travaux de
Bergofsky (2), Naeye, Liebow, Shaw et Read (Cités par Decoster, 7). Elles
sont tirées de certains de ces travaux et de ceux de Remacle et De-
coster (7).
Le degré de scoliose conditionne l'importance des altérations
pulmonaires et vasculaires. Il est bien entendu que les scoliotiques, de par
les déformations de la colonne, ont un thorax plus court au volume
diminué. Le poumon du côté de la concavité est comprimé, ce qui peut
réaliser parfois une atélectasie segmentaire ou lobaire.
L'œdème pulmonaire et les foyers de bronchopneumonie peuvent
Kinésithérapeute, 349, rue Brigade-Piron, 6080 Montignies-sur-Sambre (Belgique).
493
r
assombrir encore le tableau. Mais les foyers simples ou multiples
d'atélectasies segmentaires ou lobaires restent la caractéristique chro-
nique prédominante.
L'emphysème ne semble pas être la pathogénie dominante et
l'existence de bronchite, ou de bulles d'emphysème, n'est que très rare.
Microscopiquement, on peut conclure que les poumons sont plus collabés
que distendus.
Les vaisseaux thoraciques
Bergofsky remarque que les gros vaisseaux thoraciques comme
d'ailleurs les autres organes du médiastin peuvent être modifiés dans leur
direction, leur forme, leurs dimensions et être comprimés (3).
Les modifications, si elles sont extrêmement importantes, n'ont pas
pour autant des répercussions hémodynamiques. Lors de ses travaux sur
des cas autopsiés, Bergofsky n'a pas observé de compression significative
pouvant perturber le flot sanguin au niveau des veines ou des artères
pulmonaires, de la veine cave ou de l'aorte.
Il ne faut donc pas chercher dans ces remarques la pathogénie de la
décompensation cardiaque de certains scoliotiques.
Le lit vasculaire pulmonaire
Vu la réduction de la taille des poumons, il y a diminution du lit
vasculaire pulmonaire.
Chez les scoliotiques, le débit circulatoire reste normal, mais lors de
l'effort en s'accélérant, il entraîne l'apparition d'hypertension artérielle
pulmonaire, même chez les sujets indemnes de signes subjectifs ou
objectifs de décompensation cardia-respiratoire, ce qui traduit une
réduction du lit vasculaire pulmonaire (Remacle citant Bergofsky, Sadoul
et Charrier) (7).
Naeye (12) lors d'études microscopiques, observe une réduction
considérable du réseau artériel et capillaire pulmonaire. Les lésions
anatomiques découvertes (dilatation de la lumière, hypertrophi e et
hyperplasie de la média) sont indépendantes de l'existence ou .non de
complications pulmonaires surajoutées mais sont secondai res d'une
hypertension artérielle pulmonaire et du cœur pulmonaire chronique.
Naeye (12) interprète ces altérations vasculaires comme étant la
répercussion d'un flot sanguin normal, au niveau d'un lit capillaire réduit
par la déformation thoracique. On retrouve ces lésions au niveau du
poumon restant chez les pneumectomisés après quelques années; eux
aussi devant faire passer un même volume de sang dans un lit vasculaire
pulmonaire réduit d'environ 50 %.
494
D'autre part Bergofsky (3) et Naeye (12) n'observent pas de jonction
artério-veineuse anatomique au niveau du cœur et des poumons ..
LE CŒUR PULMONAIRE CHRONIQUE
DANS LES SCOLIOSES GRAVES
Pour Bergofsky, dans 65 %des cas àl'autopsie «des scolioses)} se
rencontre une hypertrophie ventriculaire droite, celle-ci est plus marquée
dans les déformations vertébrales ayant atteint un degré sévère ou si les
sujets ont présenté des signes de bronchopathie obstructive (3).
Un fait important est àretenir de suite: les insuffisances cardiaques
droites des gibbeux sont particulièrement rebelles aux diurétiques et aux
tonicardiaques, le pronostic n'en est qu'assombri (7).
Après avoir remarqué que l'évolution de l'insuffisance respiratoire vers
l'insuffisance cardiaque droite se fait aussi bien chez des pati ents
bronchiteux que chez ceux indemnes de toutes poussées d'infection
bronchique. Sadoul et Cherrier (14) concluent que l'existence ou l'absence
d'un syndrome spirographique obstructif associé au syndrome restrictif ne
permet nullement de présager de la fréquence de la défaillance cardio-
vasculaire. Bergofsky a également étudié l'hémodynamique des scolioses:
il distingue 3 stades évolutifs (rapporté par Remacle, 7) :
Cyphoscolioses asymptomatiques
La pression artérielle moyenne normale au repos ainsi que le débit
cardiaque s'élèvent àl'effort dans les mêmes proportions que chez le sujet
normal.
Lasaturation artérielle en oxygène est normale.
Cyphoscolioses ayant une dyspnée d'effort
Hypertension artérielle pulmonaire au repos, majorée àl'effort.
Le débit cardiaque normal s'adapte àl'effort.
La saturation en oxygène du sang artériel, normale au repos, est
diminuée àl'effort.
Cyphoscolioses avec cœur pulmonaire chronique
L'hypertension artérielle pulmonaire est constante au repos et forte-
ment accentuée àl'effort. 495
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L
Au repos, il y a désaturation et hypercapnie du sang artériel. «Comme
pour les emphysémateux, c'est l'hypoxie et l'hypercapnie qui sont
responsables de l'hypertension artérielle chez les gibbeux» (Remacle, 7).
LES RETENTISSEMENTS RESPIRATOIRES DES SCOLIOSES
CHEZ L'ADOLESCENT
Remarque préalable
En vue de calculer les valeurs théoriques de référence des différents
paramètres respiratoires, il est nécessaire de rechercher la taille théorique
des sujets par examen sur des radios de face faites par la méthode de
téléradiographie. Les valeurs trouvées ne restent que des approximations
toutefois plus proches de la réalité (8).
Synthèse quant aux données recueillies dans la littérature et dans un
travail personnel (S, 9)
Les scoliotiques jeunes présentent un syndrome restrictif pur. Nous
avons objectivé une difficulté nette d'obtenir des expirations complètes
soit par modification des propriétés élastiques de la cage thoracique
(Sadoul et Cherrier, 15) soit par le fait de l'obtention difficile chez l'enfant
d'un VRE correct (Collombier et coll., 16). Dans un travail antérieur (8).
nous avons décrit deux scoliotiques très graves àactivité fonctionne1le
minime montrant une élévation nette de la fréquence avec volume courant
faible: selon Remacle et Decoster (7) la raison en est que chez ces sujets,
tout accroissement de l'amplitude respiratoire s'accompagne d'une
augmentation très considérable du travail respiratoire. Le degré de gravité
de la scoliose conditionne le retentissement ventilatoire qui est aussi lié à
la perturbation costale et diaphragmatique (7,11,14).
D'après nos constatations, il apparaît qu'une activité fonctionnelle
voisine de la normale soit un frein valable vers une évolution pouvant
devenir dramatique (fig. 1à6).
Notons que Miguères (11) insiste avec raison sur le fait que la
contention prolongée par appareil plâtré est susceptible d'accuser ou de
favoriser le syndrome restrictif (11).
Dans le cas de déformations très graves, le travail respiratoire
s'accroît àcause des modifications des propriétés mécaniques de la cage
thoracique, les propriétés du parenchyme pulmonaire restant sensiblement
normales (conclusions reprises par Remacle et Decoster). Nous avons
objectivé chez nos scoliotiques la présence de troubles de la diffusion
(considérée comme phénomène global) en rapport avec la gravité des
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FIG. 2. - Etude de la corrélation entre le rapport ~et l'angle de la cambrure principale.
r=- 60. CVth
déformations. Ces troubles secondaires ne semblent pas exister si l'activité
fonctionnelle permet un entretien régulier de la fonction pneumo-cardio-
circulatoire. Certains sujets aux déformations légères, mais chez qui une
activité fonctionnelle normale n'est pas permise montrent également des
troubles de la diffusion, qui dans ce cas ne sont pas uniquement
secondaires de la scoliose (fig. 3à6).
En effet, la corrélation (r) déterminée entre les rapports cv/cv
théorique (caractérisant le syndrome spirographique restrictif), DCo
R./DCo TH. et DCoN (jugeant quantitativement et qualitativement la
capacité de diffusion) et l'activité fonctionnelle du moment (9) (fig. 7, 3,4)
est autrement statistiquement significative que celle observée lors de la
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